Les accords de coopération France-Brésil en matière de lutte contre l'orpaillage illégal - dont on attend toujours la ratification par le Brésil - semblent bien loin des préoccupations de la presse à l'heure de la visite de Dilma Rousseff à Paris. Dans la dépêche AFP reprise sur le site du Point, il n'est question que du Rafale : « La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, entame mardi une visite de 48 heures en France, pays qui attend depuis deux ans une décision du géant sud-américain sur le choix de l'avion de combat qui modernisera son armée de l'air, un contrat juteux où le Rafale de Dassault est en lice. » Le Monde, qui aborde pourtant les questions économiques et environnementales, ne fait pas non plus référence au pillage en règle de la Guyane et à ces accords non ratifiés par le Brésil. Idem pour Le Figaro, Le Nouvel Obs, Economie matin, etc... Peu probable que Rodolphe Alexandre, invité ce soir à dîner avec Dilma Rousseff à l'Elysée, puisse jouer les trouble-fête à l'autre bout de la table.
A croire que cette grave problématique qui affecte lourdement la Guyane aurait été complètement zappée sans la tribune du WWF parue sur le site de Libération, qui rappelle cet accord de coopération signé en 2008 et toujours pas ratifié par le Brésil, malgré les pillages et les assassinats régulièrement perpétrés en Guyane par ses ressortissants : « Aujourd’hui, la Présidente du Brésil Dilma Rousseff débute une visite d’État de 48h sur le sol français. Une formidable opportunité de rappeler que le Brésil et la France partagent une même frontière sur tout le pourtour sud et est de la Guyane française. »
En parallèle, le WWF alerte l'opinion publique sur le désastre en cours et appelle à la ratification de l'accord de coopération : « En Amazonie, les rejets de mercure liés à l’exploitation aurifère illégale dépassent les 100 tonnes par an », et « la situation des populations locales continue de se détériorer, et les derniers chiffres publiés en décembre 2011 montrent que 30% des Wayanas du Haut-Maroni présentent un taux d’imprégnation au mercure supérieur à la norme OMS ».
Communiqué du WWF du 11 décembre 2012
Le Brésil et la France peuvent-ils préserver communautés autochtones et aires protégées des impacts de l’exploitation aurifère illégale ? :
En relation directe avec la hausse du cours de l’or, territoires autochtones et forêts tropicales font face à de nouvelles ruées. Dans le bassin amazonien, 37% des parcs nationaux ont à gérer des problématiques minières. Sept pays amazoniens sont touchés, mais la situation est particulièrement préoccupante dans certains secteurs du Pérou amazonien (région de Madre de Dios) et sur le Plateau des Guyanes (Guyana, Surinam, Guyane française).
Les techniques d’exploitation aurifère non encadrées conduisent à l’envasement des rivières et à l’augmentation de la turbidité, à la destruction des sols et à la déforestation. Le mercure utilisé pour amalgamer l’or représente un tiers de la pollution mercurielle mondiale, rovoquant des atteintes graves à la santé et à l’environnement. En Amazonie, les rejets de mercure liés à l’exploitation aurifère illégale dépassent les 100 tonnes par an.
Dans le Nord-est de l’Amazonie, une étude du WWF Guianas a révélé que la déforestation due à l’exploitation aurifère représente plus de 65.000 hectares. En 2008, 26.000 km de cours d’eau étaient perturbés par l’exploitation aurifère non régulée dans cette même région.
En Guyane française, depuis le début de l'année, le Parc Amazonien estime que plus de 900 km de rivières ont été perturbées par l'exploitation illégale de l'or.
Dans ce contexte, le WWF considère que la visite d’état de la Présidente Dilma Roussef à Paris est uneopportunité unique pour le Brésil et la France d'aborder conjointement les enjeux sociaux relatifs à ce fléau et de restaurer l’intégrité des aires protégées. En effet, dans les années 2000, ces deux pays ont fait le choix de protéger une partie importante de leur biodiversité amazonienne et des terres indigènes, grâce à la création du Parc National des Monts Tumucumaque au Brésil et du Parc Amazonien en Guyane française, créant un massif forestier protégé continu de plus de 6 millions d’hectares.
Suite aux premiers dommages sur ces aires protégées, le Brésil et la France avaient signé en décembre 2008 un accord bilatéral de coopération transfrontalière de lutte contre l’exploitation aurifère illégale.
Quatre ans plus tard, cet accord n’est toujours pas entré en vigueur, car seul le Parlement français l'a ratifié. Au Brésil, cette ratification est toujours ralentie, empêchant chaque Pays de bénéficier de l'appui de l'autre. En parallèle, sur le terrain, la situation des populations locales continue de se détériorer, et les derniers chiffres publiés en décembre 2011 montrent que 30% des Wayanas du Haut-Maroni présentent un taux d’imprégnation au mercure supérieur à la norme OMS.
Durant le sommet de la Terre « Rio+20 », le WWF et la COICA (Coordination des Organisations Indigènes du Bassin Amazonien) ont lancé « l’Appel pour l’Amazonie », demandant aux Pays amazoniens de stopper l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées et de combattre les problèmes socioéconomiques qui y sont liés.
C’est dans le cadre de cet appel que le WWF demande la ratification urgente et l’entrée en vigueur de l’accord de coopération bilatéral France-Brésil, en vue d'y préserver les aires protégées transfrontalières et les communautés locales.
www.nonalorillegal.fr
Entrée du layon Sikini, 6 décembre 2012 (photo WWF)
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