Un communiqué de Patrick Monier, président de Attac-GuyaneIls s'appelaient Capi et Domingo. Deux hommes doux et pacifiques, heureux de nous faire aimer, par le partage de leurs Savoirs, le Grand Bois qui nous entoure. L'un m'avait montré le cheminement d'un tapir au détour d'un layon et l'endroit où il s'était laissé glisser dans l'eau claire d'une crique, l'autre m'avait enseigné certains composants entrant dans la confection d'un ciel de case traditionnel.
Dans son édition du 19 mai,
France-Guyane annonce leur assassinat, sur le lieu même de leur travail, au camp Arataï. Pour quelques marchandises, quelques moteurs. C'est le cours de la vie en Guyane aujourd'hui.
Les conséquences de ce crime délibéré vont sans doute se solder par l'abandon pur et simple de la station d'Education à l'Environnement et celle de Recherches des Nouragues. Quelle direction osera désormais envoyer d'autres collaborateurs sur cette Réserve sans la protection de la force publique ? Quel délai va-t-il falloir aux clandestins pour dépouiller une nouvelle fois ce centre d'études réequipé à grands frais ? Quels universitaires aussi passionnés soient-ils accepteront désormais de venir étudier faune et flore, bousculés par des cohortes d'orpailleurs ?
L'abandon de ces bases d'études, symbolisera l'acceptation par l'Etat français du recul de la connaissance et de l'intelligence face au retour triomphal de la barbarie. Il impliquera également la transformation d'une partie du territoire national en zone occupée par le non-droit, ou l'on élimine physiquement les gêneurs, même s'ils ont reçu l'ordre de ne pas résister en cas d'attaque. En toute impunité...
L'Etat nous affirme qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir. Nous pensons le contraire. Les méthodes utilisées jusqu'à présent montrent leurs limites, il faut en appliquer d'autres. Elles existent mais demandent une volonté politique beaucoup plus déterminée que celle que nous rencontrons actuellement.
Par ailleurs, ce drame inacceptable ne doit-il pas nous amener à réfléchir sur le rôle de l'Etat et la responsabilité des Elus concernant le futur de la Guyane ?
Est-il provocateur de trouver un parallèle entre ce qui vient de se passer aux Nouragues et le projet minier de la transnationale Cambior, dénué de toutes garanties sérieuses concernant la gestion de ses déchets hautement toxiques ?
Dans les deux cas le seul motif n'est-il pas la cupidité vorace, brutale et immédiate au mépris de la Vie ? Mais dans les deux cas la responsabilité de l'Etat n'est-elle pas prépondérante, par laxisme ou incompétence d'un côté, par collaboration complice de l'autre?
Combien de temps la société va t-elle supporter ce fait du Prince, ce mode de fonctionnement méprisant des aspirations du peuple?
Combien de temps allons-nous nous laisser berner par des politiques qui prétendent avoir déjà fait le maximum et nous recommandent de nous habituer à la dureté des temps ?
Il est temps de réagir, l'Etat doit assumer ses responsabilités mais cela ne se fera que si nous, citoyens, décidons de reprendre en mains notre destin.
Rien ne bougera si nous restons passifs. Au niveau de nos familles de nos amis, de nos réseaux, associations ou syndicats, il est impératif de se regrouper, de manifester auprès des politiques notre droit et notre volonté de vivre en paix dans un environnement respecté.