Discours de Chantal Berthelot prononcé le 3 novembre à l'Assemblée Nationale lors de l'examen du budget de la mission Outre mer.
Monsieur le président, madame la ministre chargée de l’outre-mer, mes chers collègues, l’exercice budgétaire est par essence un acte politique et nous sommes nombreux sur ces bancs à partager ce sentiment. Pour le budget 2011 des outre-mer, vous avez, madame la ministre, avec votre gouvernement, fait le choix de nous associer à l'effort national d'austérité. Ainsi, les crédits, toutes missions confondues, pour la Guyane, sont de 1,3 milliard d'euros, soit une baisse de 40 millions d'euros. Pour la quasi-totalité des missions, au mieux les crédits sont simplement reconduits sans prendre en compte l'inflation ; ou, pis encore, ils baissent en termes absolus.
Permettez-moi une première remarque par rapport à notre contribution solidaire : la solidarité ne peut être à sens unique. Or depuis des décennies, l'État a délaissé la Guyane ; sans ce désengagement, notre retard structurel ne serait pas aussi colossal et le besoin de rattrapage si pressant !
Votre budget, madame la ministre, me frappe par son inadéquation par rapport aux besoins de mon territoire, ainsi que par l'incohérence des choix qui s'y expriment.
Pour revenir à la baisse de 40 millions d’euros que je viens d’évoquer, 20 millions correspondent aux conditions de vie ; et pour trois cas, c’est la LBU qui est concernée. La problématique du logement social a été largement évoquée ici, lors du débat de la LODEOM et j’ai fait connaître ma position ; je ne m’étendrai donc pas davantage, mais sachez que cette mesure fera beaucoup de mal aux citoyens de Guyane.
Autre exemple de l’inadéquation de votre budget : l'enseignement scolaire, où nos indicateurs sont alarmants à tous les niveaux. Tous les rapports ministériels l’attestent. Cela hypothèque toute ambition que nous pouvons avoir pour l'avenir de notre territoire dont la population va doubler d'ici à 2030. Vous connaissez les besoins de construction, mais aussi d’effectifs. Or cette mission progresse d'à peine 2 %, montant dérisoire face aux demandes de chaque rentrée scolaire où il faut jongler avec le manque d’effectifs. Pour l'année 2011, le rectorat aura, en plus, comme d’autres institutions telles que les collectivités, à gérer la problématique des contrats aidés : les 20 % pour les employeurs ne sont pas faciles à trouver, à plus forte raison dans un contexte où le chômage augmente sans cesse sur mon territoire.
Au-delà des chiffres, madame la ministre, je voudrais mettre en exergue aussi bien les contradictions que l'incohérence de l'action gouvernementale.
Prenons le cas du Grenelle de l'environnement, que j'ai soutenu parce que je crois en la nécessité d'asseoir notre développement sur nos ressources naturelles. Le Grenelle voulait faire des outre-mer des terres d'excellence environnementale et, par conséquent, avait fixé à 30 % la part de l'énergie renouvelable dans la production électrique de la Guyane. Mais le projet de loi de finances porte un coup à la filière photovoltaïque qui, grâce à notre situation géographique – je dis bien « grâce », car, pour une fois, ce n’est pas un handicap –, représente pourtant une solution écologique et moins coûteuse que l'énergie fossile pour nos communes et nos sites isolés.
La sauvegarde et la valorisation de notre exceptionnelle biodiversité constituent un objectif crucial pour mon territoire au moment où divers rapports internationaux soulignent son apport à l'humanité et tentent de lui attribuer une valeur économique. Or le caractère permanent de l'opération Harpie, si déterminant dans cette perspective, n'a été acté que tout récemment. Du reste, les moyens ne suivent toujours pas puisque les dotations des missions « Défense » et « Sécurité » diminuent.
À cet égard, madame la ministre, j'insiste auprès de vous pour que le volet diplomatique de la lutte contre l'orpaillage illégal soit une réelle priorité du Gouvernement. L'accord franco-brésilien que vous avez enfin présenté au Conseil des ministres – deux ans après sa signature ! –, doit être mis en œuvre, et tout doit être fait pour conclure un accord semblable avec le Surinam. Vous connaissez les problèmes auxquels nous sommes confrontés sur le Haut-Maroni, et les dégâts liés à l’orpaillage dans les villages de Twenké et d’Antécum Pata.
Autre exemple de l'incohérence politique : la France vient d’adopter à la dixième conférence des parties de la convention sur la diversité biologique, qui s'est tenue à Nagoya, le paquet pour la période 2011-2020, qui comprend le protocole sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation. J'y reviendrai dans les jours qui viennent, car la Guyane est tout particulièrement concernée par ce sujet et les manquements sur le savoir-faire autochtone et traditionnel. Or je note que, encore une fois, malgré les engagements de l'État sur le plan international, les crédits de la mission « Écologie, aménagement et développement durable » diminuent de 7 millions d'euros sur son territoire national qu’est la Guyane !
Madame la ministre, bien d'autres exemples attestent de la difficulté de trouver une ligne directrice à votre budget. Pour terminer, je voudrais simplement vous rappeler que, lors de la consultation populaire de janvier 2010, les Guyanais ont voté, non pour une étatisation de la politique guyanaise, mais bien pour que l'État assume ses compétences dans les champs du logement social, de la sécurité, de l'enseignement scolaire, de la santé et de la justice. Or force est de constater que votre budget pour 2011 s'inscrit dans une logique de défaillance de la puissance publique étatique et que vous n’êtes pas au rendez-vous attendu par les Guyanais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
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