« Celui qui dit que la parole n’est rien,
c’est que lui-même n’est rien ! »
Taïrou Bambéra, in G. Dumestre, La geste de Ségou, racontée par des griots bambara, Paris, Armand Colin, 1979.
Cépérou. Sepelu. Aucune source écrite ancienne ne permet aujourd’hui de confirmer que ce nom fut bien celui d’un chef amérindien ayant vécu à l’embouchure du fleuve Cayenne au 17e siècle et cédé (vendu ? cédé de force ?) ses terres aux Français.
Ceci, nous devons l’admettre – provisoirement, car le propre de la recherche en histoire est de n’être jamais achevée. Un jour, qui sait, un historien exhumera peut-être d’un fonds d’archives un document permettant d’en savoir davantage sur les conditions d’installation des premiers Français en Guyane et, surtout, sur ces Amérindiens installés dans la baie de Cayenne et avec lesquels ils durent traiter.
Mais ce que l’on sait aussi, c’est que dans des régions « à faible tradition écrite », on ne saurait se contenter d’écrire l’histoire sans donner aussi la parole à ceux qui ne l’ont pas écrite, justement, mais l’ont « oralisée », ont assuré sa transmission par la parole (en étant d’ailleurs souvent forcés de se taire, comme l’écrit justement Richard Price).
La confrontation n’a pas nécessairement pour objectif de vérifier la véracité d’une source face à l’autre, mais de permettre que coexistent plusieurs formes de narration, plusieurs « régimes d’historicité » (François Hartog).
Sepelu fut un « grand chamane », nous dit aujourd’hui une grande personne d’Awala-Yalimapo. Il fut « un Amérindien qui vivait à Cayenne », « un Amérindien », « un chef »…
En 1941, Delawarde notait également que Grand Emile, habitant de Couachi, disait être son descendant.
Mais ce qui nous importe aujourd’hui n’est pas tant de savoir si cet homme a réellement existé. Peut-être faudrait-il surtout insister, plutôt, sur la grande richesse d’un territoire où l’histoire orale constitue, une source absolument fondamentale pour la compréhension des peuples. La Guyane est aussi oralité ; une oralité plurielle, diverse, qu’il faut pouvoir entendre.
La mémoire des grands hommes de l’histoire de France [de l’histoire universelle aussi] est honorée. Ils disposent de stèles, de rues et d’avenues, de « lieux de mémoire ».
Que l’aéroport de la Guyane porte demain un nom amérindien (figure historique, figure légendaire ou toponyme indigène) serait le signe que la Guyane rend aussi hommage à ces grands historiens de l’oralité, à ces hommes et femmes qui ont eux aussi le droit de raconter une histoire. Sans « péril communautariste », sans « revendication identitaire », simplement parce qu’elle côtoie la « Grande » histoire.
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