Et le Brésil dans tout ça ?
par Gérard Police
D’abord la communication informelle, le flot d’informations incessantes échangées par les personnes entre la Guyane et le nord du Brésil, en particulier l’Amapá, à travers la frontière de l’Oyapock, et au-delà. En substance, le discours était du type : « En Guyane française tout est bloqué, ils ont installés des barrages partout. C’est pour protester contre le prix du carburant. »
A Saint-Georges, sur cette interface qui n’est pas tout à fait une frontière, toute une histoire tournée vers l’autre rive pour quantité d’approvisionnements et d’échanges humains a considérablement amorti les échos de la crise qui se déroulait dans l’ouest.
Puis, au-delà d’Oiapoque, le réseau informel a véhiculé l’existence d’une crise en Guyane pour aboutir sur deux sites amapaenses, là où commence le deuxième champ, l’information mise en forme, les blogs, les médias semi-professionnels et professionnels, les communiqués officiels.
Ainsi le site du journaliste Chico Bruno (www.chicoterra.com) qui présente en introduction le 3 décembre : « Crise do abastecimento na Guiana francesa […] » — [traduction :] « Crise du ravitaillement en Guyane française - L’information envoyée par une habitante de Cayenne, via Skype, rend compte de la crise qui s’est installée en Guyane à cause du prix des carburants. Les aliments commencent à manquer dans les supermarchés. » Suit, intégralement en français, l’article de Frédéric Farine* « Neuvième jour de paralysie en Guyane, élus et services de l’État discutent ».
Deux jours plus tard, 5 décembre, le blog de Luciana Capiberibe (du clan du même nom) (lucianacapiberibe.com) signale : « Termina segunda-feira bloqueio geral na guiana Francesa » (« Le blocage général de la Guyane française se termine lundi »).
Les informations sont données comme venant de Philippe Byron, mais en portugais [traduction ci-après] :
« Après 20 jours de négociations le Gouvernement français et les institutions locales ont accepté de baisser le prix du carburant de 0,5€, c’est-à-dire 1,62 Reais. Le prix actuel est de 1,77€ le litre d’essence, équivalent à 5,76 Reais, un des plus élevés au monde. Révoltée, la population, conduite par le président du Conseil Régional de Guyane, Antoine Karam, a décidé de bloquer les principales routes de ce pays. (Cayenne, Montjoly, Matoury, Régina, St Georges, Kourou, Sinnamary, Iracoubo, Mana et St Laurent du Maroni) pour tenter de forcer à la baisse du prix du carburant.
Le blocage a commencé lundi 24 novembre. Malgré de nombreuses difficultés et la résistance du gouvernement à baisser le prix, la revendication de la population a été finalement acceptée. La situation était devenue compliquée, avec les commerces vides et une pénurie dans l’alimentation, les transports et le carburant ; l’aéroport a été fermé, de même que le port.
Les médias français n’ont pas accordé une grande attention aux événements, soulignant seulement que si la situation de blocage continuait il y aurait un blocage du lancement de la fusée Ariane, prévu pour le 12 décembre. »
En vérité, malgré des recherches quotidiennes, et avec le handicap d’un accès internet instable ou impossible à certains sites, rien d’autre n’a été trouvé. Rien non plus, jusqu’à présent, dans le plus important organe d’information du Pará, O Liberal de Belém. Si des chanceux ont pu obtenir davantage d’informations, qu’ils le fassent savoir, nous serons profondément reconnaissants…
Bien entendu, le petit monde de l’information de l’Amapá n’est pas resté étranger. Le sulfureux Jornal da Fron-teira (installé à Macapá) a cherché dès le 29 novembre à s’informer de ce qui se passait.
La crise guyanaise n’a donc pas échappé à nos voisins de l’Amapá, elle a été commentée, ou au moins évoquée, aussi bien par ceux qui sont concernés par la Guyane au plan économique et familial, que dans les cercles des commentateurs des affaires régionales et des responsables et politiques de l’Amapá.
Mais ce qui nous interpelle est qu’elle n’ait pas franchi le seuil d’intérêt à partir duquel les organes d’information signalent un fait et lui donnent ainsi valeur, sens et poids. D’autant que, pour l’Amapá, les médias du devant de la scène (Diário do Amapá et Jornal do Dia) sont sans ambiguïté au service des pouvoirs en place.
Le sujet n’est pas tout à fait clos cependant. En langue portugaise, mais loin du Brésil et de la Guyane, les Portugais ont été raisonnablement tenus au courant des péripéties locales. A partir du 3 décembre, à la suite d’une information de l’agence Lusa, les médias du Portugal ont relayé les nouvelles. Il semble que le point de départ ait été un coup de téléphone d’une personne de nationalité portugaise sur le site spatial de Kourou. Le Diário de Notícias de Lisbonne, une référence de la presse portugaise, a développé le sujet dans son édition du 4 décembre. L’impression qu’ont dû en retirer les lecteurs est que dans une contrée perdue entre Brésil et Surinam, de l’autre côté de l’océan, des émeutes ont mis le pays à feu et à sang, empêchant ainsi la fusée Ariane de décoller avec ses précieux satellites de télécommunication européens.
Gérard Police
gerard.police@blada.com
11 décembre 2008
* « Neuvième jour de paralysie en Guyane, élus et services de l'Etat discutent », par Frédéric Farine
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/neuvieme-jour-de-paralysie-en-guyane-elus-et-services-de-l-etat/920/0/296501
De Gérard Police, sur blada.com :
Août 2008 : La Pièce maîtresse du puzzle
Août 2008 : Les causes de la conséquence : pourquoi Harpie est remise en cage
Janvier 2008 : Anti-discours sur la coopération régionale Brésil-Guyane
Janvier 2008 : C'était le Dakar
Mars 2007 : Boycotter le Brésil ?
Septembre 2007 : Un pont vers l'Enfer ?
Novembre 2007 : Chasse à l'homme
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