Le réseau Diabète Amazonie métabolisme a été créé en 2019, dans le cadre de l’incitation à une prise en charge partagée (Ipep), lancée par le ministère de la Santé et l’Assurance maladie. Le but était de favoriser la prise en charge coordonnée des patients diabétiques par les professionnels de santé de ville et de l’hôpital de Cayenne. En juin, le dispositif sera évalué. En cas de succès, il rentrera dans le droit commun et la Guyane aura servi d’exemple pour toute la France.
Il y a cinq ans, le ministère de la Santé et l’Assurance maladie lançaient l’expérimentation Ipep : incitation à une prise en charge partagée. Le principe était qu’un groupement de professionnels de santé volontaires se constitue sur un territoire et définisse des actions à mettre en œuvre au service de leur patientèle, afin d’améliorer notamment l’accès aux soins, la coordination des prises en charge – en particulier ville-hôpital, la pertinence des prescriptions médicamenteuses ainsi que la prévention. Selon les résultats des différents indicateurs et sur la base des gains d’efficience générés, ce groupement pourra être intéressé financièrement, dans le cadre d’une expérimentation article 51.
Vingt-neuf groupements ont été sélectionnés, dont deux en Outre-mer, à La Réunion et en Guyane. Chez nous, il s’agit du réseau Diabète Amazonie métabolisme (Diam), constitué sous forme de société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa). Quatre ans après son démarrage, l’heure de l’évaluation arrive pour le réseau Diam. Trois possibilités se présentent : la fin du dispositif, son entrée dans le droit commun ou une prolongation de l’expérimentation avant son entrée dans le droit commun. « Si c’est le cas, la Guyane aura servi d’exemple pour le national », s’enthousiasmait le Pr Nadia Sabbah, cheffe de service d’endocrino-diabétologie à l’hôpital de Cayenne, lors du Séminaire sur l’innovation en santé, le 18 avril à l’Université de Guyane.
Plusieurs indicateurs ont été débattus avec la direction générale de l’offre de soins (DGOS) : diminuer les passages inutiles aux urgences, c’est-à-dire non suivis d’hospitalisation, augmenter le nombre d’hospitalisations en entrées directes dans le service de diabétologie, diminuer le nombre de réhospitalisations. « Pour ces trois indicateurs, nous nous somme améliorés depuis le début de l’expérimentation et nous sommes meilleurs que les moyennes nationales », souligne le Pr Sabbah. D’ailleurs, nous avons reçu tous les ans le maximum de l’intéressement auquel nous pouvions prétendre. » Un seul indicateur ne s’est pas amélioré : le nombre de patients déclarant un médecin traitant, le réseau Diam souffrant des mêmes difficultés que la Guyane dans son ensemble, même si le ratio s’est légèrement amélioré grâce au dispositif mis en place par la CGSS
Le Pr Sabbah espère que l’expérimentation aura convaincu de son intérêt. « Nous ne pouvons plus fonctionner de manière cloisonnée comme il y a vingt ans. La ville peut venir un peu à l’hôpital et l’hôpital peut aller en ville. Cela permet de varier sa pratique, de se connaître. Au lieu d’envoyer son patient aux urgences, le professionnel de ville nous sollicite. Nous prenons les patients en entrée directe, ce qui nous permet de prévoir les lits. Et s’il y a une urgence, on sait que le patient va arriver, on peut anticiper. Enfin, en répondant aux avis des médecins, on peut débloquer des situations où le patient aurait été envoyé aux urgences. »
« Le réseau simplifie beaucoup de choses »
Avec une prévalence de 11,6 % en moyenne, touchant en majorité des femmes, des patients plus jeunes et souffrant d’autres pathologies métaboliques, le diabète est un problème de santé publique majeur en Guyane. Le réseau Diam s’est donné pour objectif d’améliorer la prise en charge en coordonnant la ville et l’hôpital, en favorisant la formation et la prévention, et en améliorant les conditions de travail des soignants. Les financements obtenus dans le cadre de cette expérimentation permettent de financer un poste de coordinateur – il s’agit de Vérélène Alcide – et deux temps partiels de diététicien et d’éducateur en activité physique adaptée (APA).
Le réseau Diam a bénéficié du déploiement de la messagerie Globule par le GCS Guyasis. Aujourd’hui, plus de 2 000 dossiers patients y sont intégrés et l’outil permet de gérer les demandes de rendez-vous, de signaler des urgences, de solliciter des avis auprès des spécialistes, de signaler des problèmes sur une ordonnance. « Cela simplifie beaucoup de choses, constate Vérélène Alcide. Pour le patient, c’était très chronophage de devoir retourner à l’hôpital pour faire refaire une ordonnance. En pratique, il n’y allait pas. »
« Avec Globule, on arrive à régler des problèmes à domicile comme des hyperglycémies ou des déséquilibres glycémiques avec signes associés, sans que l’Idel n’ait besoin d’envoyer le patient aux urgences, poursuit-elle. Cela peut aussi permettre de temporiser avant d’accueillir le patient en diabétologie. » Au sein du service, le praticien de garde répond aux professionnels et peut organiser des prises en charge en urgence.
Le réseau Diam a aussi développé une importante activité de prévention, en participant à des villages santé, à des marches, souvent à côté des associations de patients et de Diabète Guyane obésité (DGO). Vérélène Alcide coordonne le DU de diabétologie, avec Darielle Moreau. Enfin, l’outil Globule a permis de collecter – avec l’accord des patients – un volume considérable de données, qui a favorisé la recherche en diabétologie sur le territoire (lire la Lettre pro du 9 février 2022).
Pour Vérélène Alcide, un des grands progrès de ces dernières années aura été que « désormais, le diabète est bien identifié comme un problème de santé par le grand public. Nous sommes sollicités pour intervenir sur de nombreuses manifestations. Cela n’aurait peut-être pas été possible sans le réseau et ses financements. Cela a facilité les échanges entre professionnels de ville et de l’hôpital. Et comme nous avons été le réseau pilote pour l’utilisation de Globule, nous sommes aussi sollicités pour le présenter. »
Plus de 100 professionnels de santé libéraux dans Diam
« J’avais présenté un projet de filière coordonnée à l’ARS, en 2018. En 2019, Clara de Bort (alors directrice générale) me signale l’appel à projets Ipep et me dit que cela pourrait correspondre. J’ai envoyé le projet, qui a été retenu. » Le Pr Sabbah s’oriente vers la création d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) « pour éviter l’hospitalo-centrisme. Sans quoi, les médecins de ville ne nous auraient pas suivis. La Sisa permettait aussi d’aller plus vite d’un point de vue administratif et le président de l’Ordre, le Dr Félix N’Gomba, l’a rejointe comme membre du bureau avec Johann Fonck, coordonnateur territorial général des paramédicaux, et Yann Cirera, coordonnateur infirmier zone Cayenne.
Le démarrage se fait dans des conditions cahotiques puisque le réseau Diam n’a que quelques semaines d’existence quand survient la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. « Le Pr Sabbah avait réuni une vingtaine de médecins et une vingtaine d’infirmiers. Les inclusions démarraient tout juste sur Globule », se souvient Vérélène Alcide, coordinatrice du réseau. Les formations et les inclusions de patients se sont poursuivies malgré tout.
Aujourd’hui, plus de 100 professionnels de santé libéraux – 60 infirmiers, 43 médecins libéraux, 8 pharmacies, 3 sages-femmes, 3 cardiologues, 1 néphrologue, 3 opthalmologues, 1 gynécologue, des podologues – sont membres de Diam, qu’il est toujours possible de rejoindre. « Nous avons des infirmiers partout sur le territoire et des médecins partout où il y en a, se réjouit le Pr Sabbah. La seule chose que nous leur demandons, c’est de se former. » Cela peut se faire en participant au DU de diabétologie à l’Université de Guyane, ou en suivant d’autres formations pour lesquelles le réseau Diam participe aux frais.
Rencontre autour du diabète jeudi à Kourou
Le Pr Nadia Sabbah, cheffe de service de diabéto-endocrinologie à l’hôpital de Cayenne, Vérélène Alcide, coordinatrice du réseau Diam, et la CPTS centre-littoral proposent une soirée sensibilisation et d’information sur la prise en charge des patients atteints de diabète, d’obésité et d’autres pathologies métaboliques, réservée aux professionnels de santé. Elle se déroule jeudi, à 19h30, au pôle culturel de Kourou.
« Nous allons présenter la filière diabétologie, la filière obésité et le réseau Diam », détaille Vérélène Alcide. « Ce sera aussi l’occasion de présenter l’hôpital de jour que nous avons au CHK avec le Dr Jean-François Lienne (lire la Lettre pro du 30 septembre 2022), https://www.guyane.ars.sante.fr/media/100111/download?inline ainsi que les outils que nous avons à disposition comme la messagerie Globule, poursuit le Pr Sabbah. Le but est de montrer aux professionnels de santé ce qui est à leur disposition en matière de prise en charge du diabète et de l’obésité. »
La soirée se conclura par un buffet dînatoire. Il est recommandé de s’inscrire.
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