Alors qu'on attend aujourd'hui l'arrivée de Vaval, un autre carnaval fait de plus en plus de victimes innocentes : après Philippe Gros, assassiné en novembre 2005 sur l'Approuague, un gendarme vient de payer de sa vie le cruel manque de moyens donnés aux forces de l'ordre pour lutter contre l'orpaillage clandestin. Selon Radio-Guyane, au journal de 13 heures, hier sur la Mana, deux gendarmes montés à bord d'une pirogue chargée de produits illicites et conduite par un clandestin se sont retrouvés à l'eau après que le piroguier ait fait volontairement chavirer la pirogue pour échapper au contrôle. Mais si un des deux gendarmes a pu regagner la rive, le deuxième a été retrouvé sans vie ce matin. Ironie du sort, l'adjudant Claverie avait le même âge que Phlippe Gros : 39 ans. Il dirigeait la brigade de Mana. Le piroguier s'est évanoui dans la nature. Tristement prémonitoire,
le récit de Samuel Douarre, paru ici même, nous en dit plus sur les misérables moyens donnés aux gendarmes - en formation et en matériel - face au savoir-faire des clandestins.
Reste à savoir maintenant si le ministre de l'intérieur rendra hommage aux citoyens - civils et militaire - victimes de l'orpaillage (et de l'incurie des pouvoirs publics), comme il s'applique si bien à le faire avec ostentation pour les hommes du feu. C'est pourtant ce qu'ont demandé les amis de Philippe Gros dans des lettres adressées au ministre de l'intérieur et au préfet de Guyane :
Lettre au préfet de Guyane (extraits) : «
Le 8 décembre dernier, à Lozanne dans le Rhône, a été inhumé Philippe Gros, assassiné le 19 Novembre au bord du fleuve Approuague.Nombreux sont ceux qui sont venus lui rendre un dernier hommage, il était mon ami, pour d'autres c'était un fils, un frère, et tous, nous nous posons les mêmes questions.Pourquoi, la presse Guyanaise a t-elle traité ce crime de façon à laisser entendre qu'il s'agissait d'un règlement de comptes entre malfrats ?Pourquoi, la compagne de Philippe n'a t-elle pas eu le droit de diffuser une information plus proche de la vérité ?Car la réalité, monsieur le préfet, est bien différente de ce qui a pu etre relaté dans France-Guyane ou sur les ondes de RFO et je ne pense pas vous l'apprendre.Philippe, qui vivait depuis quelques années au bord de l'Approuague, subissait les désagréments liés à la présence des orpailleurs clandestins. Connaissant parfaitement le fleuve, il a commencé à coopérer avec la gendarmerie de Régina, en leur fournissant, dans un premier temps, des renseignements relatifs aux positions des campements d'orpailleurs.Assez rapidement, son courage et ses talents de piroguier, lui ont permis d'être intégré à des escadrons de gendarmerie dans des opérations d'assauts contre des camps qu'il avait repérés lors de reconnaissances qu'il effectuait seul. »
Lettre au ministre de l'intérieur (extraits) : «
Le jour de son assassinat, il avait aidé à ramener à Régina un stock important de carburant qu'il avait découvert dans la forêt, carburant destiné à alimenter des machines d'orpaillage.Depuis plusieurs semaines, il savait que sa vie était menacée, la rumeur d'un "contrat sur sa tête" lui était parvenue. En dépit de celà, Philippe est resté et a continué à lutter contre ceux qu'il gênait.Aujourd'hui, il est mort, et plus personne ne semble se rappeler les services qu'il a rendus, les gendarmes de Régina admettent qu'il participait aux raids avec eux, mais la hiérarchie refuse de confirmer quoi que ce soit.Philippe était "bénévole"il n'a jamais été payé pour ses actions et l'argent n'est en aucun cas le motif de cette lettre. Ce que veulent ses parents et ses proches, c'est d'une part la vérité sur ce qui s'est réellement passé ce 19 novembre, et d'autre part, que l'état reconnaisse son implication dans les opérations de gendarmerie, Philippe a perdu la vie, rendez lui sa dignité.»
Entre l'empoisonnement des populations, la destruction de l'environnement, la corruption de la société (mais où sont passés les dossiers ?) et maintenant le sacrifice des citoyens, les masques du carnaval de l'orpaillage deviennent de plus en plus douloureux.
Blada, 8 janvier 2006