Encore dans les nuages des décalages horaires successifs, je repense à cette Guyane que j’ai quittée hier. Guyane, terre africaine dès ma descente d’avion le 7 juin.
Mon correspondant local fait un détour chez un couple ami, lui congolais, elle burkinabé, tous deux cadres au Conseil Général. Puis viennent me voir au cours des dédicaces, Emma le Bulu, Virginie la Bamiléké ou Delphine la Bassa, tout se terminera au restaurant Les Pyramides, tenu par un couple improbable, elle Ivoirienne et lui Egyptien où le repas nous sera offert à moi et à ma quinzaine d’invités. Puis un autre repas offert, au Carbet de Virginie, l’un des plus beau Self de Cayenne
J’arrive à Cayenne pour la Commémoration de l’abolition qui se tient ici le 10 juin. Une surprise agréable, la foule immense qui assiste à l’inauguration de la stèle dédiée au Nègres marrons, est un véritable panachage de toutes les couleurs de l’humanité. Un tel événement en métropole ou dans les îles DOM n’aurait attiré que des Noirs, avec juste deux Blancs, affichant avec ostentation, leur chagrin et le sanglot de l’homme blanc. Ici les Blancs représentent un bon tiers de la foule et les pérégrinations ostentatoires de quelques hommes sandwich indépendantistes ne semblent émouvoir personne. Eux aussi font partie du décor avec leurs sempiternelles revendications.
L’histoire de la Guyane est particulière. Ici, l’esclavage n’a pas laissé des traces traumatiques profondes. Il n’a pas laissé non plus une forte population négroïde. Ici les Guyanais sont rares, ou mieux, tout le monde est guyanais. Il y a certes les Amérindiens, au destin encore et toujours triste, leur vie primitive qui se dissout dans l’alcool du RMI et cause un réel génocide. Mais comment les écarter de cette France qui se veut une et indivisible ? Comment les écarter des minima sociaux – ils n’en ont pas besoin et ne s’en servent que pour boire jusqu’au suicide -, de la sécurité sociale, de l’école obligatoire ? Il y a les descendants de nègres marrons qui ont fui l’esclavage et se sont installés sur les bords du Maroni. Puis sont arrivés, Blancs, Antillais, Laotiens, Chinois, un saupoudrage de Brésiliens et de Haïtiens.
À chaque groupe une histoire. Les Blancs, on vous dira, n’ont pas tous été esclavagistes, point de békés, ces familles de grands propriétaires blancs que l’on trouve aux Antilles. Ici, l’on a vu des Blancs enchaînés, bagnards sans perspective, certains, au service de grandes familles créoles. Les Laotiens sont arrivés, fuyant la guerre, ont été parqués dans des villages. Leur arrivée n’a pas fait l’unanimité et des manifestations de xénophobie les ont accueillis. À force de travail, ils tiennent aujourd’hui une bonne place dans la société. Les Brésiliens sont aussi ces Brésiliennes qui hantent les boîtes de nuit, filles à soldats en goguette. Elles ont des plastiques de rêve et parfois de cauchemar, comme celle-là que j’ai surnommé
le balcon, tellement sa poitrine, en faisait une réplique de Lolo Ferrari.
Quand je reprends l’avion du retour, je viens juste de quitter, colliers de fleurs au cou, la fête laotienne d’une première communion, dont j’étais la vedette, parce que ce monde qui m’a lu ou entendu, me fait le bonheur d’apprécier mon discours. Que demander de plus !
Sinon vous revoir bientôt, peuples de la terre, terre des hommes.
Gaston Kelman
Juin 2008