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Infos citoyennes

27/08/24
L’équipe de soins palliatifs pédiatriques, pour « ajouter de la vie aux jours »

L’équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP) a été créée il y a un an. Financée par l’ARS et dotée d’un médecin, d’une infirmière puéricultrice et d’une psychologue, elle a accompagné les professionnels de santé dans la prise en charge de plusieurs dizaines d’enfants, en majorité atteints de pathologies graves ou limitant leur vie.

« Ajouter de la vie aux jours quand on ne peut plus donner de jours à la vie. » C’est ainsi que les professionnels des soins palliatifs ont coutume de définir leur mission. Depuis juillet 2023, le Dr Benjamin Faivre, pédiatre, coordonne l’équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques créée officiellement deux mois plus tard. Il s’agit de la deuxième ERRSPP dans les Outre-mer après La Réunion. « Depuis sa création en 2008, l’équipe de soins palliatifs adultes assurait les soins palliatifs pédiatriques de front, sans moyens dédiés. À notre initiative avec le Dr François Coisne, nous avons sollicité et obtenu des financements de l’ARS », relate le pédiatre.

Une majorité d’enfants orientés par la réanimation néonatale

Une psychologue, Mélanie Freitas, et une infirmière puéricultrice, Mylène Fleurant, sont recrutées. Le Dr Faivre, qui a une activité clinique au sein du service pédiatrie de l’hôpital de Cayenne, se consacre à mi-temps à l’équipe. Un second pédiatre et une médiatrice les rejoindront dans les prochaines semaines à mi-temps, tandis qu’un psychomotricien est en cours de recrutement. L’équipe intervient tant dans les hôpitaux publics et privés ainsi que dans les établissements et services médico-sociaux comme l’institut d’éducation motrice (IEM) de Roura (PEP973), l’institut médico-éducatif Yepi Kaz (Apajh, Rémire-Montjoly), les appartements de coordination thérapeutique (ACT, groupe SOS Solidarités) ou au domicile des jeunes patients. Depuis sa création, l’équipe a accompagné entre 50 et 100 enfants et leurs parents. Environ la moitié des patients étaient orientés par le service de réanimation néonatale, dans un contexte d’extrême prématurité et de risque de polyhandicap. Par ailleurs, 15 à 20% souffraient de cancer et les derniers de diverses autres maladies.

« Notre objectif est de permettre l’acculturation à la démarche de soins palliatifs », souligne le Dr Faivre dont le rôle, au quotidien, est principalement consultatif, notamment en matière  de conseil  thérapeutique. Mylène Fleurant, l’infirmière puéricultrice, apporte ses conseils et son expertise aux équipes de soins ; Mélanie Freitas, la psychologue, propose un soutien psychologique aux familles et aux équipes soignantes.

Plan d’activités, discussions éthiques, diagnostic anténatal…

L’équipe répond aux urgences et établit le plan des activités de la semaine des patients hospitalisés. Elle participe aux discussions éthiques et aux procédures collégiales avec les médecins référents du patient ; aux réunions de diagnostic anténatal ; ou aux réunions du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN). « Nous assistons parfois aux entretiens d’annonce, et nous intervenons également à la maternité pour les cas les plus complexes », explique l’équipe. L’accompagnement psychologique des familles consiste également en un suivi de deuil, « pour une durée qui sera variable selon les personnes (…) Les équipes soignantes nous sollicitent pour l’accompagnement des familles. Elles peuvent aussi se sentir en difficulté.  Nous leur proposons donc un groupe d’échanges une fois par mois, pour les professionnels médicaux et paramédicaux, et également pour l’équipe de nuit, notamment en réanimation néonatale. »

Dans le cadre de sa mission régionale, l’équipe réalise des visites à domicile, coordonne le retour de l’enfant en soins palliatifs dans sa commune, intervient dans les écoles lorsqu’un enfant en situation de soin palliatif y est accueilli. « Nous intervenons bien avant la proximité d’un décès, dans le milieu de vie de l’enfant, à domicile, à l’école, à l’hôpital. » En juin, l’équipe s’est également rendue à Papaïchton pour rencontrer plusieurs enfants, leurs familles, et l’équipe soignante du CDPS, pour échanger autour de la démarche palliative. En effet, l’équipe participe à la formation des soignants au niveau du CHC mais également au plan régional.

Des projets pour les prochaines années

Outre les prochains recrutements, l’équipe a plusieurs projets pour l’année à venir : la création de groupes de parole avec les fratries ; le développement de la médiation par l’animal; un projet photographique autour du deuil périnatal en coordination avec le service de gynécologie ; une étude sur les spécificités des soins palliatifs pédiatriques en Guyane, la collaboration avec les institutions scolaires sur la prise en soins palliatifs d’enfants scolarisés. L’ERRSPP souhaite aussi poursuivre la formation qu’elle propose, avec le réseau Périnat, aux soignants de l’hôpital, dans le cadre du développement professionnel continu (DPC). Car « quand on prend un patient en soins palliatifs, ça nous traverse dans notre vie personnelle et professionnelle ; ça réveille des traumas. Il faut être capable d’en parler, d’en discuter. »

Une échelle pour guider les professionnels

« Beaucoup de professionnels associent les soins palliatifs à la mort mais l’objectif est d’intervenir bien avant la proximité du décès », souligne le Dr Faivre. Or en Guyane, « la démographie médicale fait que nous n’avons pas la même formation aux soins palliatifs ». Le pédiatre insiste donc sur l’importance du repérage précoce des enfants requérant des soins palliatifs. « Cela limitera l’invasivité, les durées d’hospitalisation et l’obstination déraisonnable ».

Pour aider les professionnels de santé et du médico-social dans leur questionnement, l’ERRSPP de Nouvelle-Aquitaine et la Société française de soins palliatifs pédiatriques ont créé l’échelle Pallia Ped 10. « Elle leur permettra de mieux identifier le moment où le recours à une équipe de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP ou EMSPP) devient nécessaire. »

Une application pour les infirmiers libéraux

Cette échelle est à utiliser en situation d’incertitude, quand l’élaboration d’un projet de soins apparaît complexe ou quand le professionnel pense que l’enfant peut décéder dans l’année. Elle se construit à partir de dix questions (nature de la maladie, facteurs pronostiques péjoratifs, maladie évolutive, persistance de symptômes non soulagés, demande de l’enfant ou de son entourage, facteurs de vulnérabilité psychiques et/ou sociaux, questionnements, divergences, interrogations du professionnel). A partir de trois réponses positives, le recours à une équipe de soins palliatifs est approprié.

Une autre application a été créée plus spécialement pour les infirmiers libéraux : Appl’Idel-SP accompagne l’évaluation des symptômes de fin de vie à domicile.

« Des enfants ont surpris tout le monde »

Il y a sept ans, une tumeur maligne du tronc cérébral est diagnostiquée chez un enfant de 1 an. Il entre dans une prise en soins palliatifs. « Aujourd’hui, il a 8 ans. C’est le patient qui m’a le plus appris dans ma carrière », témoigne le Dr Benjamin Faivre. D’autres situations ont été riches d’enseignement pour l’ERRSPP. Certaines seront présentées au prochain congrès de soins palliatifs pédiatriques, en octobre 2024. 

« Le discours médical a ancré la certitude du décès pour un enfant qui, avec un investissement familial, réussit pourtant à améliorer certains symptômes, à tromper la certitude scientifique de la médecine, constate-t-il. Heureusement parfois la médecine se trompe, ce qui permet à la famille d’investir d’autres champs de pensée, d’autres spiritualités, d’enrichir la prise en charge avec les apports possibles des tradipraticiens. Cet enfant s’est accroché avec ses parents. Cela m’a appris à faire attention au discours que nous avons en tant que médecin sur la certitude. Au contraire, il faut amener cette incertitude dans le discours. Certes, on ne va pas chez le médecin pour l’entendre dire « Je ne sais pas. » Mais parfois, ce « Je ne sais pas, je ne suis pas certain que… » peut ouvrir la pensée. Si on dit à une famille que dans une semaine, son enfant sera mort, ça sidère, ça bloque les projets, ça ne permet pas de se saisir de la vie sous ses différentes formes. »

« On sait qu’il y a des situations où y a des enfants qui ont surpris tout le monde à de nombreuses reprises (…) Notre rôle est de rappeler la dimension d’’incertitude. Dans notre formation, on nous apprend à réfléchir en termes de certitudes, de statistiques, durée de vie, pourcentage de risque de décès. La certitude de la mort bloque la psyché, bloque les projets. L’enfant nous met face à une incertitude, qui comme pour tout individu, fait partie de son développement individuel. Le but est de la faire vivre dans la tête des enfants, dans la tête des parents et dans la tête des soignants. »

«Confronter les soins palliatifs à la réalité de l’interculturalité

En octobre, le Dr Faivre interviendra aux 5eme Rencontres de soins palliatifs pédiatriques. Ses présentations traiteront de l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation en institut médico-social et de l’application de la législation française en termes de soins palliatifs pédiatriques en territoire français d’Amérique. « La pratique de la démarche palliative, dans un contexte éloigné des repères législatifs hexagonaux, représente une certaine complexité, constate-t-il (…) Des arguments non médicaux (socio-économiques et culturels), directement liés à ces réalités territoriales, interfèrent dans les décisions de projets de soin, notamment ceux impliquant un départ en hexagone (…) Nous nous confrontons également à la réalité de l’interculturalité en Guyane. En effet, il y existe des représentations et croyances médicales fortes et ancrées, transmises de génération en génération.  Nous y voyons un défi pour la médecine moderne, avec des observances thérapeutiques rendues parfois difficiles et une efficacité relative de la médecine sur certaines pathologies, laissant la place à des médecines traditionnelles et des tradipraticiens. Ces croyances touchent également à la fin de vie. L’application des principes éthiques portés par la loi Claeys-Leonetti trouve ses limites en Guyane. »

L’équipe de soins palliatifs pédiatriques travaille ainsi en relations étroites avec l’aumônier de l’hôpital. Dans les prochaines semaines, elle sera renforcée par un médiateur. « Le but est de s’adapter, d’éviter les conflits de valeurs. Dans certaines communautés, par exemple, les parents ne sont pas les principaux décisionnaires. Il est donc important d’avoir une équipe qui connaisse ces spécificités. »

 

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