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Infos citoyennes

11/06/10
Communication de Nicole Kiil-Nielsen, eurodéputée de l'Ouest

L’intérêt de la ratification de la Convention 169 de l’OIT par la France à travers le cas guyanais. (conférence sur la Convention 169 de l’OIT à Sciences Po Paris, le 5 juin 2010)

La cause des peuples autochtones est un sujet qui me tient à cœur. J’en suis venue à m’intéresser à la convention 169 de l’OIT par le biais de mon attachement pour la Guyane française. C’est dans le cadre d’un déplacement en Guyane en février dernier, pour soutenir la liste Europe écologie aux régionales, que j’ai co-signé avec Alexis Tiouka, militant amérindien et spécialiste des questions autochtones, un appel pour la ratification immédiate par la France de la Convention 169 de l’OIT. Dans ce texte nous affirmions que :

« La ratification de cette convention est une nécessité pour la protection des peuples autochtones de Guyane. Ceux-ci bénéficient certes déjà d’une forme de protection par leur citoyenneté française qui leur permet de jouir des prérogatives du droit commun et par des droits spécifiques qui leur ont été accordés comme par exemple le droit d’usage. Cependant, malgré ces droits, leur protection demeure très largement insuffisante. Cette reconnaissance n’est que tacite, faiblement fondée, dispersée, imprécise voire obscure, lacunaire, d’une portée trop limitée et sans cesse menacée d’altération et de remises en cause radicales.

Cet état de fait peut aboutir à des incohérences et des méconnaissances qui peuvent avoir pour conséquence la violation des droits fondamentaux des peuples autochtones pourtant reconnus au niveau international au terme d’une décennie de lutte.

Or, la signature de la convention 169 est essentielle à la survie des populations autochtones de Guyane française car elle leur permettrait de bénéficier du droit au développement propre (articles 2 et 7), du droit spécial de participation à l’ensemble des décisions les concernant incluant un droit de veto (article 6), du droit à la terre et au patrimoine (article 13 et suivant), du droit au maintien et au développement de leurs institutions propres (articles 8, 9 et 10) et du droit à l’établissement de relations transfrontalières avec les autres membres de leurs communautés (article 32). »

Ce sont ces points que je vais développer ci-dessous, en essayant de vous expliquer en quoi concrètement une telle ratification aurait un impact positif sur les peuples amérindiens de Guyane sans léser en rien les droits des autres habitants de cette région. Sans la reconnaissance de leurs droits collectifs (politiques, économiques, sociaux et culturels), les peuples indigènes n’ont aucun moyen de défense face aux États et aux intérêts privés dans le cadre de projets menaçant directement leur avenir. Mais le problème, pour la France, réside justement dans cette notion de droits collectifs. C’est pourquoi, avant de revenir à la Guyane, je vais évoquer rapidement les blocages français face à la ratification de tels textes reconnaissants des droits collectifs à des minorités.

1. Des blocages français face aux droits des minorités

La convention 169 de l’OIT n’est pas le seul texte faisant référence aux droits des minorités que la France refuse de signer ou ratifier. Elle a ainsi refusé de signer l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) qui affirme :
Article 27

Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue.

De même, la France a refusé de signer l’article 30 de la Convention relative aux droits de l’enfant (1990), qui pose :


Article 30

Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ou des personnes d’origine autochtone, un enfant autochtone ou appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d’avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d’employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe.

À chaque fois la France s’est appuyée sur les articles 1 et 2 de la Constitution pour justifier son refus de signer ces articles (alors qu’elle ratifiait le reste de la Convention), en affirmant que la France ne reconnaissait pas de minorité sur son territoire. Selon l’article 1er de la Constitution « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. » De même, selon l’article 2 : « La langue de la République est le français. » C’est d’ailleurs en s’appuyant sur la même logique, confirmée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que la France refuse de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et de signer la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

Nous sommes donc ici face à un problème structurel et constitutionnel de la République française en ce qui concerne la question des droits des minorités. Ce problème repose sur l’idéologie que les droits humains ne peuvent être que individuels, que la reconnaissance de droits collectifs ne peut que rompre l’égalité de tous devant la loi. L’idéologie française du corps social, découlant à la fois des premières années de la Révolution française et de celles de la IIIème République est basée sur la fiction républicaniste d’une neutralité ethnoculturelle de l’État et d’un corps social composé d’individus interchangeables, d’une société atomisée sans groupe légitime entre l’individu et la Nation.

Comme l’ont bien démontré plusieurs spécialistes de la question, la reconnaissance des différences culturelles, la reconnaissance de l’inscription des individus dans des groupes ou communautés, n’est pas un frein à la liberté et à l’égalité, elle en est au contraire la condition. Reconnaitre l’autochtonie des peuples s’en revendiquant n’est pas selon eux une rupture de l’égalité mais au contraire sa condition. Si les individus sont porteurs d’une histoire individuelle, ils sont aussi porteurs d’une histoire collective qui façonne, qu’on le veuille ou non, leur façon de voir le monde et leur aptitude mais aussi leur volonté à s’inscrire dans la société majoritaire. Cette histoire collective comprend les traditions, langues, coutumes héritée par le biais de l’éducation familiale (principalement) et sociétale (vie villageoise).

L’égalité à la française est basée sur le postulat du métropolitain blanc de langue maternelle française et doté d’un capital culturel minimal. L’État, loin d’être neutre pourtant, est porteur d’une langue exclusive, le français, et d’une culture sociétale légitime et dominante, dont il faut bien maitriser les codes pour bien s’insérer dans la société. L’école est le principal diffuseur de culture majoritaire, avec les institutions voire les médias. L’égalité et la liberté individuelle créent donc des inégalités entre minoritaires et majoritaires.

Reconnaitre et accepter l’égale dignité et valeur des différences portées par les individus ne correspondant pas à la norme c’est leur donner les clés de l’égalité et la liberté réelle. Ce qui implique la nécessité de droits spécifiques pour les minoritaires, qui ne doivent pas être seulement individuels mais également reconnaitre la dimension collective du fait minoritaire. Comme l’écrit Will Kymlicka, un philosophe canadien travaillant sur la question des minorités nationales, il est important de « renforcer l’autonomie individuelle en conférant aux groupes minoritaires divers droits leur permettant de se protéger de la société dominante, de sorte qu’ils puissent réduire leur vulnérabilité à la puissance économique et politique de la majorité ». Aussi, les droits minoritaires ne sont pas des « privilèges » mais des remèdes ou moyens de protection face à des injustices que les minorités subissent du fait des processus d’institution nationale, créateurs d’inégalités entre majoritaires et minoritaires.

Tout cela est d’autant plus vrai pour les peuples autochtones qui ont pour spécificité, comme le souligne Alexis Tiouka, que leur cohésion ne tient pas à la formulation, par un certain nombre d’individus, de revendications de non-discrimination, c’est-à-dire de plus grande égalité et de meilleure participation dans le cadre de la société globale. Ce qu’ils veulent, c’est assurer la survie de leurs communautés, la protection de leurs droits en tant que peuples autochtones et la reconnaissance d’une forme d’autonomie ou d’autodétermination, c’est-à-dire le droit à définir ses propres normes et priorités. En revendiquant leurs droits territoriaux, les Autochtones cherchent à conserver leurs modes de subsistances ancestraux ; en revendiquant leurs droits culturels et linguistiques, ils cherchent à garantir la survie des institutions et des modes d’organisation sociale qui leur sont propres.

Comme l’affirmait un rapport du séminaire des Nations Unies sur les effets du racisme et de la discrimination raciale sur les relations sociales et économiques entre les peuples autochtones et les États (1989) : « La protection effective des droits humains individuels et des libertés fondamentales des peuples autochtones ne peut pas être réellement atteinte sans la reconnaissance de leurs droits collectifs ».

C’est pour cela qu’il me semble urgent de réformer la Constitution pour une meilleure reconnaissance de la diversité et une possible protection des minorités. Il est regrettable que, contrairement à ce qui avait été évoqué en 2008, la notion de « diversité » n’ait pas été intégrée dans le préambule de la Constitution. En outre, Les Verts proposent d’ajouter aux principes fondamentaux contenus dans l’article premier de la Constitution cet alinéa : « Elle [la République française] se reconnaît comme plurielle et garante de la diversité qui la compose. ». De même, Les Verts appellent à une modification de l’article 2 pour permettre une co-officialité des langues régionales, et notamment autochtones, dans les territoires où elles sont utilisées.

2. Une ratification qui aurait des conséquences concrètes bénéfiques pour les Amérindiens

Intéressons nous maintenant au cas particulier de la Guyane. Avec la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna, la Guyane est un des territoires français comprenant des peuples autochtones. Contrairement à la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française par contre, la Guyane n’a pas un statut particulier. Ainsi, en Nouvelle Calédonie, le titre Ier de la loi organique du 19 mars 1999 et l'article 75 de la Constitution française garantissent la reconnaissance d’un statut civil coutumier et de la propriété coutumière pour les Kanaks[1].

Il existe 6 peuples amérindiens en Guyane : les Kali’na, les Lokono, les Paykweneh, les Wayana, les Wayapi et les Téko. Ces peuples se répartissent en trois familles linguistiques (caribe, arawak et tupi-guarani). Après avoir été proche de disparaître, les Amérindiens connaissent un véritable renouveau démographique et représentent donc une population qui ne peut être négligée dans le département. Les estimations portant sur le nombre d’Amérindiens en Guyane varient aujourd’hui entre 6000 et 15000 individus (il est en effet très difficile d’obtenir des chiffres officiels précis compte tenu de l’impossibilité constitutionnelle de procéder à des recensements sur la base du critère ethnique). D’autant plus que le territoire de chacun de ces peuples va largement au-delà des frontières du département : ainsi le territoire des Kali’na traverse le plateau des quatre Guyanes, s’étendant du Brésil jusqu’au Venezuela.

Aux yeux de l’administration, de l’école et de la justice, les Amérindiens ne sont pas Amérindiens ou Autochtones mais citoyens français, surinamais, brésiliens, voire apatrides s’ils n’ont choisi (ou que les Etats concernés ne leur ont imposé) aucune de ces nationalités. De fait, aujourd’hui encore, certains Amérindiens (notamment de l’intérieur) ne sont pas Français. Ainsi, dans les conditions actuelles, pour exister aux yeux de l’Etat et défendre leurs droits, des Autochtones de Guyane française doivent mettre entre parenthèses leur identité propre ; à défaut, on les considère comme des “étrangers” sur un territoire qui est pourtant le leur depuis plus de six mille ans, bien longtemps avant l’arrivée des premiers Européens.

Néanmoins, les Amérindiens de Guyane tombent clairement sous la définition du terme de peuple « indigène » ou « autochtone » tel qu’il est d’usage à l’ONU ou à l’OIT depuis une trentaine d’années :

· Ils ont un mode de vie traditionnel (Art. 1.1.a de la Convention 169 de l’OIT) ;

· Leur culture et mode de vie diffèrent des autres segments de la population guyanaise, par ex. de par leur façon de gagner leur vie, leur langue, leurs coutumes, etc. (idem) ;

· Ils ont une organisation sociale et des institutions politiques propres (idem);

· Ils habitent historiquement sur le territoire où ils sont actuellement et y habitaient avant l’arrivée des Occidentaux (Art. 1.1.b de la Convention 169) ; et surtout

· Ils se reconnaissent comme Amérindiens, peuples autochtones de Guyane (Art. 1.2 de la Convention 169)

D’une manière générale, les peuples Amérindiens de Guyane continuent à vivre en communauté et dans le respect de leurs traditions, en dépit de la politique d’intégration adoptée par les pouvoirs publics dans le sillage de la départementalisation, notamment par le biais de la scolarisation obligatoire dans les écoles nationales et l’octroi de la citoyenneté française.

Ils ont cherché à combattre les effets de cette politique par différents moyens, concrétisant notamment leurs efforts par la création, en 1981, de l’Association des Amérindiens de Guyane Française, aujourd’hui appelée Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane (FOAG). En s’organisant ainsi, les Autochtones de Guyane ont exprimé le refus « de considérer comme valable l’option de l’assimilation progressive à la société dominante », ainsi que leur volonté « de demeurer Amérindiens et conserver [leur] langue, [leur] culture, [leurs] institutions propres », pour reprendre les mots de Félix Tiouka[2].

La spécificité et le caractère autochtone des Amérindiens de Guyane ne fait donc aucun doute. La ratification de la Convention 169 de l’OIT par la France s’appliquerait pleinement à ces six peuples. Il nous reste pour finir à essayer de comprendre et définir ce qu’une telle ratification leur apporterait concrètement ? En quoi la reconnaissance de droits collectifs leur apporterait des droits et des moyens au-delà de ce qu’ils peuvent obtenir de manière individuelle ?

a) Le droit à la terre

L’avantage concret le plus évident est celui de la reconnaissance du droit collectif à la terre, qui est un des points sur lesquels les peuples autochtones de Guyane insistent particulièrement. Deux raisons à cela. D’une part, la qualité d’autochtone reste axée sur la question de l’antériorité de l’occupation du territoire. D’autre part, la notion de propriété collective, fondamentale pour les peuples amérindiens de Guyane, s’oppose à celle de propriété privée telle que définie par le droit français. En effet, pour les peuples autochtones, l’appropriation de la terre et de ses ressources à titre privée constitue la base d’un “système d’exploitation de l’homme par l’homme”. Dans ce domaine, quelques batailles ont été gagnées, comme la création de la Commune d’Awala-Yalimapo peuplée en grande majorité de Kali’na et la reconnaissance officielle de certains territoires par le biais de la création d’associations. Or, si ce type d’actions permet aux Autochtones de sauvegarder leur mode de vie en faisant perdurer certaines de leurs activités traditionnelles de subsistance et de gérer, dans une certaine mesure, leur développement économique, on est encore loin d’une véritable reconnaissance des droits à la terre pour les peuples autochtones par l’Etat français. Appliquer la partie II de la Convention (articles 13 à 19) permettrait ainsi :

· La restitution des terres aux peuples autochtones sans qu’on les oblige à les acheter individuellement (donc propriété collective, comme le met en exergue l’article 13, alinéa 1). En effet, selon l’article 14 alinéa 1, « les droits de propriété et de possession sur les terres qu’ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés ». La Convention stipule en outre, à l’article 16 alinéa 4 : « quand le retour sur leurs terres traditionnelles est impossible, les ‘collectivités autochtones’ doivent être indemnisées sous la forme de terres », ces terres devant être « de qualité et de statut juridique au moins égaux à ceux des terres qu’ils occupaient antérieurement » et permettre aux « ’collectivités autochtones’ de subvenir à leurs besoins du moment et d’assurer leur développement futur ».

· L’octroi de plus de pouvoir aux peuples amérindiens sur ce qui se passe dans la zone du parc amazonien, de même qu’en ce qui concerne la gestion des aires protégées (réserve de l’Amana par exemple). Selon l’article 15 alinéa 1 en effet, « les droits des peuples intéressés sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardées. Ces droits comprennent celui, pour ces peuples, de participer à l’utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources ». Selon l’alinéa 2 du même article, les peuples autochtones doivent être consultés « avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres ». Ils doivent « participer aux avantages découlant de ces activités » et « recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de telles activités » (l’alinéa 3 de l’article 7 va exactement dans le même sens[3]). L’application d’un tel texte serait crucial pour les Amérindiens de Guyane qui sont particulièrement victimes des ravages environnementaux, sanitaires et sociaux causés par l’orpaillage – destruction de leur territoire, empoisonnement par le mercure et le cyanure utilisé pour extraire l’or, et qui se répandent dans le fleuve, remontant la chaine alimentaire, etc. – sans en tirer aucun bénéfice ou dédommagement, et sans jamais avoir été consultés. Contrairement à leurs revendications, les territoires des Wayanas et des Tékos ont été exclus du Cœur du Parc national amazonien de Guyane permettant à des compagnies minières de s’y installer en toute légalité, sans même compter les orpailleurs illégaux. Cf. également l’alinéa 4 de l’article 7 qui stipule : « Les gouvernements doivent prendre des mesures, en coopération avec les peuples intéressés, pour protéger et préserver l’environnement dans les territoires qu’ils habitent ».

· Création d’un cadre juridique qui améliorerait le code du domaine de l’État sur les zones de droit d’usage, avec notamment l’élaboration d’un cadastre coutumier comme cela se fait en Nouvelle-Calédonie déjà. Voir notamment l’article 19 de la Convention.

b) Le droit à l’autonomie culturelle

Les cultures et les identités des peuples indigènes et tribaux font partie intégrante de leurs vies. Leurs modes de vie, leurs coutumes et traditions, leurs institutions, leurs droits coutumiers, leurs façons d’utiliser leurs terres et leurs formes d’organisation sociale sont généralement différentes de celles de la population dominante. La convention reconnaît ces différences et s’efforce de garantir qu’elles sont protégées et prises en compte lorsque des mesures en cours d’adoption sont susceptibles d’avoir un impact sur ces peuples.

Ainsi, selon l’article 5 de la Convention, les parties prenantes doivent « reconnaitre et protéger les valeurs et les pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples ». Tout particulièrement en matière éducative (article 27). De même, selon l’article 28 alinéa 1, « un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisé par le groupe auquel ils appartiennent ». « Des dispositions doivent être prises pour […] promouvoir le développement et la pratique » de ces langues indigènes selon l’alinéa 3 du même article 28. Ce texte appuie donc fortement la reconnaissance des droits linguistiques des peuples concernés, et son application ne peut que favoriser la préservation de la diversité linguistique et culturelle.

c) La reconnaissance démocratique collective

L’esprit de consultation et de participation constitue la pierre d’angle de la convention n° 169 sur laquelle reposent toutes ses dispositions. La convention exige que les peuples autochtones soient consultés sur les questions qui les affectent. Elle exige également que ces peuples soient en mesure de s’engager dans une participation libre, préalable et informée dans les processus politiques et de développement qui les affectent.

Les principes de consultation et de participation de la convention n° 169 se réfèrent non seulement aux projets de développement spécifiques mais également à des questions plus vastes de gouvernance et à la participation des peuples autochtones à la vie publique.

À l’article 6, la Convention fournit des directives sur la façon dont doit être menée la consultation des peuples autochtones :

* Celle-ci doit être mise en place selon des « procédures appropriées », de « bonne foi », et à travers les « institutions représentatives » de ces peuples ;
* Les peuples impliqués doivent avoir la possibilité de « participer librement à tous les niveaux » à la formulation, la mise en œuvre et l’évaluation des mesures et des programmes qui les touchent directement ;

Un autre élément important du concept de consultation est la représentativité. Si un processus de consultation approprié n’est pas mis en place avec les institutions ou organisations indigènes et tribales qui représentent véritablement les peuples en question, les consultations qui en résultent ne seront pas conformes aux exigences de la Convention. Une consultation efficace est une consultation dans laquelle les parties impliquées ont l’opportunité d’influencer la décision finale.

L’article 7 de la Convention n° 169 stipule que les peuples autochtones ont le droit de « décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus de développement dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu’ils occupent ou utilisent d’une autre manière, et d’exercer un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre ».

La Convention est ainsi un texte qui vise à donner de réels droits démocratiques aux peuples autochtones, garantissant une écoute et même mieux, une prise en compte systématique de leurs positions à travers des procédures de débat et d’échange. C’est donc une Convention profondément soucieuse des exigences de liberté et d’égalité auxquels nous sommes tous attachés. L’autonomie telle que définie par cette Convention est la possibilité pour les peuples autochtones d’être partie prenante de toutes les décisions les concernant, et même d’avoir les outils pour s’opposer aux décisions contre leurs intérêts.

Conclusion

Même si on peut se réjouir que la France soit partie prenante de la Déclaration des Nations-Unies sur les Droits des Peuples Autochtones, celle-ci n’a au mieux qu’une portée normative. La Convention 169 de l’OIT reste à ce jour le seul instrument contraignant de protection des droits des peuples indigènes. En la ratifiant, les États s’engagent à garantir de manière effective l’intégrité physique et spirituelle des peuples autochtones vivant sur leurs territoires et à lutter contre toute discrimination à leur égard. C’est pour cela que j’appelle la France à modifier sa Constitution pour rendre une telle ratification possible. Ce serait une étape décisive vers une reconnaissance et une meilleure prise en compte des intérêts des peuples autochtones habitant sur le territoire de la République française. La France rejoindrait ainsi le Danemark, l’Espagne, la Norvège et les Pays-Bas, les quatre États européens à avoir ratifié cette Convention, et serait plus crédible pour porter au niveau international un discours de respect de la diversité et du pluralisme.

Nicole Kiil-Nielsen, eurodéputée de l'Ouest

 

Sources principales :

Kymlicka (Will), « Les droits des minorités et le multiculturalisme : l’évolution du débat anglo-américain », in Kymlicka (Will) et Mesure (Sylvie) dir., Comprendre les identités culturelles, Paris, PUF, Revue de Philosophie et de sciences sociales n°1, 2000, p. 141-171.

Tiouka (Alexis), 2002 : « Droits collectifs des peuples autochtones : le cas des Amérindiens de Guyane française », in Schulte-Tenckhoff (I.), Altérité et droit, contributions à l’étude du rapport entre droit et culture, Coll. « Droits, territoires, cultures » n°2, Bruxelles, Bruylant, p. 241-262.

http://www.survivalfrance.org/

http://www.ilo.org/

[1] À noter toutefois qu’il existe un Statut des chefs coutumiers en Guyane. Chez les Kali’na, c’est le cas des yopoto ou chefs coutumiers, selon l’appellation française, dont le rôle est de faire reconnaître en droit la coutume des collectivités autochtones. Actuellement, c’est encore le cas pour tout ce qui se rapporte à la condition des personnes et au droit privé. Les yopoto sont les délégataires des pouvoirs politiques et judiciaires.

[2] Tiouka F., 1985, “Adresse au gouvernement et au peuple français” in Ethnie vol.21, n°1-2, p.8

[3] « Les gouvernements doivent faire en sorte que, s’il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d’évaluer l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en œuvre de ces activités ».


 

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