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Boulanger : Agonie d'une crique, naissance d'un scandale
par l'association Maïouri Nature Guyane

« Douces douces les mélopées comme sirop dans nos veines
quand on les chante à l'envers on trouve la vérité. »
Elie Stephenson

A tous ceux qui croient encore qu'orpaillage légal et illégal sont fondamentalement différents du point de vue des dégâts infligés à la nature,

A tous ceux qui croient encore, naïvement, que les orpailleurs "légaux" sont par conséquent respectueux de l'environnement guyanais,

A tous ceux qui croient encore que la DRIRE protège efficacement le patrimoine naturel guyanais, en a la volonté et les moyens.

A tous ceux qui croient encore qu'il y aurait certains orpailleurs légaux exemplaires, comme la CMB par exemple, trop souvent citée comme "meilleur élève de la classe", guère brillante en réalité.

A tous ceux qui croient encore que la "re-végétalisation" si fréquemment brandie comme LE remède miracle, permet d'effacer les innombrables dégâts.

A tous ceux-ci qui vivent encore dans ces illusions, nous conseillerions d'ouvrir un peu les yeux : Réveillez-vous ! Ces imaginations utopiques n'existent que dans la charte de la FEDOMG, dans certains articles bienveillants ou encore dans certaines plaquettes publicitaires alléchantes des compagnies minières. En aucun cas dans la réalité.


Illusions ou mensonges ?

Le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ou des limitations d'usage des zones de baignade, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 Euros d'amende. Extrait de l'Article L216-6 du code de l'environnement.

Un simple coup d'oeil permet de s'en rendre compte, l'endroit est facile d'accès : Sur la route de Régina, 100m après l'intersection de Cacao, il y a un pont sur la crique Boulanger, et même un parking pour s'y arrêter.
L'eau, pour peu qu'on ose encore l'appeler ainsi, n'est plus que boue. La vase jaunâtre a recouvert les bancs de sable clair. De transparent, l'écoulement est devenu opaque. Les rochers sont recouverts de dépôts fangeux et salissants. L'endroit, il y a encore quelques années prisé des pique-niqueurs, était aussi un site d'observation des killies comme le Rivilus Xiphidus (véritable bijou mondialement connu). Il n'offre à présent plus aucun intérêt, le baigneur moyen ayant rarement le goût de ce type de décor :


Boulanger ou Boue...langer ?

La crique est morte. Dès sa naissance, au pied du sentier Molokoï, les pelleteuses ont ravagé ses sources, puis son lit : un paysage de guerre :

Empoisonnée à la source, la rivière n'est guère mieux préservée en aval : des millions de mètres cubes de déchets miniers ont été déversés dans l'ancien lit. Le cours d'eau est largement détourné. Les parois bourbeuses sont régulièrement percées par de vieilles barranques qui dégueulent sans cesse leur trop plein limoneux :

Orpaillage légal version premier de la classe

La rivière étouffe dans cette nouvelle peau boueuse et artificielle, sous les cadavres végétaux rejetés là par les bulls, la crique boulanger est massacrée :

L’orpaillage légal m’a tueR


Boulanger : la nature dans le « pétrin » 

Ces lessivages continuels des sols boueux et spongieux alimentent de fait un flot d'une turbidité impressionnante. L'érosion continue, les déchets miniers se dissolvent peu à peu et alimentent en permanence le cours d'eau. La vie aquatique est détruite, les poissons disparus, la flore éradiquée. Les martins-pêcheurs sont mystérieusement absents.

Non, ce n'est pas "une averse", la situation dure maintenant depuis plusieurs années. Non, ce n'est pas un ruissellement ponctuel. Légaux ou illégaux, les sites même arrêtés continuent à polluer pendant des années.

Crique propre se jetant dans la crique Boulanger.

Rien à envier aux rejets des clandestins.




Parlons de la "réhabilitation"… Au vu de l'état de cette mine du "meilleur élève de la classe", après exploitation, on aurait plutôt tendance à penser à une vaste escroquerie consistant à endormir l'esprit crédule avec de jolis termes. A faire croire que les sites d'orpaillage, lorsqu'ils sont légaux, redeviennent forêt primaire rapidement.


Crique Boulanger : Palme d'or de la non-réhabilitation

Dans les faits, les centaines d'hectares bordant la crique Boulanger sont un immense terrain vague offrant comme seule végétation quelques touffes d'herbe éparses. Sur des kilomètres et des kilomètres, sol et végétation sont détruits.
Effectivement, pas de traces de carbets clandestins ou de vielles barges coulées. Mais ce spectacle là est-il plus réjouissant ?

"Ayez confiansssssss…" dirait l'autre.

Cette pseudo "re-végétalisation" n'est, en attente de preuve du contraire, qu'un écran de fumée qui dure depuis une dizaine d'année. Une collection d'expérimentations, appliquées ou non selon le bon vouloir du minier. C'est si pratique d'avoir quelques chercheurs qui amusent la galerie en expérimentant sur quelques hectares pendant qu'on continue de ravager…

Efficace ? Rien ne le prouve, et surtout pas ces images.
Non, pour l'instant, ON NE SAIT PAS révégétaliser à grande échelle, on ne sait pas réparer ces dégâts qui, s'ils sont certes bien moindre que ceux des clandestins par mètre carré travaillé, sont BIEN PLUS GRAVES au vu de la surface impactée (déforestation, lessivage, érosion, impact sur le réseau hydrographique…). La région de Maripasoula doit d'ailleurs se préparer à trembler face à l'arrivée d'une autre multinationale canadienne, qui prévoit une mine de plusieurs milliers d'hectares.

Sans compter, évidemment, sur le fait que les miniers eux-mêmes tentent pour certains de se placer sur un marché qui pourrait devenir porteur (récoltant les budgets que l'état aura accordé pour réparer leur propre destruction). Tout le contraire du principe "pollueur payeur", ici, on est dans le monde du principe "Miniers pollueurs, citoyen payeur". Avec à ce jour, encore et toujours une taxe minière scandaleusement basse à 0,5% au regard du cours d'or à ses plus hauts sommets historiques. A quand la taxe sur l'or à 20%. Que nous autres, Guyanais, profitions au moins un peu des ravages causés au pays ?

Chronique d’un coma dépassé

Non, l'orpaillage légal n'est pas propre. Si CMB est exemplaire, à quoi peut-on s'attendre des autres compagnies légales ?

Et la DRIRE dans tout ça ? Quand fera t'elle vraiment respecter la loi ? Quand jouera t'elle vraiment son rôle de gendarme de l'eau. Qu'a-t-on pu voir de concret ? De belles mises en demeure avec de bien jolis mots :

"Les déchets et résidus produits doivent être stockés dans des conditions ne présentant pas de risques de pollution (prévention d'un lessivage par les eaux météoriques, d'une pollution des eaux superficielles et souterraines) pour les populations avoisinantes et l'environnement".

Mais pour quel résultats ?

Même si l'on peut reconnaître une légère évolution de la DRIRE ces derniers mois, passant d'un laxisme total à un "accompagnement" plus sourcilleux, quand verra t'on cette administration appliquer le code de l'environnement (1) et sanctionner quand il le faut ?

Montrer les gros yeux, c'est bien, mais faire appliquer la loi, c'est mieux.

Plus précieux que l'eau…
 

(1) Article L216-6 du code de l'environnement :
Le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque l'opération de rejet est autorisée par arrêté, les dispositions de cet alinéa ne s'appliquent que si les prescriptions de cet arrêté ne sont pas respectées.
Le tribunal peut également imposer au condamné de procéder à la restauration du milieu aquatique dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 216-9.
Ces mêmes peines et mesures sont applicables au fait de jeter ou abandonner des déchets en quantité importante dans les eaux superficielles ou souterraines.


Association Maïouri Nature Guyane
Juin 2008
maiouri.nature@gmail.com

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