Blada.com

Jodla 12/06/10
L’interview de FF
L’affaire « Alexandre/RFO » : nouvel épisode !

La suite du feuilleton « Rodolphe Alexandre » ne semble pas vraiment grandir le protégé guyanais de Nicolas Sarkozy. Les faits : mardi 8 juin, présent sur le plateau du JT de RFO, Jean-Pierre Dubois, le président de la Ligue des Droits (LDH)* est invité par le journaliste-présentateur, Sidibé Pallud, à réagir aux récents propos tenus par le président de la Région Guyane qui se serait notamment vanté le 3 juin, sur le balcon de l’Hôtel de Ville de Cayenne, d’avoir « demandé la tête de Muriel Barthélemi » rédactrice en chef de RFO Télé**.

Le président de la LDH répond d’abord un rien ironique :
« Vous voulez dire que c’est le président d’une région chinoise ou tunisienne ? Ca ne peut pas être le président d’une région française. En France on est un Etat de droit (…) il y a la liberté de la presse ». Et Jean-Pierre Dubois de poursuivre : « Si c’est quelqu’un qui a l’habitude de gérer à la chinoise, je comprends mais, heureusement, nous sommes dans une démocratie donc je pense que c’est un propos irréfléchi. Je pense qu’il faut méditer ce que disaient les uns en 1789 : la liberté de communication est l’un des biens les plus précieux de l’homme. Tous ceux qui pensent qu’on peut traiter les journalistes comme des obligés qu’on peut renvoyer par caprice, ce sont des gens qui se croient encore au temps de la féodalité. C’est fini tout ça. Ce n’est vraiment l’intérêt de personne de se tromper d’époque ».

Ni une ni deux, à peine le journal télévisé est-il terminé que des proches d’Alexandre¹ contactent l’impudent. La suite, un rien hallucinante, le président de la Ligue des droits de l’homme l’a racontée vendredi au cours d’un entretien avec Frédéric Farine. C’est désormais contre Sidibé Pallud qu’Alexandre serait remonté !

Selon mes informations, suite à vos propos en direct dans le JT de RFO du 8 juin, vous auriez immédiatement été contacté par l’entourage d’Alexandre…
C’est tout à fait exact. Mes amis de la section de la LDH de Cayenne avaient demandé des rendez-vous à toutes les autorités de Guyane notamment au Président du conseil régional et nous n’avions eu aucune réponse de la Région. Il se trouve que quelques minutes après le journal télévisé, des collaborateurs de monsieur Alexandre ont demandé que je le rencontre. On a donc bousculé le planning, ce n’était pas un problème. Et je l’ai rencontré le mercredi matin assez tôt.

Comment cela s’est-il passé par rapport à vos déclarations de la veille au JT ?
J’ai été quelque peu surpris parce que la première phrase qu’il m’a adressée a été : « monsieur Dubois, vous avez pris des risques personnels en faisant cette déclaration ». Voilà mot pour mot ce qu’il m’a dit. Et j’ai plusieurs témoins.

Avez-vous demandé qu’il explique ce que signifiaient ces propos ?
Bien sûr, je lui demandé s’il s’agissait de risques pour ma famille, de risques de nature physique ou autre parce que je ne comprenais pas bien. Il a fini par s’excuser en disant que ses propos avaient dépassé sa pensée. Voilà, je n’en ferai pas plus une histoire mais cela m’a fait beaucoup réfléchir sur les spécificités guyanaises quand même. Parce que je ne crois pas qu’un président de Région se serait permis, en métropole, de menacer de manière aussi directe un président d’association quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de la Ligue des droits de l’homme ou autre. La suite du rendez-vous s’est passée de manière beaucoup plus convenable mais surtout, comme il m’a dit qu’il allait, par ailleurs, s’occuper du cas du présentateur de RFO…

Ah bon ?!
Je me suis demandé comment il pouvait en même temps nier avoir tenu ces propos sur l’autre journaliste (Muriel Bathélemi, ndlr) et annoncer qu’il allait demander que l’on prenne des mesures contre ce présentateur (Sidibé Pallud, ndlr). Comment peut-il en même temps dire qu’il ne l’a pas fait pour la première, tout en m’annonçant qu’il va le faire pour le deuxième et tout en me menaçant moi ? Ca fait beaucoup ! Ou alors peut-être que c’est moi qui n’ai pas très bien compris les spécificités du discours des élus guyanais, d’ailleurs ils ne sont pas tous pareils, j’imagine. En tout cas, ça m’a un peu surpris. Cela dit, en ce qui me concerne, c’est une affaire très limitée mais enfin, elle m’a fait réfléchir sur le climat. J’en parlerai quelque peu aux journalistes que je rencontre régulièrement dans les médias nationaux. Je leur dirai que s’ils vont en Guyane, il faudra qu’ils fassent un peu attention à leurs « risques personnels ». (Il rit) Journaliste, c’est un métier à risques, vous en savez quelque chose…

Bon, je ne vais pas non plus jouer à l’ancien combattant. Mais je peux vous raconter une anecdote récente : à La Semaine Guyanaise, nous avons déniché indistinctement des casseroles ou des manquements de divers candidats dans la période précédant les Régionales. Depuis, Rodolphe Alexandre a décrété qu’il ne répondrait « plus jamais » aux journalistes de La Semaine Guyanaise. Selon mes informations, il l’a dit devant deux journalistes : fin mars au rédacteur en chef de La Semaine Guyanaise et fin mai à un journaliste de l’Express à Paris², un hebdo qui prépare un portrait de lui qui sortira fin juin…
Cela semble confirmer une certaine fragilité. Pour moi c’est une affaire qui n’a pas une énorme importance mais qui est quand même significative d’un climat qu’on peut juger un peu malsain.

Si je comprends bien vos propos, devant vous il a nié s’être vanté d’ « avoir demandé la tête » de la rédactrice en chef de RFO Télé ?
Absolument, il l’a dit de manière extrêmement ferme : « je n’ai jamais dit ça, il y a un complot contre moi ». Il a dit que RFO était au cœur d’un complot contre lui. Mais pour quelqu’un qui serait en butte à l’hostilité de RFO, il m’a quand même surpris par la qualité de ses informations puisqu’à 9 heures, le mercredi matin, soit 13 heures après le JT du soir, il savait déjà -disait-il- que la direction de RFO était très mécontente du présentateur et que la question que ce présentateur m’avait posée n’était pas sur le prompteur³. Je ne sais pas comment, il l’a su. C’est exact, elle n’était pas sur le prompteur. Il me paraît très bien informé (…) Donc, j’ai pris acte de ça, il m’a dit : « je n’ai jamais dit ça ». Je lui ai dit : écoutez monsieur, je maintiens intégralement ce que j’ai dit hier soir au journal télévisé parce que la Ligue des droits de l’homme défendra la liberté d’information jusqu’au bout et contre toute pression. Maintenant si vous me dites que vous n’avez pas tenu ces propos, adressez-vous à ceux qui disent que vous les avez tenus. Il semble que ces propos aient été tenus devant plusieurs personnes, donc cela va être un peu compliqué de les démentir.

Le problème c’est qu’en vous affirmant cela, il sous-entend que les trois journalistes (2 de RFO, une de France-Guyane) qui lui ont fait face le 3 juin -et sont formels- sont trois menteurs…
Ben voilà ! Cela va faire compliqué. Surtout que, lorsqu’il me dit qu’il va s’occuper du cas du présentateur télé, il fait devant moi ce qu’il nie avoir fait la fois précédente. Donc cela devient très compliqué à comprendre. Il y a un côté un peu Clochemerle mais enfin il y a derrière tout ça quelque chose d’un peu plus sinistre qui ressemble à de l’intimidation.

Finalement, cela devient un feuilleton cocasse et ça donne du travail aux journalistes…
Voilà. Je lui ai dit que je n’ai pas à m’immiscer dans la vie politique locale. Simplement, je fais mon boulot, mais je ne vois pas pourquoi le travail de défense des droits de l’homme en Guyane exposerait le président de la Ligue à des risques personnels. Je ne crois pas qu’il existe d’organisation mafieuse en Guyane donc je ne me sens pas si en danger que cela. J’espère que je ne me trompe pas…

Il y a tout de même quelque chose qui ne colle pas dans les dénégations d’Alexandre que vous relatez. Si vous assurez qu’il a réfuté devant vous avoir tenu les propos que 3 journalistes lui imputent, en revanche il n’a fait aucun démenti à France-Guyane, RFO, l’AFP, La Semaine Guyanaise voire au site blada.com qui, depuis une semaine, relayent ces propos…
Ecoutez, je ne sais pas. Je suis incapable de comprendre les méandres de sa stratégie de communication, mais je puis vous assurer que lorsqu’il m’a tenu ses propos, nous étions cinq. Il m’a dit qu’il n’avait jamais dit ça….

Propos recueillis par FF

1. Invité à réagir à ce nouvel épisode, le président de Région n’a pas donné suite.
2. Le correspondant de l’Express en Guyane est Jérôme Vallette. Comme Rodolphe Alexandre refuse de répondre à tout représentant de La Semaine Guyanaise, le journaliste de l’Express a posé au président de Région… à Paris les questions rédigées en Guyane par… M. Vallette.
3. Joint au téléphone, Sidibé Pallud m’a indiqué que ses questions à l’invité du journal ne sont jamais inscrites au prompteur.

* N.d.E. Le président de la Ligue des Droits de l'Homme était en visite en Guyane du 8 au 11 juin 2010 (infos citoyennes).
** N.d.E. Voir jodla des 07/06/2010 et 09/06/2010.