Un pont vers l’ « Enfer » ?
par Gérard Police
Docteur en études brésiliennes, maître de conférences à l’Université des Antilles et de la Guyane (IES de la Guyane), Gérard Police est Guyanais depuis 1978, arpenteur du Brésil depuis cette date, en avion, en bus, en moto, à pied. Il y a connu les gens de tous les milieux, à l'exception des gangsters et trafiquants de drogue, précise-t-il. En tant que chercheur, il a travaillé en particulier sur la construction de l'identité afro-brésilienne et publié deux livres dans cette problématique : « La fête noire au Brésil - l'Afro-Brésilien et ses doubles », l'Harmattan, 1996, et « Quilombos dos Palmares - lectures sur un marronnage brésilien », Ibis Rouge 2003. Il a également participé à un ouvrage collectif à paraître, coordonné par Serge Mam Lam Fouck, avec un article intitulé : « Fantasmes et réalités de l'invasion de la Guyane par le Brésil ».
Gérard Police est aussi l'auteur d'une chronique parue sur blada.com en mars 2007 : « Boycotter le Brésil ?».
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L’autre volet récurrent des critiques brésiliennes contre la Guyane française - les brutalités alléguées contre les garimpeiros - ne se limite pas aux comptes rendus du documentaire de Philippe Lafaix évoqué plus haut. En mars 1997, trois articles de la Folha de São Paulo, s’alarmaient de la situation. Celui du 29 mars était intitulé : « Je ne savais pas que c’était cet enfer »… En fait, la question n’a pas cessé d’être d’actualité et est devenue politique :
Amapá Busca - 30/10/2006
« Barbarie sur la frontière
La Gendarmerie brutalise des Brésiliens clandestins
Près de soixante pirogues appartenant à des garimpeiros clandestins qui agissent dans la région de la Sikini sur l’Oiapoque ont été détruites par la police française. L’action de la police française, inédite dans la région qui connaît depuis de longues années des activités d’orpaillage, a révolté les garimpeiros et les habitants de Vila Brasil. ‘’Ils sont arrivés sans prévenir, ils ont tout brûlé, ils ont pris notre or et ont détruit les pirogues. Les gens se retrouvent isolés dans l’intérieur’’, a expliqué une garimpeira. Le gouverneur [de l’Amapá] Waldez Góes a regretté et condamné l’action de la police française, mais en même temps a affirmé que l’épisode ne peut pas ébranler les bonnes relations entre l’Amapá et la Guyane française. Selon des informations d’habitants d’Oiapoque, la PAF agit de façon barbare, même à l’intérieur de la commune d’Oiapoque où, lors d’une action dans une zone d’invasion connue sous le nom de Vila Vitória face à Saint Georges, elle a brûlé la maison d’un habitant sans autres explications, et sans réaction du gouvernement brésilien. »
La vídeo de Tv Amapá-Macapá est également acessible.
Folha do Amapá - 09/11/2006
« Tension sur la frontière
[…] Le climat est tendu sur la frontière. Ces dernières semaines plus de 40 embarcations brésiliennes et tout leur chargement ont été détruits par la gendarmerie et des centaines de Brésiliens ont été chassés.
Les Brésiliens se plaignent de la ‘’truculence’’ des Français et ceux-ci rendent les Brésiliens responsables de tout ce qui se passe de mauvais : assassinats, crimes contre l’environnement et prostitution. »
En Amapá, le clan Capiberibe, en la personne de Camilo et de Janete (respectivement fils - et député d’Etat - et épouse - et députée fédérale - de l’ex-gouverneur João Capiberibe), monte au créneau sur le site de la députée :
« Le député Camilo dénonce l’exploitation des Brésiliens sur les sites d’orpaillage - Brasília, 14/06/2007.
Repris dans Folha do Amapá, 15/06/2007 sous le titre « Député du PSB participe au Forum des Droits de l’Homme à Brasilia »)
« Le député d’Etat Camilo Capiberibe (PSB-Amapá) président de la Commission des Droits de l’Homme de l’Assemblée Législative de l’Amapá (CDH) a participé ce jeudi 14, au IX Forum Parlementaire National des Droits de l’Homme à Brasilia. […]
Capiberibe a dénoncé la vulnérabilité dans laquelle se trouvent les Brésiliens, en particulier Amapenses, Paraenses et Maranhenses, qui travaillent sur des sites d’orpaillage clandestins en Guyane française et au Surinam. Le député du PSB a exprimé sa préoccupation par rapport aux limites juridiques et légales pour une intervention de l’Assemblée Législative de l’Amapá sur la question des mauvais traitements survenus en territoire étranger.
‘‘Ce sont des Brésiliens qui subissent toute sorte d’humiliations, et aussi forte que soit notre bonne volonté pour intervenir, nous avons des limites légales. Je veux demander le soutien du Gouvernement Fédéral et de la Chambre des Députés pour qu’ils interviennent et assistent la Commission des Relations Extérieures de l’AL afin de garantir les droits de l’homme des Brésiliens qui se trouvent dans ces régions’’, a-t-il souligné.
[…] Le socialiste a remercié le soutien de la CDHM à l’Audience Publique d’Abus Sexuel sur des Enfants, réalisée le 17 mai, à laquelle a participé l’assesseur technique de la CDHM, Amarildo Formentini. Capiberibe s’est montré préoccupé par le trafic d’êtres humains, en particulier de femmes et d’enfants amazoniens vers des zones d’orpaillage en Guyane française et au Surinam, situation qui a déjà été objet d’enquête de la CDHM en 2006 […] »
et
« La députée Janete demande la protection des Brésiliens en Guyane - Brasília - 27/06/2007
« La députée fédérale Janete Capiberibe (PSB/AP) a exigé du Secrétaire Général des Affaires Etrangères des mesures de protection pour les Brésiliens qui travaillent dans des mines en Guyane française et au Surinam, et pour les femmes et enfants victimes du trafic de réseaux de prostitution sur des itinéraires qui traversent l’État d’Amapá. »
Enfin, tout récemment, dans un journal très loin de notre frontière :
O Estado de São Paulo - 24/08/2007
« La France veut fermer la Guyane à l’invasion des Brésiliens
[…] Maintenant, ceux qui risquent de commencer à souffrir avec les politiques [de Nicolas Sarkozy] sont les Brésiliens qui pratiquement tous les jours passent la frontière entre l’Amapá et la Guyane française. […]
Pour les Français, la décision de renforcer le contrôle s’impose face à l’augmentation sans précédent du nombre de personnes vivant dans les bourgs français installés au bord du fleuve Oyapock, frontière naturelle avec le Brésil. Un des exemples est la ville de Saint-Georges. Les chiffres officiels indiquent que l’endroit a doublé sa population en seulement quatre ans. Aujourd’hui on y compte 3 600 habitants, et la crainte est que la population monte à 7 mille pour 2010 si le flux des clandestins continue.
Les autorités françaises arguent qu’elles ont de plus en plus de difficulté à assumer les services publics dus aux citoyens. ‘’Saint-Georges ne doit pas être le réceptacle de tous ceux qui viennent ici chercher un Eldorado’’ a affirmé Estrosi la semaine dernière dans un reportage du Monde. »
C’est suffisant…
Toute démagogie mise à part, la question soulevée par les Capiberibe n’est ni anecdotique ni nouvelle. Le député Benedito Dias (PP de l’Amapá) a déposé le 5 octobre 2004 un projet de création d’une commission chargée « d’enquêter sur la situation des orpailleurs brésiliens en Guyane française ». Et déjà, en juin 1993, le polémique sénateur de l’Amapá Gilvam Borges, à l’époque député, avait prononcé un discours (21 mai 1993) « protestant contre la politique discriminatoire mise en œuvre par le gouvernement français contre les Brésiliens en Guyane française ».
Une campagne de sensibilisation a lieu actuellement dans l'Etat d'Amapa contre les violences sexuelles. Ici, cette affiche sur les murs d'Oyapoqué en est une illustration. Photo Philippe Boré
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Photo Philippe Boré
Tout cela est trop malsain. La Guyane n’est pas forcément l’épicentre du sinistre, mais elle est, avec trop de facilité, entraînée dans cette débâcle qui désespère en premier la majorité des Brésiliens, livrés, comme pour tout le reste, à l’incurie et à la corruption.
Gérard Police
gerard.police@blada.com
Septembre 2007
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