Créé à la demande de l’ARS, le Centre Ressource Prévention du Suicide (CRPS) a démarré ses travaux en octobre 2020. Plateforme originale qui combine les fonctions d’observatoire, d’intervention de crise, de prévention de la récidive et d’organisation de formations, c’est un outil unique en France, porté par le pôle de psychiatrie du CHC. Ces dernières semaines, de nombreux professionnels et bénévoles de Guyane ont bénéficié de l’enseignement du Pr Monique Seguin, spécialiste québécoise de la prévention du suicide et du deuil.
La grappe de suicides et tentatives qui endeuillent, depuis le début de l’année, une commune de l’intérieur de la Guyane mobilise de nombreux acteurs pour soutenir la population et éviter que d’autres personnes ne commettent un geste suicidaire. Parmi ces intervenants, figure l’Emic. La toute jeune équipe mobile d’intervention de crise est une émanation du Centre Ressource Prévention du Suicide (CRPS), créé en octobre 2020, à la demande de l'ARS.
« La création du CRPS est partie d’une volonté de se doter d’un dispositif territorial pour venir en appui et en recours aux acteurs en santé mentale, qui interviennent de longue date sur le risque suicidaire sur notre territoire, relate le Dr Caroline Janvier, chef de pôle psychiatrie au centre hospitalier de Cayenne. Le CRPS n’a pas vocation à remplacer les intervenants et dispositifs qui existaient déjà dans les secteurs sanitaire, médico-social, associatifs et communautaires. Nous les considérons comme les experts de leur territoire. Le CRPS est là pour leur venir en appui et en recours. »
Au fil des mois, le CRPS a déployé quatre outils :
Le CRPS c’est donc « une stratégie de prévention du risque suicidaire globale et homogène des pratiques et des protocoles sur tout le territoire, conclut le Dr Janvier. Notre territoire, comme d’autres, est exposé à ce risque. Il est important d’avoir une stratégie globale, pas uniquement sanitaire, entre tous les acteurs : le sanitaire, le médico-social, les associations, le réseau des médiateurs en santé et les relais communautaires »
Deux numéros de téléphone en cas de risque suicidaire
En Guyane, deux numéros sont accessibles pour les personnes en souffrance ou leur entourage, dans le but de prévenir un geste suicidaire :
Important : ces numéros sont aussi accessibles aux professionnels (soignants, enseignants, travailleurs sociaux, employeurs…) qui craignent un risque suicidaire d’un de leurs patients, élèves, usagers, employés ou autre. Le 3114 est un nouveau numéro national, les répondants sont tous des professionnels comme le montre ce reportage : https://www.youtube.com/watch?v=eiLo-Xqrc_w
Dr Caroline Janvier : « Ce phénomène de suicides en grappe n’est pas réservé à une communauté en terme ethnique »
Début avril, la Lettre pro vous informait que plusieurs suicides et tentatives de suicide touchaient le village de Trois-Sauts, depuis février, et que de nombreux professionnels intervenaient en appui des équipes du CDPS pour prévenir le risque de contagion suicidaire. Le Dr Caroline Janvier, chef du pôle psychiatrie à l’hôpital de Cayenne, revient sur cette situation.
Le focus qui est fait actuellement sur certains suicides et certaines tentatives récentes, dans une commune de l’intérieur, masque une réalité beaucoup plus large en Guyane ?
Le focus sur ce qui se passe actuellement, sur cette série de personnes réalisant un geste suicidaire dans l’intérieur de la Guyane, ne doit pas faire oublier que les difficultés sont à envisager au niveau territorial et qu’elles existent dans toute la Guyane. A un moment, il y a une communauté qui est en situation de grande vulnérabilité et qui amène à des crises suicidaires. Il ne faut pas faire un raccourci entre une communauté et le suicide, mais entre une communauté en grande vulnérabilité, de par le contexte psycho-socio-environnemental, qui fait que certains jeunes ne trouvent plus que cette issue-là.
A-t-on identifié des événements ayant pu provoquer cette série ?
Ce sont beaucoup de jeunes déscolarisés. La période Covid a accéléré certains décrochages scolaires. Peut-être plus qu’à l’accoutumée, certains jeunes ont arrêté leur scolarisation ou se sont retrouvés sans diplôme, ne pouvant pas poursuivre, et se retrouvent extrêmement démunis pour envisager l’avenir. C’est mon hypothèse, mais il n’y a rien de vérifié. Pendant la période Covid, c’était plutôt calme. On sait qu’il y a eu de la souffrance pendant la période du Covid. On a des chiffres avec l’enquête santé mentale en population générale. Mon hypothèse, c’est qu’on est dans des souffrances en cascade : les souffrances des conséquences à plus long terme du Covid. La crise Covid a généré de la souffrance. On a eu des conséquences immédiates sur la santé mentale des Guyanais. Bien qu’on soit sortis de la crise en termes épidémiologiques, nous, professionnels de la santé mentale, on est encore dedans, avec les effets boomerangs, en particulier chez les jeunes. Je le dis avec beaucoup de prudence, mais c’est une hypothèse.
Dans cette hypothèse, ce serait une conséquence à long terme de la crise Covid…
Effectivement, pendant la crise, on était très cocoonés. Ce sont des temps où, notamment dans les communautés autochtones, on s’est beaucoup retrouvés. Maintenant, la société retrouve ses équilibres. On ne peut que faire le constat que certains de nos concitoyens restent dans les conséquences à plus long terme de ce qu’a généré la crise Covid. On peut l’évoquer pour les précaires. Ils l’étaient déjà avant la crise mais avaient des stratégies comme les jobs. Là, les précaires sont encore plus précaires. Alors qu’une large partie de la société retrouve ses modalités de fonctionnement d’avant, certains de nos concitoyens, déjà extrêmement fragilisés, n’ont pas retrouvé leur situation d’avant. Avec possiblement des effets à long terme. Comme on parle de Covid long, on pourrait parler de Covid santé mentale long. Mais je n’ai pas de chiffres, c’est une hypothèse. C’est peut-être une explication à la grappe actuelle qui touche des jeunes, en situation de déscolarisation et qui ont du mal à retrouver une place. Ils ont trop décroché pour retrouver leur place.
Sur ce cas-là, comment intervenez-vous ?
Tous les acteurs sont mobilisés pour proposer ce qu’on appelle, dans notre jargon, un programme de postvention. Ce sont des stratégies d’intervention graduées, adaptées à des individualités qu’on a repérées. Ce sont des interventions ciblées qui se concentrent sur l’accompagnement au deuil, le repérage et la prise en charge des états de stress et du psychotraumatisme. Et d’autres interventions, dites sélectives qui vont s’intéresser au repérage et à des accompagnements sur des individus qui sont moindrement impactés, non pas en crise mais en situation de vulnérabilité. Plusieurs acteurs se déplacent actuellement : des acteurs de la santé mentale, des médiateurs en santé, des animateurs, dans une approche moins psychiatrisée. Il y a de la psychiatrie. Elle va se concentrer sur des personnes en crise, des personnes qui développent des pathologies traumatiques. Mais sur cette population au cumul de vulnérabilités, il y a des accompagnements et du soutien proposés par d’autres professionnels qui ne sont pas issus du champ sanitaire. Ça peut paraître bateau mais il s’agit d’écouter et d’entendre la souffrance. Proposer une présence empathique. Qu’une personne en souffrance est en face une personne empathique, déjà on désescalade.
Avez-vous déjà été confrontés, ailleurs, à un tel phénomène de grappe de suicides ?
Oui, on l’a trouvé ailleurs et dans d’autres milieux. En milieu scolaire, par exemple, ou au sein d’une entreprise. Ce phénomène de suicides en grappe ou de contagion suicidaire est aussi interrogé et recherché dans tout milieu ou survient un tel événement. Ce n’est pas réservé à une communauté en terme ethnique.
Il y a une problématique de santé mentale des Guyanais et en particulier sur le risque suicidaire, qui est une réalité. C’est le cas dans l’intérieur et les communes isolées. Les communes du littoral ne sont pas épargnées par les souffrances psychiques, plurifactorielles, auxquelles on se doit d’apporter
Une étude sur l’autopsie psychologique
La Guyane participe, avec la Martinique, La Réunion et la Polynésie, à l’étude Autopsom, pour autopsie psychologique Outre-mer. Il s’agit de réaliser une étude systématique des conduites suicidaires en utilisant la méthode de l’autopsie psychologique. « Au décours d’un décès par suicide, on va essayer d’enquêter sur les origines sous-jacentes, détaille le Dr Caroline Janvier, cheffe du pôle psychiatrie de l’hôpital de Cayenne. On interroge l’existence d’éventuels troubles dépressifs, anxieux, de la personnalité au moment de la réalisation du geste. On va aussi interroger le parcours de vie de la personne et ce qu’on appelle le « fardeau d’adversité ». L’autopsie psychologique est réalisée auprès des personnes endeuillés, en les rencontrant à distance du geste suicidaire, généralement trois mois après. L’objectif est de voir si l’on identifie, en Guyane, des sous-groupes plus vulnérables à la réalisation d’un geste suicidaire, pour mieux cibler les mesures de prévention. »
Cet article est issu de la Lettre pro de l’Agence régionale de santé. Vous pouvez vous y abonner en remplissant le formulaire suivant : https://forms.sbc28.com/5a8bed50b85b5350ef1cd117/t13M7zUZQi2XMq5E3DdnhQ/0WQoeDwjRXqJblCpKbLDzA/form.html
Created at the request of the ARS, the Suicide Prevention Resource Center (CRPS) began its work in October 2020. An original platform that combines the functions of observatory, crisis intervention, prevention of recidivism and organization of training, it is a unique tool in France, supported by the psychiatry center of the CHC. In recent weeks, many professionals and volunteers in French Guiana have benefited from the teaching of Professor Monique Seguin, a Quebec specialist in suicide prevention and bereavement.
The cluster of suicides and attempts that have bereaved, since the beginning of the year, a town in the interior of French Guiana has mobilized many actors to support the population and prevent other people from committing a suicidal gesture. Among these stakeholders is the Emic. The very young mobile crisis intervention team is an offshoot of the Suicide Prevention Resource Center (CRPS), created in October 2020, at the request of the ARS.
“The creation of the CRPS started from a desire to acquire a territorial system to support and appeal to mental health actors, who have long been involved in the risk of suicide in our territory, relates Dr Caroline Janvier , head of the psychiatry center at the Cayenne hospital center. The CRPS is not intended to replace the stakeholders and systems that already exist in the health, medico-social, association and community sectors. We consider them the experts of their territory. The CRPS is there to provide them with support and recourse. »
Over the months, the CRPS has deployed four tools:
The CRPS is therefore “a global and homogeneous suicide risk prevention strategy of practices and protocols throughout the territory, concludes Dr Janvier. Our territory, like others, is exposed to this risk. It is important to have a global strategy, not just health, between all the actors: health, medico-social, associations, the network of health mediators and community relays "
Two telephone numbers in case of suicidal risk
In French Guiana, two numbers are accessible for people in pain or their entourage, with the aim of preventing a suicidal gesture:
Important: these numbers are also accessible to professionals (caregivers, teachers, social workers, employers, etc.) who fear a suicidal risk for one of their patients, students, users, employees or others. 3114 is a new national number, the respondents are all professionals as this report shows: https://www.youtube.com/watch?v=eiLo-Xqrc_w
Dr Caroline Janvier: "This phenomenon of cluster suicides is not reserved for a community in ethnic terms"
At the beginning of April, La Lettre pro informed you that several suicides and attempted suicides had affected the village of Trois-Sauts since February, and that many professionals were intervening in support of the CDPS teams to prevent the risk of suicidal contagion. Dr Caroline Janvier, head of the psychiatry department at Cayenne hospital, discusses this situation.
The current focus on certain suicides and certain recent attempts, in a town in the interior, masks a much broader reality in French Guiana?
The focus on what is currently happening, on this series of people making a suicidal gesture in the interior of French Guiana, should not make us forget that the difficulties are to be considered at the territorial level and that they exist throughout French Guiana. At one point, there is a community which is in a situation of great vulnerability and which leads to suicidal crises. We must not make a shortcut between a community and suicide, but between a community in great vulnerability, due to the psycho-socio-environmental context, which means that some young people only find this way out.
Have any events been identified that may have caused this series?
There are a lot of young people who have dropped out of school. The Covid period has accelerated some school dropouts. Perhaps more than usual, some young people have stopped their education or found themselves without a diploma, unable to continue, and find themselves extremely helpless to envisage the future. This is my hypothesis, but nothing is verified. During the Covid period, it was rather quiet. We know that there was suffering during the Covid period. We have figures from the general population mental health survey. My hypothesis is that we are in cascading suffering: the suffering of the longer-term consequences of Covid. The Covid crisis has generated suffering. We had immediate consequences on the mental health of Guyanese. Although we have come out of the crisis in epidemiological terms, we, mental health professionals, are still in it, with the boomerang effects, especially among young people. I say this with great caution, but it is an assumption.
In this hypothesis, it would be a long-term consequence of the Covid crisis...
Indeed, during the crisis, we were very cocooned. These are times when, especially in indigenous communities, we found ourselves a lot. Now, society is regaining its balance. We can only observe that some of our fellow citizens remain in the longer term consequences of what the Covid crisis has generated. We can mention it for the precarious. They were already there before the crisis but had strategies like jobs. There, the precarious are even more precarious. While a large part of society is returning to its former operating methods, some of our fellow citizens, already extremely vulnerable, have not returned to their former situation. With possible long term effects. As we talk about long Covid, we could talk about long Covid mental health. But I don't have any figures, it's a guess. This may be an explanation for the current cluster which affects young people, in a situation of school dropouts and who have difficulty finding a place. They have stalled too much to find their place.
In this case, how do you intervene?
All the actors are mobilized to offer what we call, in our jargon, a postvention program. These are graduated intervention strategies, adapted to individualities that have been identified. These are targeted interventions that focus on bereavement support, identification and management of states of stress and psychotrauma. And other so-called selective interventions that will focus on identifying and supporting individuals who are less impacted, not in crisis but in a situation of vulnerability. Several actors are currently on the move: mental health actors, health mediators, facilitators, in a less psychiatric approach. There is psychiatry. It will focus on people in crisis, people who develop traumatic pathologies. But for this population with cumulative vulnerabilities, there is support and support offered by other professionals who are not from the health field. It may seem like a boat, but it's about listening and hearing the suffering. Offer an empathetic presence. That a person in pain is opposite an empathetic person, already we de-escalate.
Have you ever been confronted, elsewhere, with such a phenomenon of a cluster of suicides?
Yes, it has been found elsewhere and in other circles. In a school environment, for example, or within a company. This phenomenon of cluster suicides or suicidal contagion is also questioned and researched in any environment where such an event occurs. It is not reserved for a community in ethnic terms.
There is a mental health problem for Guyanese and in particular the risk of suicide, which is a reality. This is the case in the interior and isolated municipalities. The municipalities of the coast are not spared by the psychological suffering, multifactorial, to which we must bring
A study on psychological autopsy
French Guiana participates, with Martinique, Reunion and Polynesia, in the Autopsom study, for psychological autopsy Overseas. This involves carrying out a systematic study of suicidal behavior using the method of psychological autopsy. “During a death by suicide, we will try to investigate the underlying origins, explains Dr Caroline Janvier, head of the psychiatry center at Cayenne hospital. We question the existence of possible depressive, anxiety, personality disorders at the time of the realization of the gesture. We will also question the person's life course and what is called the "burden of adversity". The psychological autopsy is carried out with the bereaved, by meeting them at a distance from the suicidal gesture, generally three months later. The objective is to see if we identify, in French Guiana, subgroups that are more vulnerable to carrying out a suicidal gesture, in order to better target prevention measures. »
This article is from the Regional Health Agency's Newsletter. You can subscribe by filling out the following form: https://forms.sbc28.com/5a8bed50b85b5350ef1cd117/t13M7zUZQi2XMq5E3DdnhQ/0WQoeDwjRXqJblCpKbLDzA/form.html
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