De lundi à vendredi se déroule la Semaine de la santé transfrontalière, à Saint-Georges, Camopi et Oiapoque. Cet événement réunit des institutions et des acteurs de santé français et brésiliens. Il représente une opportunité cruciale de renforcer la coopération en matière de santé publique, de santé environnementale et de sécurité sanitaire entre nos deux territoires.
Comment lutter contre le paludisme aussi efficacement dans l’Amapa qu’en Guyane ? Comment s’échanger les données des patients entre professionnels de santé de Saint-Georges et d’Oiapoque tout en respectant la réglementation ? Comment réduire le déversement de déchets dans l’Oyapock ? Comment protéger une femme battue des deux côtés de la frontière ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles les participants à la Semaine de la santé transfrontalière essaieront de trouver des réponses, toute la semaine prochaine, à Saint-Georges et Oiapoque.
Un tel événement, organisé par l’Agence régionale de santé, n’avait pas eu lieu depuis 2018. La municipalité d’Oiapoque a émis le souhait qu’il fût renouvelé, lors de la troisième commission mixte transfrontalière entre la France et le Brésil, qui s’est déroulée à Macapa les 12 et 13 juin. Peu avant, la rencontre entre le président de la République Emmanuel Macron et le président de la République fédérative du Brésil Lula avait abouti à l’adoption d’un plan d’action franco-brésilien comptant des axes sur la santé mondiale et l’approfondissement de la coopération bilatérale. Plusieurs dispositifs permettent d’ores et déjà de collaborer – Oyapock coopération santé, partage d’informations entre les services de veille sanitaire, centre de coopération sanitaire – ou sont en projet comme la maison des femmes d’Oiapoque. Ces cinq jours seront l’occasion de travailler sur les principaux enjeux sanitaires de la zone frontalière et de relancer la dynamique au niveau régional, en travaillant sur les parcours de soins, le partage des données, des actions à mener en 2025.
Cette semaine s’ouvrira lundi après-midi avec une cérémonie officielle et une marche sur le pont sur le pont sur l’Oyapock. La semaine sera rythmée par de nombreuses actions de sensibilisation, de prévention et de dépistage à Saint-Georges, Oiapoque et Camopi (vous pouvez retrouver le programme complet dans l’Agenda de la Lettre pro). Plusieurs ateliers réuniront les acteurs autour des principaux enjeux de la santé transfrontalière.
Soins, veille et sécurité sanitaire. La matinée de mardi sera consacrée aux discussions autour d’un « cadre pour des soins continus et une surveillance efficace ». Il sera notamment question de la coordination et des protocoles de soins transfrontaliers, de la circulation des professionnels de santé, de la surveillance sanitaire et de la prévention. En matière de veille et de sécurité sanitaire, l’Agence régionale de santé, la Surintendance de veille sanitaire de l’Amapa et Santé publique France tiennent des points mensuels où ils peuvent échanger sur la situation épidémiologique et les alertes sanitaires. L’objectif est d’aller plus loin en organisant des actions synchronisées de prévention et de promotion de la santé, de trouver des solutions pour faciliter la gestion des signaux sanitaires, de développer une approche régionale dans la lutte contre les maladies comme le paludisme, la leishmaniose, les arboviroses et les IST, et de travailler sur le cadre réglementaire du diagnostic, des échanges de données et des parcours patient.
Maladies infectieuses. Au cours d’un atelier organisé mardi après-midi, les Dr Céline Michaud, Jean-Yves Cattin (CHC) et Francky Mubenga (ARS) aborderont trois sujets :
Santé mentale. Dans ce domaine, l’offre de soins est faible dans la zone frontalière. Un atelier organisé mardi après-midi permettra de clarifier ce qui se fait de part et d’autre de l’Oyapock, d’informer sur les prises en charge qui sont proposées, de travailler sur des fiches actions et sur un cadre garantissant la continuité des soins.
Lutte contre les violences. En matière de violences liées au genre, la zone frontalière est confrontée à deux systèmes judiciaires, une population très mobile, une offre de soins et de soutien limitée, des difficultés à garantir la confidentialité et la protection légale. Plusieurs projets sont déjà en cours comme Oyapock coopération santé ou sur les rails comme la maison des femmes d’Oiapoque. Ces sujets seront discutés lors d’un atelier mercredi après-midi.
Numérique en santé. Le partage des informations entre les professionnels de santé de part et d’autre de la frontière est un enjeu majeur du parcours de soins. Ils ont pris l’habitude de le faire avec les messageries instantanées grand public. Ce sujet a déjà été discuté au début du mois, lors de la visite de l’Agence du numérique en santé à Saint-Georges. L’ANS avait indiqué qu’elle étudiera si une solution pratique, fiable et sécurisée peut être mise en œuvre dans ce contexte frontalier. Il en sera de nouveau question lors d’un atelier mercredi après-midi.
Santé environnement. L’un des principaux enjeux a trait à la gestion des déchets, perfectible des deux côtés de la frontière. Lors d’un atelier prévu jeudi après-midi, il sera par exemple question du cas de Villa Brasil, village situé face à Camopi, dont la décharge se déverse dans le fleuve lors des saisons des pluies. Les participants échangeront leurs expériences de sensibilisation au tri des déchets des deux côtés de la frontière et discuteront des actions à mettre en œuvre en 2025.
Activité physique et bien-être. Les associations réunies jeudi après-midi discuteront des moyens de répondre aux besoins de la population en matière d’activité physique et de bien-être, de développer la pratique et de fidéliser les pratiquants. Un des objectifs est d’organiser deux événements phares dans le courant de l’année 2025.
À Oiapoque, du dépistage en porte-à-porte pour trouver le « réservoir de VIH qui s’ignore »
Nova Conquista. Nouvelle Conquête. À Oiapoque, ville frontalière de Saint-Georges, le dernier-né des quartiers annonce le programme. Il faut se diriger vers la sortie de la ville, sur la BR156, la piste qui relie Oiapoque à Macapa à 580 kilomètres de là. Passer devant l’université fédérale et la gare routière. Puis traverser Infrearo et Areia Branca, deux des quartiers les plus pauvres de la ville. Au sommet d’une butte, le panorama s’ouvre sur la forêt qui brûle, des pistes qui s’enfoncent dedans, des câbles électriques qui les longent et des maisons en parpaings par centaines. Bienvenue à Nova Conquista.
« Ce quartier est apparu il y a deux ans. Depuis l’an dernier, il a quintuplé de taille », estime le Dr Jean-Yves Cattin, médecin à l’hôpital de proximité de Saint-Georges. Avec Infrearo et Areia Branca, le secteur abriterait « 10 à 15 000 habitants » avec un seul médecin, qui ne consulte pas tous les jours.
Jusqu’en 2023, plus de 50 % de découverte au stade sida
C’est de ces trois quartiers que viennent un grand nombre des patients suivis à Saint-Georges. Dont beaucoup pour une infection par le VIH, constate le Dr Cattin : « Alors qu’en général 20 à 30 % des diagnostics positifs se font au stade sida, dans le bassin de l’Oiapoque, c’était plus de la moitié jusqu’en 2022. Cela signifie soit qu’on les découvre effectivement tous tardivement, soit que ces 50 % représentent en réalité 20 à 30 % d’un nombre encore plus important de patients qui ne sont pas connus. Notre taux de patients dépistés à un stade sida est tellement élevé que cela signifie qu’il y a un réservoir qui s’ignore. Ce sont eux que l’on veut découvrir. » Fin octobre et début novembre, les professionnels de santé de l’hôpital de proximité de Saint-Georges ont donc mené une opération de dépistage massif dans ces quartiers, ainsi que dans trois autres secteurs de la ville.
Pendant une semaine, des médecins, infirmiers et sages-femmes de l’hôpital de proximité et leurs collègues de l’hôpital de Cayenne, des infirmières municipales d’Oiapoque, des élèves infirmières de l’école Mère Teresa d’Oiapoque, des médiateurs et des travailleurs sociaux se sont installés à Infrearo, Areia Branca et Nova Conquista. Ils ont frappé à toutes les portes pour proposer un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) du VIH et de la syphilis, mais aussi pour sensibiliser aux cancers du sein et du col de l’utérus. Ils ont distribué des paniers alimentaires, financés par la Bolsa Familia, programme de lutte contre la faim réintroduit en 2023 au Brésil. En cas de résultats positifs au Trod, les habitants étaient orientés vers trois points fixes, où ils étaient également testés contre les hépatites B et C.
Au total, 829 personnes ont été dépistées. Parmi elles, 14 Trod syphilis sont revenus positifs ainsi que 6 Trod VIH dont quatre étaient des découvertes. Le Dr Céline Michaud, infectiologue du pôle CDPS – hôpitaux de proximité, présentera les résultats en détails mardi, lors de la Semaine de la santé transfrontalière.
Davantage de PVVIH suivis à Oiapoque
Aujourd’hui, les habitants d’Oiapoque vivant avec le VIH sont pris en charge à Saint-Georges ou Oiapoque. Dans le cadre du projet Oyapock coopération santé (OCS), l’hôpital de proximité suit les femmes enceintes et les enfants séropositifs ainsi que les patients au stade sida. Les personnes vivant avec un VIH (PVVIH) stabilisé sont suivies à Oiapoque, par le dispositif Première Ligne (Primerai Linha), avec les mêmes traitements qu’à Saint-Georges (lire la Lettre pro du 8 avril 2022).
En 2023, environ 70 PVVIH ont été vues au moins une fois à Saint-Georges ; à Oiapoque, la file active du système de santé municipal est de 110 PVVIH, dont une partie étaient suivies auparavant côté français. D’autres progrès sont notables : l’an dernier, pour la première fois, le nombre de découverte au stade sida est passée sous les 50 % dans la vallée de l’Oyapock. Ce devrait être également le cas cette année.
passer une petite annonce
passer une annonce de covoiturage
passer une annonce d’emploi
associations, postez vos actualités
participez au courrier des lecteurs
Lancements 2022
Vol 259 Ariane 5