Déclaration du SNJ en ouverture de la Commission paritaire journaliste du 9 juin 2005
La Commission paritaire journaliste de RFO s’est réunie pour la dernière fois en formation centrale le 27 avril 2004. Depuis cette date, la loi a fait entrer RFO dans France Télévisions, François Guilbeau a été nommé à la tête de l’entreprise et Albert-Max Briand a remplacé Stéphane Bijoux à la direction de l’Information.
La réunion de ce jour nous fournit donc l’occasion de dresser un premier bilan de ce qui a été fait dans le secteur de l’information dans ce laps de temps.
Autant le dire d’entrée de jeu, sur le fond comme dans la forme, les rédactions restent sur leur faim.
Sur le plan matériel, les journalistes, comme les autres catégories de personnel de la société, attendent toujours un signal fort en matière de salaires et d’emplois.
Le gel du point d’indice salarial depuis 1997 conjugué à l’inflation a pour effet d’annuler l’impact des augmentations liées à l’ancienneté. Les journalistes constatent ainsi que leurs rémunérations stagnent s’ils n’obtiennent pas une promotion. Or, celles-ci demeurent dans la plupart des cas liées à l’accès aux fonctions d’encadrement.
La mise en place des filières reportages en 2003 n’a pas ouvert de réelles perspectives de carrière aux JRI et rédacteurs qui demeurent sur le terrain.
Le reclassement systématique de tous les journalistes spécialisés en JS1 quelle que soit leur ancienneté dans cette fonction a eu pour effet de différer le passage à la fonction de Grand Reporteur. Le reclassement direct des journalistes spécialisés les plus anciens en JS2 aurait été beaucoup plus équitable.
La nouvelle fonction de Grand reporteur 2 illustre de manière édifiante l’échec de ce protocole. Les cinq GR2 qui figurent dans la liste communiquée aux membres de cette commission sont d’anciens rédacteurs en chefs. Moralité, si vous souhaitez progresser dans la filière reportage, passez par la case encadrement.
Dans le même temps, l’accès à cet encadrement devient de plus en plus opaque. En effet, le protocole de 2003 a retiré les fonctions de Rédacteur en chef adjoint de la compétence de la Commission paritaire. Ce texte prévoit pourtant la publication de ces emplois dans un souci de transparence. Or, la direction ne respecte pas cette disposition et procède à des nominations d’adjoints sans effectuer au préalable un appel à candidature. Cette publication prévue par accord d’entreprise doit être respectée.
Les mesures individuelles (pécuniaires et fonctionnelles) proposées aux Commissions paritaires régionales ne sont pas suffisantes pour combler les retards de progression salariale accumulés dans l’ensemble des rédactions. L’exercice 2005 a cependant démontré qu’il était possible en mai de s’affranchir d’une enveloppe présentée comme close par la direction en négociation salariale au mois d’avril.
A Malakoff, puis à la Réunion (préavis de grève à l’appui), le nombre de points a gonflé au cours des travaux de la Commission paritaire régionale. Les autres rédactions, notamment celle de Martinique, s’estiment défavorisées. Il appartient au Directeur général de compléter la liste des mesures individuelles dans son ultime arbitrage. Le SNJ renouvelle par ailleurs sa proposition de créer un palier supplémentaire dans la grille Servat Bis pour les rédacteurs reporteurs, journalistes bilingues et JRI qui ont atteint 12 ans d’ancienneté dans la carte de presse sans aucune évolution de fonction. Ils seraient 38 dans ce cas à RFO.
L’attribution de ces promotions est en outre parasitée par l’application du protocole compétence complémentaire. Ceux qui en bénéficient et perçoivent une prime de compétence complémentaire ne sont pas considérés par la direction comme prioritaires pour devenir journalistes spécialisés. Ainsi, la double compétence, qui constitue un critère discriminant à l’embauche et une aubaine au quotidien pour les hiérarchies, sert par ailleurs d’alibi pour différer une promotion. La refonte de ce protocole compétence complémentaire est nécessaire.
En matière d’emploi, neuf recrutements de journalistes ont eu lieu en 2004, et dix durant le premier trimestre 2005. C’est trop peu.
Depuis les 69 recrutements de l’an 2000, parallèles à l’accord RTT, RFO a recruté 7 journalistes en 2001, 15 en 2002 et 15 en 2003.
Répartis sur dix établissements, ces recrutements n’ont pas permis la fin du recours à l’emploi précaire.
Pigistes et CDD, victimes depuis 5 ans de l’instauration du quota annuel de 84 piges, se retrouvent en plus en situation de concurrence par la faute d’une direction qui organise le turn-over pour occuper des emplois permanents.
Les listes de salariés en situation de précarité communiquées au CE de Malakoff démontrent l’ampleur du phénomène.
L’accord sur les précaires conclu le 4 juin à Radio France prouve que des solutions sont possibles. Le SNJ réclame l’ouverture rapide d’une négociation en vue d’ intégrations.
Du point de vue maintenant des conditions morales de travail, le bilan laisse également à désirer.
A plusieurs reprises au cours des derniers mois, les rédactions se sont senties entraînées par leurs hiérarchies dans une situation d’extrême déférence vis à vis du pouvoir politique. La fréquence des passages de l’ancienne Ministre de l’Outre mer sur les antennes radio et télé de RFO, les conditions de son intervention sur France Ô, le dispositif déployé pour interroger le chef de l’Etat durant la campagne référendaire, tout cela a créé un trouble réel.
Trouble renforcé par le traitement infligé en Guyane à Frédéric Farine. Les propos rassurants tenus par le directeur général à son égard durant le Comité central d’entreprise d’octobre 2004 ont été démentis dans les faits quelques semaines plus tard.
En donnant ainsi l’impression de céder aux pressions d’un fonctionnaire de préfecture zélé, la direction a porté un mauvais coup à la crédibilité de l’ensemble des rédactions de RFO. Le registre de l’investigation dans lequel Frédéric Farine a obtenu de bons résultats est apparu aux yeux de beaucoup comme un terrain miné, dangereux et, en dernière analyse, déconseillé par la direction.
Les contraintes d’effectifs, de distances et de délais ont déjà trop souvent pour effet de cantonner les journalistes de RFO dans un rôle de journalistes-douaniers (« qu’avez-vous à déclarer ?») travaillant sur des sujets dictés par l’agenda. Il serait regrettable que cette tendance soit renforcée par le désaveu infligé à un journaliste d’enquête.
Dans cette même veine, comment expliquer le mois dernier le silence de RFO au moment du non-renouvellement du permis de travail d’Olivier Peguy à Madagascar.
L’expulsion de fait de ce journaliste correspondant dans la grande Ile depuis quatre ans pour plusieurs journaux et radios françaises dont RFO Réunion a pourtant donné lieu à la diffusion de plusieurs communiqués de protestation de la part de ses employeurs .
Par son silence, RFO a fait preuve de peu de solidarité.