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Les babylones de la prévention

Rien ne les distingue des autres gendarmes. Et pourtant, ces trois hommes-là n’ont qu’une seule mission : la prévention.
En aucun cas ils ne vous mettront de contravention ni de menottes. Une particularité qui a amené blada à s’intéresser de près à leurs activités.
 Emmanuel VALMON
Un volontaire issu de la
Brigade de Kourou
Marceau MARIGARD
Le spécialiste de l’équipe :
formateur relais anti-drogue
formateur relais écologie-environnement
Bernard CHAPON
Commandant de la
Brigade de Prévention de la Délinquance Juvénile

La BPDJ

Ils représentent un premier pas vers la prévention, trop longtemps négligée dans notre département, et pourtant la seule mesure porteuse d’avenir.
La Brigade de Prévention de la Délinquance Juvénile (BPDJ) , dont la création a été annoncée de longue date, a pris ses fonctions en janvier 2003. Les hommes qui la composent sont pour l’instant au nombre de trois. Ils ont été choisis selon des critères précis : avoir une bonne qualité de contact, les compétences requises (formation, connaissance des jeunes et de leurs besoins), et être volontaire.

 

Effectif final prévu pour juillet-août 2003 : 6 personnes, qui doivent étendre leur activité sur tout le département, sauf Cayenne qui est une zone de police nationale. En attendant de compléter l’effectif, la BPDJ exerce ses compétences dans un rayon de 150 km autour de Kourou, à partir des locaux mis à disposition par la Simko et nouvellement inaugurés, au 7 place Monnerville à Kourou (au fond de l’impasse, après être passé entre la Chambre de commerce et le Ptit café).
Depuis le début de l’année, les interventions se multiplient dans les écoles élémentaires (CE2, CM1 et 2), collèges et lycées, et les champs d’action sont étendus à tous les milieux chargés de l’enfance (enseignants, éducateurs, magistrats, associations, etc).
L’accueil des tout-petits dans les écoles a surpris l’équipe de prévention, harcelée de questions par les enfants pendant plus de deux heures de suite, alors que les enseignants avaient prévu une lassitude si les interventions duraient plus d’une heure.
« En intervenant auprès d’un public de plus en plus jeune, il s’agit pour nous de faire en sorte que le premier pas vers la délinquance ne soit jamais franchi. »
Bernard Chapon

Une soif de communication que Bernard Chapon attribue à un manque probable d’écoute : « Quand nous sommes partis, après deux heures et demi d’intervention, les enfants levaient encore le doigt pour nous poser des questions.»


Les interventions de la brigade ne sont pas sectorisées, elles portent sur la prévention en général : drogue, sécurité routière, violence, racket, maltraitance, etc... avec rappel de la loi.
Une vingtaine d’interventions ont déjà eu lieu dans les écoles depuis la création de la brigade en janvier, et 500 jeunes ont été contactés sur les 57 000 recensés. Reste un énorme travail, même si, comme l’a précisé le préfet Ange Mancini lors de l’inauguration, la bonne éducation des enfants de Guyane n’est plus à démontrer : le taux de la délinquance des mineurs en Guyane est infiniment moindre que celui de l’hexagone (10,40 % en Guyane contre près de 25% dans l’hexagone). Des propos de nature à séduire Léodate Saïbou, la passionnaria de Fanm Dibout, ressortie récemment de la préfecture dans un état de satisfaction avancé.

 

14 mai 2003 : Inauguration des locaux place Monnerville. De gauche à droite : Anne Kayanakis, procureur de la République, Ange Mancini, préfet de Guyane, le capitaine Bruder, le lieutenant Gestas, le colonel Danède, et Madame Van den Broek, conseillère municipale.
Au fait, Madame Kayanakis, puisque vous êtes là, blada voudrait savoir ce qu’il en est de la Maison de la Justice et du Droit dont le principe a été acté de longue date en assemblée générale du conseil communal de prévention de la délinquance de Kourou ? Grimace de madame la procureure. Une question qu’il ne fallait pas poser.


La grande famille

De gauche à droite : Colonel Jean-Philippe Danède, commandant de la Gendarmerie de Guyane. Un très jeune colonel pour un département qui ne l’est pas moins (les moins de vingt-cinq ans représentent la moitié de la population guyanaise). Selon le colonel Danède, la mission de la Gendarmerie nationale est à 75 % répressive et à 25 % préventive.
Capitaine François Bruder, le nouveau commandant de la Brigade de Gendarmerie de Kourou, bientôt promu au grade de commandant. Il a remplacé le capitaine Vincent Sciacia.
Adjudant-chef Guy Casca, chef de la Police municipale de Kourou
Lieutenant Alain Gestas, de la Brigade de Gendarmerie de Kourou.


La prévention anti-drogue

 
Des brochures à disposition ou distribuées
 
Crack, cocaïne et shit
En Guyane, précise Marceau Marigard, le spécialiste anti-drogue, on trouve principalement de l’herbe de cannabis, du crack, de la cocaïne, dans une moindre mesure de l’ecstasy, et plus rarement du shit (résine de cannabis). L’herbe qu’on trouve en Guyane n’est pas génétiquement modifiée comme dans certains pays. Un sondage expérimental réalisé dernièrement en métropole auprès de classes de 3ème et de 4ème a montré que 45 à 50 % des fumeurs de joints avaient redoublé leur classe.
 
Crack en doses (caillou) : un poison très courant vendu actuellement entre
3 et 5 euros la dose
 
Dans un département où une énorme saloperie nommée crack - résidu de tous les déchets des laboratoires de cocaïne - est vendue autour de trois à cinq euros le caillou, moins cher qu’un litre de rhum, on mesure l’importance de la tâche.

Le choix du lieu n’est pas innocent : la place Monnerville est centrale et assez bien fréquentée par les fumeurs de kali (nom local de l’herbe de cannabis), qui en ont fait l’un de leurs fiefs.
- Les jeunes viennent-ils vous voir ici ? Très rarement , répond Bernard Chapon, et lorsqu’on a une visite, c’est un jeune tout seul, après avoir bien regardé auparavant si personne ne le voyait entrer.
Pourtant, certains jeunes de leur côté semblent volontiers faire état de leurs bonnes relations avec les babylones de la prévention pour justifier leur incivisme auprès des copains. Espérons que le changement prévu d’uniforme, destiné à marquer la différence et à rassurer, permettra de lever certaines ambiguïtés.

Le kali
Même si Nicolas Sarkozy a déclaré récemment qu’il n’existait pas de drogues douces, personne ne se permettrait de tout mettre sur le même plan. Le Nouvel Observateur, par exemple, défend depuis longtemps la légalisation encadrée de l’herbe de cannabis (voir article du 12 mai 2003). Et certains pays comme la Belgique l’ont intégré comme plante médicinale à part entière et le prescrivent par ordonnance.
La BPDJ est là pour informer des dangers, car ils existent, insiste Marceau Marigard, même pour le cannabis : il provoque d’importants troubles de mémoire et de concentration, des troubles visuels, de la démotivation, de l’apathie, assortis de risques d’altération de l’ovulation - risque de stérilité chez les jeunes filles - et de stérilité et d’impuissance chez les jeunes garçons. Mélangé à l’alcool, le cannabis peut aller jusqu’à provoquer l’arrêt respiratoire.
Les méfaits du cannabis ne sont sûrement pas plus enviables que la cirrhose et le coma éthylique des alcooliques. D’ailleurs, la brigade de prévention a constaté l’usage de plus en plus fréquent de l’alcool chez les jeunes : certains "descendent" un litre de rhum comme une canette de bière.
A travers les associations (de parents d’élèves et de prévention) à qui elle propose des réunions d’information, la brigade de prévention entend aussi s’adresser aux parents, souvent désemparés et très mal informés sur les produits qui circulent. Bernard Chapon cite le cas d’une mère de famille s’étonnant que son fils stocke des graviers dans son tiroir (en fait du crack).
Parents, n’hésitez pas à franchir la porte du 7 passage monnerville à Kourou pour organiser avec d’autres familles des séances d’information. La brigade de prévention se rendra à votre invitation. Vous pouvez aussi téléphoner (répondeur) au 0594 32 39 80. (Mais si vous êtes fumeur - de tabac - attendez-vous à ressortir de la brigade avec une brochure : "J’arrête de fumer : des méthodes pour y parvenir". Car les drogues légales sont aussi dans leurs attributions.)

Le vocabulaire associé aux drogues est bien précis :
- le crack et la cocaïne provoquent la dépendance
- le cannabis provoque l’accoutumance

Il existe trois grands groupes de drogues :
- les dépresseurs (héroïne)
- les stimulateurs (cocaïne)
- les perturbateurs (cannabis)

Le crack
Cette manne financière pour les gros bonnets de la drogue est responsable, tout comme l’alcool, de nombreux drames familiaux et sociaux. Fond de poubelle de la cocaïne (chlorhydrate de cocaïne, bicarbonate et ammoniaque), son prix très bas lui vaut le surnom de « cocaïne du pauvre». Certains consommateurs, pourtant conscients de l’affreuse toxicité du produit , vous diront d’un air dégagé : «je prends de la coke, mais j’assure.» La vérité est que ce n’est pas de la coke mais du crack et que la déchéance est au bout du chemin, car le crack attaque le système nerveux central. Lors d’une prise, en moins de 7 secondes il atteint le cerveau pour une durée euphorique de 5 à 10 minutes. Reste encore à redescendre. Et la dépendance risque fort d’être immédiate.
Un psychiatre de Cayenne affirmait pourtant publiquement, à l’occasion d’un colloque sur la violence, que la consommation de crack était moins problématique que celle de l’alcool car, disait-il, la grande majorité des consommateurs de crack s’arrêtent avant quarante ans. A cette déclaration, les hommes de la prévention réagissent violemment : «s’ils ne sont pas morts avant !»

La cocaïne, l’ecstasy
Extrait pur, la cocaïne est un stimulant violent, avec sa cohorte de conséquences physiques et psychiques. Son prix très élevé (de 70 à 80 euros le gramme en Guyane) en fait un produit difficilement accessible à notre jeunesse. Il reste néanmoins présent, tout comme l’ecstasy, ce cocktail chimique de composition incertaine, souvent mélangé d’amphétamines et d’analgésiques, et présenté sous des formes ludiques et colorées pour masquer le poison derrière un aspect insignifiant.
Aux parents qui penseraient leur enfant en danger, la brigade de prévention conseille dans l’ordre : d’établir le contact avec leur enfant, d’essayer de dialoguer, de tâcher d’identifier le produit, de consulter le médecin de famille, puis un psychologue. Les associations spécialisées peuvent aussi être une aide précieuse, mais la dure réalité de la Guyane limite gravement leur champ action : il n’y a aucun établissement curatif en Guyane. Les cas les plus graves sont hospitalisés en psychiatrie mais ils sont très vite remis à la merci des dealers. C’est ainsi que nous voyons sombrer tristement des êtres qui auraient peut-être pu être sauvés dans un autre contexte.

Mais il reste encore les drogues légales utilisées en toute bonne conscience et qui nous mènent moins vite sur les mauvais chemins, celles qu’on prend en pharmacie sur ordonnance, en bouteille chez "le chinois" du coin, et en paquet de 20 au même endroit : ce fameux tabac dont la composition véritable nous échappe à 10 % : Agents de texture et conservateurs ! Nuit gravement à la santé !


Blada, mai 2003

En savoir + : www.drogues.gouv.fr

NdE : Babylone est le nom donné par les mouvements Rasta aux représentants de l’autorité institutionnelle et politique. Ce mot a été largement récupéré par les jeunes de Guyane et de la Caraïbe.

 


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