Le 27 juillet dernier, le tribunal administratif de Cayenne suspendait l’arrêté d’autorisation environnementale de la centrale du Larivot car ce dernier a considéré qu’il y avait un doute sérieux sur sa légalité. Il y a dans cette décision un enjeu sur le respect des lois et sur l’avenir énergétique de la Guyane, pour lequel il existe déjà des alternatives durables.
● Un doute sérieux sur la légalité sur le projet d’EDF-PEI
Le projet d’EDF-PEI autorisé par les services de l’Etat a été suspendu car le juge a estimé que ce projet pouvait être illégal, au regard de la loi de Transition énergétique pour une croissance verte et la loi Littoral. Sans l’action des associations Guyane Nature Environnement et France Nature Environnement, ces lois auraient pu être méconnues en Guyane, alors qu’elles s’appliquent à toute la République Française. Pour rappel, la dernière centrale au fioul de l’Hexagone a été arrêtée en 2018. L’origine du contentieux est donc bien l’autorisation de ce projet problématique porté par EDF-PEI, sur lequel
les associations environnementales soulèvent de nombreuses illégalités. Un projet réfléchi dans le temps, soumis à un vrai débat public, en phase avec les objectifs climatiques de la France et construit dans une zone ne posant pas des enjeux aussi forts n’aurait pas fait l’objet d’une action risquant d’aboutir à une suspension.
● De nombreux risques sur la qualité de vie des guyanais
Ce projet impacterait la qualité de vie des guyanais à plusieurs titres. Premièrement, l’installation de cette centrale dans la zone du Larivot nécessite la construction d’un oléoduc depuis le port pétrolier de Dégrad-des-Cannes. Cet oléoduc traverse trois communes, de nombreuses zones habitées dont deux éco-quartiers, et les riverains situés dans la zone de danger de mort en cas d’accident grave n’ont pas été expropriés. Deuxièmement, la combustion du fioul générera des émissions de CO2, d’oxyde d’azote, de dioxyde de soufre et de poussières qui impacteront la santé des habitants vivant à proximité, comme ceux du village Palikur, des hauts de la Chaumière et ceux du futur quartier qui sera situé sur l’OIN n°5 Cogneau Larivot. Troisièmement, l’implantation de ce projet dans une zone inondable et à risque de submersion marine nécessite l’apport de milliers de tonnes de remblais, alors que les carrières guyanaises font souvent l’objet de pénuries et que ces matériaux sont indispensables pour construire des logements dont la demande est croissante. Quatrièmement, si la programmation pluriannuelle de l’énergie de Guyane est effectivement modifiée et que la centrale du Larivot remplace à la
fois la centrale de Dégrad-des-Cannes et la turbine de Kourou, le black-out peut avoir lieu sur le littoral en cas d’avarie sur cette installation qui centralise fortement la production.
● L’autonomie énergétique est à portée de main
Le projet de centrale du Larivot maintiendrait la dépendance de la Guyane aux énergies fossiles et aux importations alors qu’elle peut être autonome en énergie à l’horizon 2025. En effet, la conversion de la centrale du Larivot aux agrocarburants est “hypothétique” selon le juge, car cette filière d’approvisionnement n’existe pas en Guyane, et que la surface agricole encore disponible devrait plutôt être utilisée pour construire l’autonomie alimentaire de la collectivité qui dépend à 80% des
importations. Le projet actuel d’EDF est d’alimenter au maximum 30% de la centrale avec des agrocarburants au beurre de cacao et de cupuaçu à horizon 2026-2028: au mieux 70% de l’alimentation de la centrale ne sera pas local, il faudra donc clairement importer du combustible, vraisemblablement du fioul car la production d’agrocarburants est déjà sous tension à l’échelle européenne. La centrale devrait donc toujours être alimentée par des importations de fioul, alors que la Guyane
dispose déjà d’un gisement d’énergies renouvelables suffisant. Les experts de l’ADEME et l’AFD appuient la construction d’un mix énergétique solaire, hydraulique, biomasse et éolien pour remplacer le thermique au fioul. Les opérateurs des énergies renouvelables en Guyane assurent que la demande pourra être satisfaite à 100% en énergies durables dès 2024-2025 avec leur trentaine de projets déjà en construction, sans compter les projets à venir. Ces installations réparties sur tout le territoire seraient plus résilientes et plus à-même de créer des emplois (500 emplois pérennes non délocalisables
annoncés en 2019 par le GENERG) que le remplacement de la centrale de Dégrad-des-Cannes par une centrale nécessitant moins de personnel car plus moderne (fermeture de 32 postes selon la CRE, sans compter les destructions d’emploi à la centrale de Kourou). De plus, la consommation d’électricité stagne entre 825 et 809 GWh par an depuis 2016 selon les chiffres d’EDF-SEI alors que la population augmente, grâce aux économies d’énergie: la demande d’électricité ne semble donc pas exploser et ne justifie pas une centrale aussi surdimensionnée.
● Une question de démocratie et d’argent public
Ce projet avait fait l’objet d’une forte participation des guyanais lors de l’enquête publique malgré le confinement, avec une majorité des avis en défaveur de ce projet, conduisant à un avis défavorable du commissaire-enquêteur, ce qui est particulièrement rare en Guyane. Le dossier d’enquête publique ne discutait pas des alternatives possibles et indiquait que le projet n’était pas encore finalisé, ce qui montre l’urgence et le manque d’anticipation dans lequel a été prise la décision de construire cette centrale. Malgré les avis exprimés des citoyens, le projet a été autorisé par les services de l’Etat, pour un coût total de 500 millions d’euros, soit deux fois le pont du Larivot et plus de trois fois le nouvel hôpital de Saint Laurent, des projets d’intérêt public que les associations n’ont pas attaqué. L’investissement serait d’autant plus inutile que la centrale aurait vocation à s’effacer au profit des énergies renouvelables, qui couvriront déjà la demande d’énergie la première année d’utilisation de la centrale.
En conclusion, la Guyane vaut mieux que ça. Alors que nous venons d’atteindre le jour du dépassement avant même le 1er août 2021, c’est à dire que nous avons utilisé toutes les ressources que ce que la planète peut renouveler en un an en moins de huit mois et que la crise climatique s’intensifie y compris en Guyane avec la saison des pluies violente que nous avons connu en début d’année, EDF-PEI proposait un projet de centrale thermique au fioul, une technologie complètement dépassée, il y a seulement trois ans. Il est temps de faire appliquer la loi et de s’engager dans une vraie transition
énergétique, bénéfique pour l’environnement, l’économie et l’emploi guyanais.
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