Le mercure empoisonne toujours les populations amérindiennes du Sud de la Guyane (ainsi que, dans une moindre mesure, les populations Bushi-Nengués).
L’activité aurifère s’étant intensifiée depuis ces dernières années dans la région du Haut-Maroni (malgré qu’elle soit illicite mais avec la bienveillance des autorités car il n’y a pas que des orpailleurs clandestins), l’association Solidarité Guyane a voulu vérifier les niveaux d’imprégnation mercurielle des populations locales afin de mesurer :
- l’évolution des niveaux d’intoxication depuis les études précédentes réalisées par le RNSP/IVS,
- l’efficacité des mesures de protection et de prévention mises en oeuvres par les autorités sanitaires.
La première étude (menée par le Réseau National de Santé Publique / Institut de Veille Sanitaire) en 1994, ayant montré des niveaux élevés chez les communautés amérindiennes (Wayana et Emérillon) du Haut – Maroni, une deuxième étude était lancée en 1996 par le RNSP/IVS et devait déboucher sur la création d’une commission Mercure
Solidarité Guyane a donc réalisé, en mars 2004, des prélèvements capillaires, en concertation avec des villageois de Twenké, Taluwen et Kayodé, destinés à la mesure du mercure capillaire (cheveux) et l’évaluation de leur exposition au méthylmercure (forme prédominante du mercure alimentaire). Car le cheveu est un excellent indicateur des niveaux sanguins et en particulier de l’exposition au mercure organique essentiellement d’origine alimentaire chez l’homme sachant que la distribution du méthylmercure entre le sang et les cheveux s’effectue dans un rapport 1:250.
Le prélèvement de cheveux a été immédiatement conditionné dans des pochettes papier numérotées permettant l’identification de l’individu.
Ensuite le dosage du mercure total dans les cheveux a eu lieu dans le même laboratoire qui avait réalisé les dosages des études du RNSP/IVS (1994 et 1996) à savoir le Centre de Toxicologie du Québec (laboratoire de référence pour ce type de dosage et agréé par l’Organisation Mondiale pour la Santé).
L’analyse a été réalisée par spectrophotométrie d’absorption atomique après minéralisation des échantillons à l’acide nitrique.
Tout d’abord, à titre de comparaison, le tableau (source InVS-1999) des concentrations moyennes de mercure exprimées en µg par gramme de cheveu
Population guyanaise |
Métro de Guyane |
Amérindiens Wayana |
Moyenne mondiale |
Limite maxi OMS |
3 µg/g |
1,7 µg/g |
12 µg/g |
2 µg/g |
10 µg/g |
Et :
les chiffres issus de l’étude de Solidarité Guyane en mars 2004 :
Tranche d’âge |
Moyenne pondérée (*) |
Mini (*) |
Maxi (*) |
< 10 ans |
8,8 µg/g |
7,0 µg/g |
9,4 µg/g |
11 - 25 ans |
10,6 µg/g |
6,7 µg/g |
13,2 µg/g |
26 - 35 ans |
11,2 µg/g |
6,0 µg/g |
15,9 µg/g |
> 35 ans |
10,2 µg/g |
6,4 µg/g |
12,4 µg/g |
(*) La moyenne pondérée prend en compte les éléments anthropométriques (taille et poids) des individus prélevés.
(*)La colonne Mini correspond aux valeurs relevées les plus faibles par tranche d’âge
(*)La colonne Maxi correspond aux valeurs relevées les plus élevées par tranche d’âge
Commentaires :
Les chiffres les plus faibles sont tous issus de prélèvements dans les villages de Taluwen et Twenké (amont du Maroni), et les plus élevés proviennent du village de Kayodé sur la rivière Tampoc en aval de la Waki, mettant en évidence le lien entre activité aurifère et niveau d’empoisonnement.
Dans le village de Kayodé, 30% ont un taux au-dessus de 12µg/g, donc nettement supérieur à la limite de 10µg/g fixée par l’OMS, et plus de 50% sont supérieurs à 10µg/g.
Dans les villages de Twenké et Taluwen les taux sont essentiellement compris entre 8µg/g et 10µg/g.
L’enquête conjointe sur les habitudes alimentaires des personnes prélevées confirme aussi le lien direct entre la consommation de poisson et la concentration de mercure dans les cheveux. Ainsi les dosages les plus faibles concernent les personnes ayant une nourriture plus variée donc moins dépendante du poisson.
A la vue de ces résultats, il s’avère aussi que les mesures de prévention préconisées par les autorités sanitaires visant à ne pas consommer de poissons carnassiers (aïmara, piraïe, huluwi, mitala, agonosu) sont inapplicables car les besoins alimentaires ne peuvent être couverts par les espèces les moins contaminées et le gibier dans cette région est décimé par les orpailleurs clandestins.
Conclusion :
L’imprégnation mercurielle des populations du Haut-Maroni n’a pas régressé et les risques de voir se développer les mêmes pathologies qu’à Minamata sont toujours présents.
La neurotoxicité du méthylmercure a de graves conséquences sur la santé des personnes exposées et plus particulièrement chez les jeunes enfants qui sont beaucoup plus sensibles. Ceux-ci peuvent souffrir de lésions plus diffuses et étendues, entre autres, des retards psycho-moteurs et des altérations du champ visuel.
De même le méthymercure est foetotoxique, ce qui explique le nombre anormal de malformations néonatales et de grossesses non abouties dans les villages les plus touchés par le mercure.
L’analogie entre les victimes du mercure à Minamata et les populations amérindiennes du Haut-Maroni est forte et le pire est à venir car il est à craindre que de nombreux décès en ‘pays indien’ ne soient imputables à l’imprégnation mercurielle.
Association SOLIDARITE GUYANE, 23 septembre 2004 wayateko@wanadoo.fr
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