JOURNEE INTERNATIONALE DU REFUS DE LA MISERE - 17 octobre 2007
Témoignage de la Mission France de Médecins du monde
La Mission France de MDM a pour objectif de réduire les inégalités d’accès au système de santé (prévention, soins et couverture maladie) des personnes les plus vulnérables de l’Ile de Cayenne.
En 2007, sur les 9 premiers mois, la file active est de 453 bénéficiaires et nous avons effectué 569 consultations médicales et 819 consultations sociales.
Ces personnes sont marquées par la solitude et le dénuement matériel. 41 % des personnes vivent seules (ou seules avec enfants), 50 % sont en logement précaire ou à la rue. Elles ont presque toutes des revenus inférieurs au seuil de pauvreté.
83 % d’entre elles n’avaient pas de couverture maladie lors de leur premier passage. Elles ne pouvaient faire valoir leurs droits en raison de leur méconnaissance des dispositifs, de difficultés linguistiques et administratives. Toutes les personnes accueillies rencontrent des difficultés d’accès au système de santé.
Comment rester insensible à la situation des plus pauvres sur lesquelles se concentrent tous les maux, toutes les iniquités ? La santé n’est-elle pas une ressource majeure pour le développement individuel, social, économique ? Comment laisser les plus vulnérables en marge des priorités de santé publique ?
Médecins du Monde demande le renforcement des dispositifs essentiels à l’accès aux soins, à la prévention, à la couverture maladie des personnes vivant dans la précarité :
La Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) de l’hôpital public de Cayenne
devrait bénéficier de moyens supplémentaires puisqu’elle ne répond pas à sa mission de lutte contre l’exclusion dans la mesure où elle n’est ouverte qu’à des horaires très limités et inadaptés, qu’elle n’offre pas de consultations de médecine générale, dentaire ou ophtalmologique, ni de simplification des parcours de soins ou encore un suivi pour des bénéficiaires déjà en difficultés d’accès. Aujourd’hui nous recevons de nombreux patients qui n’ont pas réussi à trouver le chemin des soins à l’hôpital. Pourquoi ?
La Protection Maternelle et infantile doit pouvoir proposer des échographies et assurer le suivi des grossesses avec les moyens nécessaires dans le seul département français où 58 % des femmes enceintes ne sont pas ou peu suivies faute d’être solvables. Aujourd’hui nous recevons des femmes qui arrivent à terme de leur grossesse sans aucun suivi, des femmes en situation précaire à qui on a refusé la prise en charge en PMI faute d’avoir produit la première échographie de datation (60€ en ville). Pourquoi ?
Le Programme Elargi de Vaccination doit être largement développé vers toutes les populations démunies en allant directement sur leurs lieux de vie, en faisant des campagnes dans les écoles et en sensibilisant l’ensemble des professionnels de santé : en effet le taux de couverture vaccinale en Guyane est le plus faible de France alors même que des pans entiers de la population vit dans des conditions de risque sanitaire accru. Aujourd’hui nous rencontrons de nombreuses personnes non vaccinées et n’ayant pas connaissance du dispositif. Pourquoi ?
Ce que nous définirions comme
une « politique d’usure » conduisent les plus vulnérables à baisser les bras non seulement à la Caisse Générale de Sécurité Sociale mais à tous les niveaux du système de santé. La diversité des langues et cultures des populations vivant en Guyane doit entraîner une adaptation des moyens d’information et de communication concernant les droits à une couverture maladie. Des médiateurs de santé publique ont été formés en Guyane, ils devraient pouvoir trouver toute leur place dans des programmes d’information et de médiation sanitaire soutenus financièrement et politiquement. Aujourd’hui nous passons notre temps à expliquer individuellement comment contourner les barrières administratives et linguistiques qui se dressent entre les personnes et leur accès aux droits. Pourquoi ?
Enfin, une
entrave inacceptable à l’accès aux soins de ces populations, lorsqu’elles ont des droits ouverts, est le refus de prise en charge par les professionnels libéraux. Suivant le type de couverture, seulement 40 à 52% des médecins contactés en 2007 (88 % des généralistes et 80 % des spécialistes de l’Ile de Cayenne) acceptent les patients bénéficiant d’une AME ou d’une CMU sans conditions. Si certains ne laissent personne dans l’oubli, d’autres soulignent les difficultés de remboursement et pointent la responsabilité de l’Etat en raison de complications administratives entravant l’accès aux soins pour tous.
N.d.E. La mission intervient sur l'Ile de Cayenne uniquement. Le témoignage ainsi que les statistiques ne concernent que les populations reçues à la mission qui proviennent des trois communes qui constitutent l'Ile de Cayenne.
En savoir + sur Médecins du Monde en Guyane.
Lire aussi le rapport national de Médecins du Monde sur
L'accès aux soins des plus démunis en 2007.