« L'Heure du psy », c'est ainsi que se nomme l'émission qui vient de passer sur la chaîne guadeloupéenne (privée) Canal 10, une chaine qui relaie plus habituellement des images et des discours plus orientés. Sur le plateau, trois psy et un animateur pour une heure de débat, ouvert aux appels téléphoniques, qui seront rares. Tout doucement la parole se libère. Le mot "angoisse" n'existe pas en créole, avance une psy, hésitante. Acquièscement des autres psy. Il n'y a pas d'angoisse parce que c'est toujours la faute de l'autre, poursuit la psy. Sur le plateau, personne ne dément. Par téléphone non plus. Et chaque psy de décrire une interminable liste de manifestations d'angoisses de la société guadeloupéenne, difficiles à mettre à jour selon nos trois psy, unanimes sur ce coup là. Parce que la langue créole est globalisante, dit un autre psy. Personne ne dément. Un autre mot arrive comme un mirage : pensée unique. Je crains, dit le troisième psy, l'extrême violence qui pourrait se déchaîner maintenant, non pas dans les rues comme on le voit actuellement, mais dans les familles, parce que trop d'angoisses et de non-dits peuvent tout faire exploser. Pour conclure, le même psy dira (en substance) : je demande à tous les médias, et en particulier aux médias audiovisuels, de laisser les gens s'exprimer, de ne pas livrer la pensée unique, de faire en sorte que les gens puissent échanger, s'écouter les uns les autres, dans la tolérance et le respect, même s'ils ne sont pas du même avis.
Pendant que les Guadeloupéens et les Martiniquais se débattent dans des problématiques complexes, RFO n'a rien trouvé de mieux que de se mettre en grève. Aurait-il de toute façon relayé autre chose que la "pensée unique" ?, laissant les médias nationaux traiter une réalité qu'ils connaissent bien mal. La question est posée.
Dans un courrier à Edwy Plenel (Mediapart.fr), Francette Rosamont, sur place, va plus loin :
« Imaginez que la presse locale d'Etat (France 2, ici RFO radio et TV) ait connu une stratégie d'infiltration telle que tant que les journaux remontaient des informations pro-NPA (LKP ou Collectif du 5 février par ici), ils étaient diffusés ; à partir du moment ou les propos remontant du terrain apportaient la contradiction, les journaux étaient réduits à leur plus simple expression ; la plupart des chroniques arrêtées pour faire place à une mire à la TV et à des chants tendance soulèvement des peuples tout au long de la journée.
« Imaginez pour la presse locale privée où les femmes sont majoritaires, notamment sur le terrain, qu'elles soient invectivées, menacées et frappées dans le dos au point que, tout médias confondus, une pétition soit lancée pour dénoncer ces faits sans qu'il n'y ait aucun relais à Paris.
« Oui, imaginez que ce que vit aujourd'hui la presse locale de Martinique et de Guadeloupe, ces départements français d'outre-mer, soit vécu plus près de nous, dans ces départements qui font l'Hexagone, et non pas à des milliers de kilomètres sur l'un de ces territoires qui témoignent de notre très longue et non encore achevée histoire coloniale tricolore.
« Sous mes cocotiers, je suis une journaliste, encartée depuis 1981, vraiment très triste.»
Lire l'article complet sur le site d'Interrentreprises.
Pour rappel, une autre psy en Guadeloupe, qui s'est manifestée récemment dans une chronique très "sensible" parue sur blada : Elisabeth Godon.
Sur le site de Libération, Michel Giraud, sociologue au CNRS, spécialiste des sociétés antillaises, analyse la situation en Guadeloupe (23 février) :
« Politiquement, les nationalistes ont perdu, mais il y a une forte conscience identitaire et culturelle. C’est une grande ambiguïté : un indépendantisme sans volonté d’indépendance. Aujourd’hui, la revendication identitaire de ceux qui continuent à se dire nationalistes n’est pas une réaction anticoloniale, mais la stratégie d’une "élite indépendantiste" pour occuper une place dans un système social inchangé. Avec un défaut supplémentaire : les nouveaux avantages ne vont pas aux plus défavorisés, mais à ceux qui se disent leurs "légitimes représentants" ».
Article complet : « Une élite nationaliste cherche à asseoir son pouvoir »
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