Depuis 2008, neuf patients ont été admis en réanimation après avoir contracté ce virus transmis par l’urine d’un rongeur encore non identifié. Cinq sont décédés. Il y a déjà eu deux cas cette année.
Il fait partie des virus candidats à la transmission entre espèces dont un article retentissant de Nature, la semaine dernière, annonçait qu’ils vont se multiplier dans les prochaines années sous l’effet des bouleversements environnementaux (lire la Lettre pro de vendredi).L’hantavirus est aussi rare – neuf patients admis en réanimation à l’hôpital de Cayenne depuis 2008 – que sévère – cinq sont décédés. Depuis le début de l’année, le service du Pr Hatem Kallel en a déjà reçu deux, dont la dernière, le mois dernier, est décédée. « C’est un virus émergent qui reste rare mais dont les signes cliniques sont extrêmement sévères », confirme Séverine Mathéus, virologue à l’Institut Pasteur en disponibilité au CHC et auteure de nombreux articles sur le sujet.
Un premier séquençage en Guyane en 2008
En 2008, l’Institut Pasteur lui demande de se pencher sur 500 prélèvements de Guyanais présentant les signes cliniques de la fièvre Q mais dont les tests se sont révélés négatifs. « On est tombés sur un prélèvement positif en sérologie puis en PCR qui permettait de poser une étiologie (trouver la cause de la maladie) sur ce patient qui présentait une atteinte pulmonaire. Il n’avait pas voyagé dans les deux mois précédents son atteinte pulmonaire. Les informations permettaient de corroborer une infection sur le département. On confirmait que les hantavirus, qui sont des virus extrêmement rares, sont présents en Guyane. A partir de là, on a mis en place tous les outils moléculaires, sérologiques, pour poursuivre cette surveillance. »
Ce premier séquençage du virus Maripa sera publié dans le Journal of Virology, en 2012. Aujourd’hui, elle poursuit ce travail de surveillance au côté d’Anne Lavergne, qui dirige le centre national de référence (CNR) hantavirus, à l’Institut Pasteur de Guyane. En 2017, elles ont cosigné, avec d’autres chercheurs guyanais, un article dans Emerging Infectious Diseases sur les cinq cas d’hantavirus identifiés entre 2008 et 2016 en Guyane.
Des hantavirus partout dans les Amériques ; une souche spécifique à la Guyane
Les hantavirus sont présents un peu partout sur la planète. Ils sont transmis par l’urine de rongeurs qui, sous l’effet de l’aérosolisation, va être inhalée. En Europe et en Asie, ils provoquent surtout des atteintes rénales et se révèlent moins sévères. Dans l’Hexagone, l’Alsace est la région la plus touchée. Dans les Amériques, on les retrouve du Canada à l’Argentine. En Amérique du Sud, seuls quatre pays n’ont pas décrit de cas : le Suriname, le Guyana, la Colombie et l’Équateur. Le séquençage réalisé par l’Institut Pasteur a révélé que la souche présente en Guyane – nommée Maripa du nom du lotissement où le premier cas a été identifié – est différente de celles qui circulent dans les pays voisins. Il y a donc encore beaucoup à apprendre.
En Guyane, une souris extrêmement rare comme principale suspecte
D’abord, on ne sait pas tout du rongeur qui le transmet. « Ce ne sont pas les rats et les souris que l’on croise en ville. On a une piste sérieuse. Un rongeur qui vit en lisière de forêt », précise Séverine Matheus. Ce rongeur, de la famille des oligoryzomis, est nommé « souris pygmée de Guyane », précise Benoît de Thoisy, vétérinaire à l’Institut Pasteur de Guyane : « Sur les neuf cas, nous avons trouvé cette espèce positive deux fois : une fois à Rémire-Montjoly et une fois à Macouria. Mais nous ne l’avons pas trouvée systématiquement et, quand on l’a capturée, elle n’a pas toujours été positive. »
Il ne sert donc à rien de suspecter les espèces communes de nos villes : le rat noir, le surmulot et la souris grise. « On passe tous les rongeurs que l’on capture à l’hantavirus. On en a testé. Aucun n’a été positif à l’hantavirus », rassure Benoît de Thoisy. Dans un article de l’American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, il présente les résultats effectués sur 418 rongeurs dont ceux en cause. Les 201 rats de Cayenne (Proechimys cayennensis) testés étaient tous négatifs.
L’espèce en cause dans deux des cas d’hantavirus vit plutôt en milieu ouvert : dans des savanes, sur des terrains défrichés. Parmi les personnes contaminées, on retrouve par exemple deux agriculteurs d’Iracoubo, une personne travaillant sur son abattis à Macouria, l’habitant d’un lotissement qui venait de sortir de terre à Rémire-Montjoly, des habitants de squats de l’Île-de-Cayenne.
Toujours des cas isolés, jamais de cluster
« Il reste beaucoup d’inconnues, poursuit Benoît de Thoisy. Cette année, c’est la première fois que nous avons des cas en saison des pluies. On n’a jamais trouvé de cluster, pas même avec deux cas. A chaque fois, c’était des cas isolés. C’est extrêmement troublant. Est-ce que le rongeur n’est positif que pendant quelques jours, par exemple ? On a le sentiment que les personnes étaient au mauvais endroit au mauvais moment. » Les analyses sur les 500 échantillons de 2008 le confirment : 7 (1,4 %) présentaient des anticorps de l’hantavirus. Ce chiffre, s’il devait s’avérer, signifierait qu’il existe des cas asymptomatiques ou pauci-symptomatiques. « On ne connaît pas non plus de cas moyennement graves », s’étonne Benoît de Thoisy, ce que confirme le Pr Hatem Kallel, chef du pôle urgences – soins critiques au CHC : « Il est possible que des cas très peu sévères passent pour des grippes ou des dengues. »
De la difficulté de comprendre une maladie extrêmement rare
Pour mieux le comprendre, Séverine Matheus pousse les investigations le plus loin possible : « J’ai beaucoup discuté avec la sœur de la patiente que nous avons reçue en mars. Je lui ai proposé une sérologie pour que l’on voie si elle avait des anticorps (IGG) et que l’on comprenne pourquoi elle avait été préservée. Pour l’heure, une infection aiguë à hantavirus n’a jamais été identifiée autour d’un cas confirmé. Mais elle a refusé. »
De même, le Pr Hatem Kallel ne peut pas dire pourquoi certains patients admis en réanimation ont évolué favorablement et d’autres sont décédés : « La maladie commence de la même manière. Les patients se présentent à l’hôpital avec le même tableau. On met les mêmes moyens. Peut-être y a-t-il un facteur lié à la charge virale mais on ne la connaît pas pour tous les patients. Ou alors un facteur génétique », suppose le réanimateur. Pour mieux comprendre, il faudrait une cohorte très importante. Pour l’instant, on fait des études observationnelles. » L’une d’elles, sur le 6e patient guyanais, a fait l’objet d’un article dans BMC Infectious Disease. « A chaque cas, on va continuer d’investiguer. C’est comme cela qu’on le connaîtra mieux », ajoute Séverine Matheus.
Des symptômes banals les premiers jours, une atteinte pulmonaire à partir du 5e et une dégradation très rapide
La recherche sur l’hantavirus est d’autant plus difficile que, dans les premiers jours, les patients présentent des symptômes tout à fait banals : toux, fièvre et douleurs abdominales. Avec un tel tableau clinique, il est difficile de penser à l’hantavirus en premier lieu. Les problèmes respiratoires surviennent à partir du 5e jour. « Dès que le syndrome respiratoire commence à s’installer, la maladie va évoluer très rapidement. L’une des patientes est arrivée à 10 heures le matin pour des douleurs abdominales. A 19 heures, elle était intubée-ventilée. Elle est décédée à 22 heures (…) C’est une des particularités de l’hantavirus de Guyane : les patients sont décédés dans les premières heures. Ceux qui ont passé la première journée s’en sont sortis. »
Pour aider les professionnels de santé, Séverine Matheus communique régulièrement sur l’hantavirus, par exemple avec les médecins et les internes du Centre Hospitalier de Cayenne. « Quand on va investiguer sur des cas, on répond aussi à beaucoup de questions. Ça contribue à rassurer. »
Cet article est issu de la Lettre pro de l’Agence régionale de santé. Vous pouvez vous y abonner en remplissant le formulaire suivant : https://forms.sbc28.com/5a8bed50b85b5350ef1cd117/t13M7zUZQi2XMq5E3DdnhQ/0WQoeDwjRXqJblCpKbLDzA/form.html
Since 2008, nine patients have been admitted to intensive care after contracting this virus transmitted through the urine of an as yet unidentified rodent. Five died. There have already been two cases this year.
It is one of the candidate viruses for transmission between species, of which a resounding article in Nature, last week, announced that they will multiply in the coming years under the effect of environmental upheavals (read Friday's Letter to the pro). hentavirus is as rare – nine patients admitted to intensive care at Cayenne hospital since 2008 – as it is severe – five have died. Since the beginning of the year, the service of Professor Hatem Kallel has already received two, the last of which, last month, died. “It is an emerging virus which remains rare but whose clinical signs are extremely severe”, confirms Séverine Mathéus, virologist at the Institut Pasteur on availability at the CHC and author of numerous articles on the subject.
A first sequencing in French Guiana in 2008
In 2008, the Institut Pasteur asked him to examine 500 samples from Guianese showing clinical signs of Q fever but whose tests turned out to be negative. “We came across a positive sample in serology and then in PCR which made it possible to establish an etiology (find the cause of the disease) on this patient who presented with lung damage. He had not traveled in the two months preceding his lung attack. The information made it possible to corroborate an infection in the department. It was confirmed that hantaviruses, which are extremely rare viruses, are present in French Guiana. From there, we put in place all the molecular and serological tools to continue this monitoring."
This first sequencing of the Maripa virus will be published in the Journal of Virology in 2012. Today, she continues this surveillance work alongside Anne Lavergne, who heads the national reference center (CNR) hantavirus, at the Institut Pastor from French Guiana. In 2017, they co-authored, with other Guyanese researchers, an article in Emerging Infectious Diseases on the five cases of hantavirus identified between 2008 and 2016 in French Guiana.
Hantaviruses all over the Americas; a strain specific to French Guiana
Hantaviruses are present almost everywhere on the planet. They are transmitted by the urine of rodents which, under the effect of aerosolization, will be inhaled. In Europe and Asia, they mainly cause kidney damage and are less severe. In France, Alsace is the most affected region. In the Americas, they are found from Canada to Argentina. In South America, only four countries have not described a case: Suriname, Guyana, Colombia and Ecuador. Sequencing carried out by the Institut Pasteur revealed that the strain present in French Guiana – named Maripa from the name of the housing estate where the first case was identified – is different from those circulating in neighboring countries. So there is still a lot to learn.
In French Guiana, an extremely rare mouse as the main suspect
First, we do not know everything about the rodent that transmits it. "It's not the rats and mice you come across in the city. We have a serious lead. A rodent that lives on the edge of the forest,” says Séverine Matheus. This rodent, from the family of oligoryzomis, is called "pygmy mouse from French Guiana", specifies Benoît de Thoisy, veterinarian at the Pasteur Institute of French Guiana: "Of the nine cases, we found this species positive twice: once once in Rémire-Montjoly and once in Macouria. But we didn't find it consistently, and when we did catch it, it wasn't always positive."
It is therefore useless to suspect the common species of our cities: the black rat, the Norway rat and the gray mouse. “We pass all the rodents that we capture to the hantavirus. We tested it. None were positive for the hantavirus,” reassures Benoît de Thoisy. In an article in the American Journal of Tropical Medicine and Hygiene, he presents the results of 418 rodents, including those in question. The 201 Cayenne rats (Proechimys cayennensis) tested were all negative.
The species involved in two of the hantavirus cases lives rather in an open environment: in savannahs, on cleared land. Among the infected people, we find for example two farmers from Iracoubo, a person working on his abattis in Macouria, the inhabitant of a housing estate which had just come out of the ground in Rémire-Montjoly, inhabitants of squats on Cayenne.
Always isolated cases, never a cluster
“There are still a lot of unknowns,” continues Benoît de Thoisy. This year is the first time we have cases in the rainy season. We never found a cluster, not even with two cases. Each time, it was isolated cases. It is extremely disturbing. Is the rodent only positive for a few days, for example? It feels like people were in the wrong place at the wrong time. The analyzes of the 500 samples from 2008 confirm this: 7 (1.4%) showed hantavirus antibodies. This figure, if true, would mean that there are asymptomatic or pauci-symptomatic cases. "We don't know of any moderately serious cases either", is surprised Benoît de Thoisy, which is confirmed by Professor Hatem Kallel, head of the emergency department - critical care at the CHC: "It is possible that very mild cases pass for flu or dengue fever. »
The difficulty of understanding an extremely rare disease
To better understand it, Séverine Matheus pushes the investigations as far as possible: “I talked a lot with the sister of the patient we received in March. I offered her a serology so that we could see if she had antibodies (IGG) and understand why she had been preserved. For the time being, an acute hantavirus infection has never been identified around a confirmed case. But she refused. »
Likewise, Professor Hatem Kallel cannot say why some patients admitted to intensive care evolved favorably and others died: “The disease begins in the same way. Patients come to the hospital with the same picture. We use the same resources. Perhaps there is a factor linked to the viral load but we do not know it for all patients. Or a genetic factor, ”assumes the resuscitator. To better understand, a very large cohort would be needed. At the moment, we are doing observational studies. One of them, on the 6th Guyanese patient, was the subject of an article in BMC Infectious Disease. “In each case, we will continue to investigate. This is how we will know him better, ”adds Séverine Matheus.
Banal symptoms the first days, lung damage from the 5th and a very rapid deterioration
Research on the hantavirus is all the more difficult because, in the first days, patients present with quite banal symptoms: cough, fever and abdominal pain. With such a clinical picture, it is difficult to think of hantavirus in the first place. Respiratory problems occur from the 5th day. “As soon as the respiratory syndrome begins to set in, the disease will progress very quickly. One of the patients arrived at 10 a.m. with abdominal pain. At 7 p.m., she was intubated and ventilated. She died at 10 p.m. (…) This is one of the particularities of the hantavirus in French Guiana: the patients died in the first hours. Those who made it through the first day got away with it."
To help health professionals, Séverine Matheus communicates regularly about the hantavirus, for example with doctors and interns at the Cayenne Hospital Center. “When we go to investigate cases, we also answer a lot of questions. It helps to reassure."
This article is from the Regional Health Agency's Newsletter. You can subscribe by filling out the following form: https://forms.sbc28.com/5a8bed50b85b5350ef1cd117/t13M7zUZQi2XMq5E3DdnhQ/0WQoeDwjRXqJblCpKbLDzA/form.html
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