Réunion avec les acteurs de la lutte contre le sida en Guyane
Cayenne, 28 mars 2010
Intervention de Mme Marie-Luce PENCHARD, Ministre chargée de l’outre-mer
SEUL LE PRONONCE FAIT FOI
Mesdames et Messieurs,
En ce moment même, le Sidaction 2010 rappelle à chacun de nos concitoyens que la lutte contre le VIH-sida demeure toujours d’actualité. Ici, en Guyane bien évidemment, dans toute la France comme dans le monde entier.
Le Sidaction, c’est bien sûr le moment privilégié pour attirer l’attention de toute la société sur le besoin d’aider financièrement les associations. C’est aussi le moment privilégié pour parler du virus, pour parler de la maladie.
C’est pourquoi j’ai souhaité vous rencontrer, vous qui oeuvrez au quotidien pour que la propagation de l’épidémie soit freinée et que les personnes vivant avec le VIH soient pleinement acceptées dans nos sociétés.
Voilà maintenant une génération que nous vivons avec le VIH-Sida ; les premiers enfants nés séropositifs, ceux qui ont pu vivre grâce aux traitements, sont maintenant adultes. Le VIH, le Sida font désormais partie de notre quotidien, de notre vie de chaque jour. Mais est-ce que nous le reconnaissons, nous ultramarins ? Avons-nous la force de reconnaître cette réalité et d’admettre en notre sein qu’une personne puisse vivre avec le VIH ? Ce n’est pas simple, ce n’est pas naturel et ce n’est pas évident de faire cette démarche du dépistage dans nos sociétés. Pour la femme ou l’homme qui se rend dans le centre, il faut faire preuve de beaucoup de courage surtout dans nos sociétés ultramarines où tout se sait et où le regard des autres est parfois plus dur à porter.
Je le dis comme ministre bien sûr mais je vous parle aussi en tant que femme, en tant qu’ultramarine qui connaît et comprend le fonctionnement de nos sociétés. Je mesure le poids du silence, la charge des tabous qui entourent dans nos départements d’outre-mer cette épidémie et, plus largement, la sexualité. Alors qu’en Guyane nous avons besoin d’agir et nous devons agir, au regard de l’incidence du VIH, qui comme vous le savez place ce département en état d’épidémie généralisée.
D’ailleurs, le conseil national du sida, dans son avis sur l’épidémie en Guyane rendu au début de l’année 2008, nous avait invité à ce que toutes les institutions, toutes les personnalités portent un discours sur le VIH à la mesure de l’épidémie : les spots « Regards et paroles croisés », dont la conception a été coordonnée par la délégation régionale de Sida info service, ont permis à une quinzaine de personnalités guyanaises d’évoquer sans fard l’épidémie qui frappe durement la Guyane. Ce sont des actions comme « Regards et paroles croisés » dont nous avons besoin pour nos sociétés d’outre-mer.
Mais j’ai aussi la conviction, en plus de cette parole des autorités, que beaucoup se joue dans les familles. Je pense à la responsabilité, au rôle des parents, tout particulièrement aux mères, qui demeurent, malgré l’évolution de nos sociétés, un des piliers les plus solides. Les mères, je le crois, peuvent contribuer de manière décisive à la prévention de l’infection ; elles peuvent aussi nous aider, nous ultramarins, à changer notre regard sur le VIH et sur les personnes qui vivent avec le VIH.
Et nous ne devons pas perdre de vue que, dans nos territoires, les femmes sont autant frappées par le VIH-sida que les hommes. La lutte contre la transmission hétérosexuelle du virus passe aussi par un changement des rapports entre homme et femme : je n’hésite pas à le dire, il y a là une forme de violence faite aux femmes. Nous savons tous ici combien la femme, dans nos sociétés, est trop souvent victime de violences et on en parle pas assez. C’est pourquoi je suis convaincue que nos délégations régionales aux droits des femmes doivent être un acteur à part entière de la lutte contre le VIH-sida dans nos territoires d’outre-mer.
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Sur la base de l’avis du conseil national du sida de 2008, nous avons, collectivement, engagé une politique globale, cohérente, articulée, de lutte contre le VIH-sida en Guyane. Dès mai 2008, le Préfet de Guyane a été désigné pour coordonner les actions, en liaison très étroite avec le comité régional de lutte contre le VIH (COREVIH).
Dans ce cadre, de nombreuses actions, couvrant tous les champs qu’il s’agisse de la prévention, du dépistage ou de l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH, ont été engagées. Si cela a pu être réalisé, dans un délai rapide, c’est grâce à votre investissement, grâce aux projets que vous avez conçus, que vous avez portés, que vous avez menés à bien. Je voudrais vous remercier très sincèrement et sachez que ce message vient du cœur.
Ce travail, cet engagement, il sera mis en perspective prochainement par la présentation du plan national de lutte contre le VIH-sida et les autres infections sexuellement transmissibles (IST) pour la période 2010-2014.
Il est inutile d’y insister : l’épidémie outre-mer présente des caractéristiques différentes de celle qui touche l’hexagone. Nous le savons, elle s’inscrit dans des contextes sociaux et culturels distincts, dans des environnements régionaux où tout à la fois l’épidémie et les réponses de santé publique sont peu comparables avec ce qu’on connaît en Europe continentale. Je n’y reviens pas.
Je voudrais cependant insister sur un fait, commun à l’ensemble de nos territoires d’outre-mer : c’est le dépistage tardif, trop souvent au stade où la maladie est déclarée. Je suis frappée par la part des découvertes de séropositivité au moment des grossesses. Le dépistage doit être plus précoce : c’est à ce prix que nous pourrons mieux accompagner les personnes vivant avec le VIH et que nous pourrons aussi freiner la propagation du virus.
Le dépistage précoce est l’un des objectifs centraux du volet spécifique aux populations d’outre-mer du plan national de lutte contre le VIH-sida et les autres IST. Ce volet vise à mieux adapter la stratégie nationale de lutte aux contextes de chaque territoire d’outre-mer. Par exemple, on ne peut plus se contenter des campagnes de prévention ou d’information, mobilisant des codes métropolitains. Diffusées en outre-mer, ces campagnes sont au mieux incompréhensibles, et parfois même contre-productives. C’est pour cela que le Chef de l’Etat a décidé lors du CIOM du 6 novembre dernier que la communication devait conçue et réalisée au plus près des besoins de chaque territoire.
Nous sommes désormais en phase de finalisation du plan national, avec un volet spécifique Outre-mer, qui a fait l’objet de nombreuses concertations. Je ne doute pas que vous vous retrouverez dans les quatre axes qui ont été retenus :
D’abord, il nous faut constamment améliorer notre connaissance de la situation épidémiologique des IST-VIH et des comportements sexuels dans les DOM. Grâce à cette connaissance, nous pourrons mieux adapter les stratégies d’intervention.
Ensuite, il nous faut poursuivre la mobilisation de l’ensemble des acteurs institutionnels et associatifs locaux avec la société civile pour une prise de conscience collective. Votre action « Regards et paroles croisés » est à cet égard exemplaire.
Bien évidemment, nous devons également adapter le dépistage à la réalité de l’épidémie de VIH dans les DOM. Il faut que celui-ci devienne plus précoce, je l’ai déjà indiqué.
Enfin, et c’est également une des orientations majeures du conseil interministériel de l’outre-mer, nous devons agir au niveau régional, mutualiser les connaissances, échanger les pratiques et les savoir-faire pour répondre à la réalité des flux migratoires et soutenir les projets de coopération.
Je peux vous assurer que, même s’il n’est pas le principal contributeur – et je salue en l’espèce l’attention du Ministère en charge de la santé à l’épidémie de VIH-Sida outre-mer, le Ministère de l’Outre-Mer, qui partage l’élaboration du plan avec la direction générale de la santé, apportera son concours financier à la réalisation des actions.
Il vous reviendra, avec le Préfet et le directeur de l’agence régionale de santé, de transcrire ce volet outre-mer du plan national dans les orientations régionales stratégiques de santé publique qui seront élaborées au cours de cette année. Roselyne BACHELOT et moi-même sommes d’ailleurs convenu d’organiser prochainement une rencontre des directeurs des trois agences régionales de santé des départements d’outre-mer pour fixer le cap en ce domaine.
Je peux vous confirmer aussi que Roselyne BACHELOT et moi-même apportons une grande attention au projet de conférence porté par des associations de lutte contre le VIH-sida. Ce projet pourrait intervenir en fin d’année et serait l’occasion d’un vaste échange d’expériences. Ce que vous accomplissez ici, en Guyane, me conforte dans la conviction que cette initiative présente un grand intérêt pour améliorer nos manières de lutter contre l’épidémie mais aussi pour accompagner pleinement les personnes qui vivent avec le virus.
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Voici les quelques réflexions et orientations que je souhaitais partager avec vous, en ces journées de Sidaction. Le Sidaction, c’est l’appel aux dons mais c’est aussi l’appel au bénévolat, au dynamisme de la vie associative. Je veux à nouveau vous remercier pour votre engagement et vous assurer de ma totale implication pour qu’ensemble, nous puissions gagner cette lutte, ici, en Guyane, comme dans tous les territoires d’outre-mer.
Je vous remercie.
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