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Ce que lui ont reproché les évangélisateurs nous le fait regarder aujourd'hui avec tendresse : le père jésuite Jean de la Mousse, arrivé en Guyane en 1684, n'a pas su convertir les "sauvages", sur lesquels il a porté au contraire un regard sensible qui fait tout l'intérêt de cet écrit ancien exhumé par l'anthropologue Gérard Collomb, co-auteur avec Félix Tiouka de "Na'na Kali'na, une histoire des Amérindiens Kali'na en Guyane".

Ce livre qui vient de paraître aux Editions Chandeigne est un véritable trésor à plus d'un titre : par le regard plein d'humanité porté sur les hommes d'autrefois qui ont peuplé la Guyane, par l'analyse fine et documentée de Gérard Collomb, et par l'objet lui-même, à la hauteur de l'écrit, belle typo, beau papier, bien relié, un bel ouvrage, loin des tirages trop souvent baclés et truffés de coquilles.

Le père jésuite Jean de la Mousse arrive à Cayenne en 1684 comme missionnaire, quelques décennies après l’installation définitive des Français en Guyane. Pendant une dizaine d’années, il parcourt les villages sur la côte pour entreprendre l’évangélisation des « Sauvages », dont il apprend la langue. Chargé de la conversion des esclaves africains de l’île de Cayenne, il est le témoin de la naissance d’une colonie qui prend forme sous ses yeux. Avec lui s’ouvre véritablement en Guyane l’entreprise missionnaire jésuite auprès des Noirs et surtout auprès des Indigènes, qui se développera quelques années après sa mort avec la création des missions de Kourou et de Sinnamary. Son Journal, qui relate également le voyage qu’il effectue aux Antilles et aux îles du Cap-Vert, est aussi un regard inédit sur l’histoire de la traite des esclaves, objet d’une concurrence entre les puissances coloniales européennes.

Le père jésuite Jean de la Mousse est né le 30 novembre 1650, d’une vieille famille de la petite noblesse bourbonnaise.. Il est ordonné prêtre en 1682, puis part pour Cayenne en 1684 comme missionnaire, quelques décennies après l’installation définitive des Français. Il séjournera en Guyane pendant une quinzaine d’années. Il revient en France en 1698, malade, et meurt au collège jésuite de Moulins le 3 février 1699, âgé de quarante huit ans.

Jean de la Mousse a été un fin observateur du monde amérindien dans lequel, peu à peu, il lui a fallu apprendre à vivre, et sur lequel il a jeté un regard sensible, curieux. Nombre de ses observations sur la culture Galibi, tout comme celles que livrent à la même époque un Antoine Biet (1664) ou un Jean Chrétien (1718), sont proches des ethnographies plus récentes. Elles apportent un éclairage passionnant sur un univers indigène encore peu éloigné du monde précolombien, qui est certes déjà profondément marqué par l’Europe et par le fait colonial mais qui ne s’est véritablement transformé que brutalement et, somme toute, assez récemment.
Bien différent des textes calibrés et convenus des Lettres édifiantes et curieuses qui accueilleront au XVIIIe siècle les écrits d’autres pères de Guyane, le récit de Jean de la Mousse, dont nous proposons ici la première édition, est un témoignage qui fait droit à l’émotion et à une soif de connaître véritablement moderne, dessinant l’image d’un humaniste qui excuse plus qu’il ne condamne, et qui s’efforce de comprendre plus qu’il ne juge.

Gérard Collomb est anthropologue, membre de l'équipe Enseignement et Recherche en Ethnologie Amérindienne du CNRS. Depuis plusieurs années, il conduit des recherches sur l'histoire des sociétés amérindiennes des Guyanes, et sur les transformations sociales, culturelles, politiques dans lesquelles elles sont aujourd'hui entraînées. Il a publié de nombreux articles, notamment dans le Journal de la Société des Américanistes, Recherches amérindiennes au Québec, Ethnologie Française et Socio-Anthropologie. Il est l'auteur, avec Félix Tiouka, de Na'na Kali'na. Une histoire des amérindiens kali'na en Guyane, paru en 2000 aux Editions Ibis Rouge.