Passés inaperçus lors de la rencontre du 12 février à Saint -Georges de l’Oyapock, bien que largement développés dans les médias brésiliens de l’époque, les fabuleux accords de vente de technologie militaire française au Brésil avancent. On ne les confondra pas avec les vagues allusions de coopération militaire contre l’orpaillage clandestin, enlisée dans la forêt. On comprendra pourquoi.
L’hebdomadaire
Istoé, dans son édition du 21 août, présente un dossier impressionnant sous le titre : « Le Plan de Défense Nationale prévoit la France comme partenaire stratégique et technologique dans la Marine, l’Aéronautique et l’Armée ». En voici une synthèse.
Le Plan Stratégique de Défense Nationale, comprend l’acquisition, pour des dizaines de milliards de
reais, d’équipements pour la Marine, l’Armée et l’Aéronautique. C’est la France qui a été choisie comme principal partenaire pour les prochaines décennies, fournissant sous-marins conventionnels, hélicoptères et, presque certainement aussi des chasseurs supersoniques. Sarkozy a remporté le marché en garantissant au président Lula que la France jouera à fond la carte du transfert de technologie vers le Brésil. Le 23 décembre, l’accord d’alliance stratégique avec la France sera signé par les deux présidents Lula et Sarkozy. Il s’agit, selon le ministre Jobim, d’échapper à l’hégémonie américaine.
C’est à la Marine que reviendront les plus gros investissements du plan. Le Brésil construira des sous-marins en partenariat avec la Direction des Constructions Navales française : trois sous-marins conventionnels Scorpène à propulsion diesel. Ensuite il va intégrer la technologie de la DCN pour produire son premier sous-marin à propulsion nucléaire. Le projet complet des sous-marins atteint les 7 milliards de dollars, un minimum qui est appelé à évoluer.
En ce qui concerne l’Armée, avec 17 mille hommes dans les zones indigènes de frontière, les soldats indiens recevront des fusils neufs, des jumelles à vision nocturne et des puces électroniques de pistage. «
C’est un autre point pour lequel nous comptons sur la collaboration des Français » déclare Jobim. Le ministre affirme que le Brésil a déjà les guerriers de forêt les plus compétents de la planète. Il prévoit de créer en Amazonie le modèle de l’« armée mobile », dont le fer de lance seront les 50 hélicoptères fabriqués par la Helibrás, en consortium avec la française Eurocopter.
Pour l’Aéronautique, le gouvernement brésilien doit conclure un accord pour importer la technologie de construction des chasseurs Rafale, de Dassault, avec participation importante d’une entreprise brésilienne. Dassault était en concurrence avec le gratin mondial : Boeing et son F-18, Lockheed et son F-16, le suédois Grippen, le russe Rosoboronexport qui commercialise le Sukhoi, et le consortium européen Eurofigter. Le Brésil prévoit d’importer 12 chasseurs Rafale avant la fabrication nationale. En plus des chasseurs, la surveillance du territoire national sera également faite depuis l’espace. Le plan prévoit la construction de satellites géostationnaires au Brésil, qui doivent être lancés de la base de Kourou.
Enfin, les journalistes brésiliens ne peuvent résister au charme de notre première dame et à notre croisade du futur : en décembre le président Sarkozy se rendra à Brasília «
avec son épouse la chanteuse Carla Bruni, pour renouveler la sainte alliance militaire avec les Français ».
La zénitude des responsables guyanais et la mansuétude du gouvernement français face au pillage de la Guyane, les provocations politiques brésiliennes autour de notre statut de Guantanamo colonial des gentils garimpeiros sont des épiphénomènes presque anecdotiques du montage militaro-technico-financier milliardaire (en euros) qui se met en place pour les décennies à venir entre la France et le Brésil.
Car, au bout du compte, avec un zeste de cynisme, la Guyane est censée retirer des bénéfices de cet imbroglio. La coopération régionale en est un majeur. Dernier exemple, le président de région Antoine Karam était dernièrement à l’Ufopa (Universidade Federal do Oeste do Pará) à Santarém dans le Pará dans le cadre du Programme Opérationnel de Coopération Transfrontalière en Amazonie, impulsé par la Guyane sur fonds européens à hauteur de 17 millions d’euros. Le dispositif université-recherche en Guyane mise gros sur ce dossier.
Mais on ne peut s’empêcher de rapprocher les informations et les valeurs. Les millions d’Euros qui vont transiter par la Guyane pour alimenter un partenariat qui est tout bénéfice pour le Brésil ne sont que des poussières de miettes tombées du gâteau militaire. Et c’est le même ministre, Hervé Morin, qui signe en bas des accords de coopération milliardaire de technologie militaire, qui nous a fait savoir qu’il n’y a pas d’argent pour continuer à financer les opérations de répression du banditisme sur les fleuves et dans l’intérieur de la Guyane.
A l’échelle de la partie qui se joue, l’or de Guyane et ses retombées désastreuses dans tous les domaines ne pèsent plus rien.