En 2050, le nombre des plus de 65 ans aura été multiplié par six par rapport à 2018. Nous sommes le territoire où leur nombre augmente le plus vite. Or leur état de santé est moins favorable, avec une entrée en dépendance précoce, une grande prévalence des maladies cardioneurovasculaires et leurs complications. Le tout dans un contexte de manque de professionnels de santé, même si certaines prises en charge s’améliorent.
Avec la moitié de la population ayant moins de 25 ans, on oublie souvent que la Guyane est aussi le territoire, hors Mayotte, où le nombre de personnes âgées augmente le plus vite : le nombre des plus de 65 ans a augmenté de 6,7 % en moyenne chaque année, entre 2013 et 2018. Cette année-là, ils étaient environ 15 000 et représentaient un peu moins d’un Guyanais sur vingt (5,5 %). En 2050, leur nombre aura sextuplé. Ils seront plus de 90 000. Parmi les 513 000 Guyanais estimés à cette date, plus d’un sur six (17,9 %) aura plus de 65 ans. Cette tendance a conduit les professionnels de l’Observatoire régional de la santé de Guyane, de l’Université de Toulouse et de l’Ehpad de Saint-Laurent du Maroni à s’intéresser à hausse sans précédent du nombre de nos gangan, à dresser un état des lieux et à poser les enjeux pour le système de santé. Leurs travaux font l’objet d’une publication dans la revue Santé publique.
Vieillissement accéléré, entrée en dépendance précoce, besoin de professionnels de santé
« Notre étude, première synthèse des connaissances sur cette question, met en évidence quatre principaux résultats, soulignent les auteurs :
A 65 ans, une espérance de vie proche de l’Hexagone
En 2019, l’espérance de vie des Guyanais à la naissance est inférieure de trois ans à la moyenne nationale chez les hommes et de deux ans chez les femmes, en raison du poids de la mortalité prématurée (avant 65 ans, lire la Lettre pro du 30 août 2022).
L’espérance de vie à 65 ans est en revanche beaucoup plus proche de la moyenne de l’Hexagone :
« Comparativement aux autres Drom, l’espérance de vie à 65 ans des femmes guyanaises est supérieure d’un an à celle de La Réunion et comparable à celle de leurs homologues martiniquaises, mais moins bonne que celle des guadeloupéennes (24,4 ans). L’espérance de vie à 65 ans des guyanais est moins bonne que celle de leurs homologues des Antilles et de La Réunion (entre 19,1 ans et 19,8 ans) », relèvent les auteurs.
Ils notent aussi qu’un quart des plus de de 60 ans et plus vivent seuls à domicile. C’est moins qu’ailleurs. Le recours à l’institutionnalisation est également plus faible : 1,5 % des plus de 60 ans vivent en institution contre 4,4 % dans l’Hexagone. En revanche, ils sont plus nombreux à déclarer recevoir une aide de leur entourage (près d’un tiers). « Malgré ces solidarités familiales, les personnes âgées restent exposées à la précarité financière. En 2017, en Guyane, un tiers des personnes âgées de 65 ans et plus vivent en dessous du seuil de pauvreté contre quatre fois moins en France hexagonale (7,6 %), et un taux de pauvreté des 65 ans et plus dans la moyenne de celui des autres Drom (entre 27 % et 47 %). »
En 2030, près de 3 000 plus de 60 ans en perte d’autonomie
« Malgré l’augmentation de l’espérance de vie, la santé perçue par les personnes âgées est plus dégradée dans les DROM qu’en France hexagonale. En effet, c’est en Guyane et à La Réunion que les personnes âgées sont plus nombreuses à déclarer être en « très mauvais état de santé » ou « limitées dans leurs activités quotidiennes ». En effet, 21 % des 55 ans ou plus en Guyane déclarent avoir rencontré des difficultés sévères pour marcher 500 mètres, contre deux fois moins en métropole (10 %), et entre 19 % et 39 % dans les autres DROM (y compris Mayotte). La perte d’autonomie concernait 900 personnes âgées de 60 ans et plus en 2007, et d’ici 2030 ce chiffre devrait tripler.
Les pathologies les plus prises en charge sont les maladies cardiovasculaires hypertensives en premier lieu, puis le diabète et l’hypercholestérolémie ; 12 % des plus de 65 ans souffrent d’hypertension, 5,7 % de diabète. En revanche, ils déclarent moins de difficultés psychiatriques et une moindre consommation de substances psychoactives. En 2018, 382 étaient pris en charge pour la maladie d’Alzheimer ou syndromes apparentés. « Ce chiffre peut paraître dérisoire à l’échelle de la Guyane. Ce chiffre est très sous-évalué car le diagnostic des maladies de la mémoire n’en est qu’à son balbutiement en Guyane. Il n’y a qu’une seule consultation mémoire en Guyane. Elle se trouve à Cayenne. Et les tests validés utilisés dans l’Hexagone ne sont absolument pas adaptés au multiculturalisme et au multilinguisme de la Guyane en général et de l’Ouest en particulier », précise le Dr Olivier Angénieux, médecin de l’Ehpad de Saint-Laurent du Maroni.
Les auteurs s’intéressent également aux causes de décès des plus âgés : « Les maladies cardiovasculaires (telles que les maladies hypertensives, l’insuffisance cardiaque, les maladies cérébrovasculaires, les cardiopathies ischémiques) et les tumeurs (essentiellement de la prostate, du poumon, du foie et du pancréas pour les hommes et des hémopathies malignes, du sein, de l’utérus et de l’intestin pour les femmes) représentent les deux principales causes de décès chez les 65 ans et plus. Mais on observe deux spécificités pour la Guyane : les décès attribuables aux maladies endocriniennes et du métabolisme, notamment le diabète, qui sont deux fois plus élevés dans les DROM qu’en France hexagonale avec une prédominance féminine. Comparativement à la France hexagonale, dans les DROM et encore plus en Guyane, les symptômes, signes et résultats d’examens anormaux cliniques et de laboratoire, non classés ailleurs, qui correspondent à des états morbides mal définis et inconnus, occupent une place importante, ce qui pourrait sous-estimer les autres causes de décès. »
Face à ces tendances, les auteurs partagent les constats du manque de professionnels de santé, notamment en ville. Si l’offre d’aide à domicile va se renforcer cette année avec la création des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) dans les Savanes et le littoral ouest, « les personnes âgées (…) ne sollicitent pas toujours cette aide ».
« Apporter une vigilance toute particulière aux maladies neurodégénératives »
« Une vigilance toute particulière doit être apportée aux maladies neurodégénératives, notamment la maladie d’Alzheimer, qui est l’une des principales causes de dépendance avec les accidents vasculaires cérébraux (AVC), et qui vont fragiliser le maintien à domicile des personnes âgées. En effet, comme la population vieillit, il y aura de plus en plus de maladies neurodégénératives, notamment de démences vasculaires, du fait de la forte prévalence des maladies cardioneurovasculaires et des séquelles de ces maladies, en particulier celles de l’AVC. Le sous-diagnostic de ces pathologies, en amont, va entraîner une progression plus rapide des personnes âgées vers la dépendance. Et cela du fait de la non-correction des facteurs de risques de perte d’autonomie et de la non-prescription de prise en charge en rééducation fonctionnelle (de kinésithérapie, d’ergothérapie) et de la non-rééducation des fonctions sensorielles (auditives, visuelles). »
Les auteurs formulent d’autres suggestions :
Et de conclure qu’en « Guyane, il faut aujourd’hui repenser l’offre sanitaire et médico-sociale pour faire face à ce vieillissement dont on sait que les standards actuels des politiques publiques accordent une priorité au maintien à domicile. Les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience de l’enjeu, en témoigne le Projet Régional de la Santé 2 (PRS 2) Martinique et un rapport parlementaire du grand âge dans les Outre-mer. Le renforcement de l’accompagnement médico-social, le développement de parcours de vie, notamment pour les personnes âgées, sont inscrites comme prioritaires dans le PRS 2 de l’ARS Guyane. » Outre la création des deux Ssiad des Savanes et du littoral ouest, la construction d’Ehpad à Kourou puis à Saint-Georges et Maripasoula, vont contribuer à renforcer l’offre pour les personnes âgées
In 2050, the number of people over 65 will have multiplied by six compared to 2018. We are the territory where their number is increasing the fastest. However, their state of health is less favourable, with an early onset of dependency, a high prevalence of cardio-neurovascular diseases and their complications. All in a context of lack of health professionals, even if some care is improving.
With half of the population under the age of 25, we often forget that Guyana is also the territory, excluding Mayotte, where the number of elderly people is increasing the fastest: the number of people over 65 has increased by 6, 7% on average each year, between 2013 and 2018. That year, they were around 15,000 and represented just under one in twenty Guyanese (5.5%). By 2050, their number will have increased sixfold. They will be more than 90 000. Among the 513,000 Guyanese estimated at this date, more than one in six (17.9%) will be over 65 years old. This trend has led professionals from the Regional Health Observatory of Guyana, the University of Toulouse and the Saint-Laurent du Maroni nursing home to take an interest in the unprecedented increase in the number of our gangan, to draw up an inventory and to pose the challenges for the health system. ">publication in the journal Public Health.
Accelerated aging, early dependency, need for health professionals
Our study, the first synthesis of knowledge on this question, highlights four main results, underline the authors:
At 65, a life expectancy close to that of France
In 2019, the life expectancy of Guyanese at birth is three years lower than the national average for men and two years for women, due to the burden of premature mortality (avant 65 ans, lire la Lettre pro du 30 août 2022).
Life expectancy at age 65, on the other hand, is much closer to the French average:
"Compared to other Droms, the life expectancy at age 65 of Guyanese women is one year higher than that of Reunion and comparable to that of their Martinican counterparts, but worse than that of Guadeloupe (24.4 years) . Life expectancy at age 65 for Guyanese is worse than that of their counterparts in the West Indies and Reunion (between 19.1 and 19.8 years)", note the authors.
They also note that a quarter of those over 60 and over live alone at home. It is less than elsewhere. Recourse to institutionalization is also lower: 1.5% of those over 60 live in an institution compared to 4.4% in France. On the other hand, they are more likely to report receiving help from those around them (nearly a third). “Despite this family solidarity, the elderly remain exposed to financial precariousness. In 2017, in Guyana, a third of people aged 65 and over lived below the poverty line compared to four times less in mainland France (7.6%), and a poverty rate for people aged 65 and over was on average that of other Droms (between 27% and 47%). »
In 2030, nearly 3,000 over 60s with a loss of autonomy
“Despite the increase in life expectancy, the health perceived by the elderly is more degraded in the DROMs than in mainland France. Indeed, it is in Guyana and Reunion that older people are more likely to report being in “very poor state of health” or “limited in their daily activities”. Indeed, 21% of people aged 55 or over in Guyana say they have encountered severe difficulties in walking 500 meters, compared to half as many in mainland France (10%), and between 19% and 39% in the other DROMs (including Mayotte) . The loss of autonomy affected 900 people aged 60 and over in 2007, and by 2030 this figure is expected to triple.
The most treated pathologies are hypertensive cardiovascular diseases in the first place, then diabetes and hypercholesterolemia; 12% of people over 65 suffer from hypertension, 5.7% from diabetes. On the other hand, they declare less psychiatric difficulties and less consumption of psychoactive substances. In 2018, 382 were treated for Alzheimer's disease or related syndromes. “This figure may seem derisory on the scale of Guyana. This figure is very underestimated because the diagnosis of memory diseases is only in its infancy in Guyana. There is only one memory consultation in Guyana. It is located in Cayenne. And the validated tests used in France are absolutely not adapted to the multiculturalism and multilingualism of Guyana in general and the West in particular, "says Dr Olivier Angénieux, doctor at the Saint-Laurent du Maroni nursing home. .
The authors are also interested in the causes of death of the oldest: "Cardiovascular diseases (such as hypertensive diseases, heart failure, cerebrovascular diseases, ischemic heart disease) and tumors (mainly of the prostate, lung, liver and pancreas for men and haematological malignancies, breast, uterus and intestine for women) represent the two main causes of death among people aged 65 and over. But we observe two specificities for Guyana: deaths attributable to endocrine and metabolic diseases, in particular diabetes, which are twice as high in the DROMs as in mainland France with a female predominance. Compared to mainland France, in the DROMs and even more so in Guyana, the symptoms, signs and results of abnormal clinical and laboratory examinations, not classified elsewhere, which correspond to ill-defined and unknown morbid states, occupy an important place, which may underestimate other causes of death. »
Faced with these trends, the authors share the findings of the lack of health professionals, especially in cities. If the offer of home help will be strengthened this year with the creation of home nursing services (Ssiad) in the Savannahs and the west coast, "the elderly (…) do not always seek this help".
"Bring special vigilance to neurodegenerative diseases"
"Special vigilance must be given to neurodegenerative diseases, in particular Alzheimer's disease, which is one of the main causes of dependence with cerebrovascular accidents (CVA), and which will weaken the ability to stay at home for the elderly. Indeed, as the population ages, there will be more and more neurodegenerative diseases, in particular vascular dementia, due to the high pre
valence of cardioneurovascular diseases and the sequelae of these diseases, in particular those of stroke. The under-diagnosis of these pathologies, upstream, will lead to a more rapid progression of the elderly towards dependence. And this because of the non-correction of the risk factors of loss of autonomy and the non-prescription of support in functional rehabilitation (physiotherapy, occupational therapy) and the non-rehabilitation of sensory functions (auditory , visual). »
The authors make other suggestions:
And to conclude that in “Guyana, we must now rethink the health and medico-social offer to deal with this aging, which we know that the current standards of public policies give priority to home care. The public authorities seem to have become aware of the challenge, as evidenced by the Regional Health Project 2 (PRS 2) Martinique and a parliamentary report on old age in the Overseas Territories. The strengthening of medico-social support, the development of life courses, in particular for the elderly, are listed as priorities in the PRS 2 of ARS Guyana. In addition to the creation of the two Ssiad des Savanes and the west coast, the construction of Ehpad in Kourou then in Saint-Georges and Maripasoula, will contribute to strengthening the offer for the elderly
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