La première phase de vaccination contre le Covid-19 doit débuter courant janvier en Guyane. Le Dr Pierre Gazin, médecin à l’Agence régionale de santé, répond aux questions que plusieurs professionnels de santé guyanais ont récemment adressées à l’ARS.
En tant que médecin, comment appréhendez-vous l’arrivée des vaccins contre le COVID ?
C’est une excellente nouvelle, car le COVID contraint nos vies depuis des mois maintenant. Les personnes fragiles ont payé un lourd tribut et l’arrivée des vaccins est un réel espoir, une chance pour nous tous.
A quel moment va-t-on pouvoir proposer la vaccination en Guyane ?
A partir de la mi-janvier nous pourrons commencer à proposer la vaccination aux personnes prioritaires volontaires, en particulier les résidents des EHPAD. Les personnes âgées sont en effet les plus fragiles face au virus. Les plus de 75 ans représentent ainsi près de 80% des décès dans notre pays. Et elles sont d’autant plus vulnérables au virus qu’elles résident dans un établissement collectif, notamment en EPHAD, comme l’ont montré les nombreux cas de clusters en France. C’est donc à elles que le vaccin doit être proposé en premier.
On va aussi proposer la vaccination à tous les personnels de santé de plus de 50 ans, quel que soit leur mode d’exercice, car ils sont souvent en contact avec des personnes fragiles et sont eux-mêmes à risque.
Les débats sur la vaccination sont vifs depuis plusieurs semaines. Les médecins et infirmiers des Ehpad vous en ont-ils fait part ?
Oui. Ils perçoivent une incompréhension, une ignorance voire une hostilité de certains entourages familiaux. Et parmi le personnel des Ehpad, il y a peu d’enthousiasme pour se faire vacciner.
Comprenez-vous cette réticence ?
Elle est la même, aussi peu réfléchie, que dans l’ensemble du territoire national. Ce n’est pas propre à la Guyane. C’est très lié à la masse considérable de discours qui ont circulé sur les réseaux sociaux, bien avant le Covid, autour de la vaccination. On entend tout. Certains font même des associations entre la vaccination et la 5G. Tout cela n’a pas de fondement. Evidemment, tout le monde est d’accord pour dire qu’il est idiot de ne pas vacciner son enfant contre la rougeole. Mais la rougeole, en France, c’est devenu finalement rare. Là, on est face à une maladie qui a une contagiosité que l’on n’a pas connue depuis la grippe espagnole. Nous sommes face à une maladie infectieuse qui est nouvelle et que l’être humain n’a pas encore appris à combattre. A l’échelle du globe, une personne diagnostiquée sur 45 décède. C’est énorme. A partir de 65 ans, la proportion de décès est encore plus importante. Or, nous avons une arme vraie, c’est la vaccination. Il faut vacciner.
Vous échangez aussi avec les professionnels de santé de Guyane ?
Oui nous avons de nombreux échanges avec eux, et c’est important car ce sont eux qui sont au contact direct des Guyanais. Ce sont eux, avec leurs compétences, leur pratique habituelle de la vaccination et leur compréhension des données scientifiques qui peuvent combattre les rumeurs et discuter avec chaque patient. Car les professionnels qui ont étudié le COVID, qui ont pris en charge les patients jours et nuits le savent. La vraie responsabilité d’un professionnel de santé ce n’est pas de vacciner, c’est plutôt de ne pas le faire.
En cas de complication, la responsabilité de celui qui a vacciné ne peut-elle pas être engagée ?
Non car il utilise un vaccin qui est homologué, qui a une autorisation de mise sur le marché, certes conditionnelle. Il n’y a pas plus de risque que pour n’importe quel vaccin, comme celui contre la rougeole ou la poliomyélite. Il n’y a pas de risque pour le médecin car il fait le geste qu’il fallait. Parmi toutes les personnes âgées qui seront vaccinées dans le monde, une proportion mourra dans les trois mois. Pas à cause du vaccin mais parce qu’elles sont âgées. Le médecin qui assume sa fonction de vaccinateur, après avoir informé loyalement la personne, n’a aucune responsabilité pénale engagée.
Cette information se fait lors d’une consultation prévaccinale et, s’agissant des résidents des Ehpad, souvent après une rencontre avec la famille. Comment cela se passe-t-il ?
Il est demandé aux médecins en charge des personnes résidant en Ehpad de leur expliquer ou à leur entourage familial pourquoi on vaccine. Il peut y avoir quelques très rares cas de complication. Mais il est important de vacciner. Cela a été mal interprété au début. Les médecins ont cru qu’ils devraient signer un papier aux patients qui serait une décharge de responsabilité. Ce n’est pas le cas. Il n’est pas question de faire remplir des papiers, c’est comme la vaccination contre la grippe, qui est proposée en Guyane tous les ans. L’important dans la consultation prévaccinale est de permettre à la personne qui se fera vacciner ou à son entourage d’avoir une information claire, loyale et que la personne comprend.
Comment s’en assurer ?
En rappelant très simplement que cette maladie est là, qu’à 75 ans, si on attrape le Covid, on a de très fort risque de mourir. Il faut vacciner car il n’y a pas d’autre moyen d’empêcher de l’attraper.
Ensuite quand nous aurons permis à toutes les personnes prioritaires volontaires de se faire vacciner, nous pourrons étendre progressivement à toute la population et là nous aurons une chance de pouvoir nous débarrasser de ce virus et des contraintes qui vont avec.
The first phase of vaccination against Covid-19 is due to start in January in French Guiana. Dr Pierre Gazin, doctor at the Regional Health Agency, answers questions that several Guyanese health professionals recently addressed to the ARS.
As a doctor, how do you see the arrival of COVID vaccines?
This is great news, as COVID has constrained our lives for months now. Fragile people have paid a heavy price and the arrival of vaccines is a real hope, a chance for all of us.
When will we be able to offer vaccination in French Guiana?
From mid-January we will be able to start offering vaccination to priority volunteers, in particular residents of EHPADs. The elderly are indeed the most vulnerable to the virus. The over 75s represent nearly 80% of deaths in our country. And they are all the more vulnerable to the virus when they reside in a collective establishment, especially in EPHAD, as the many cases of clusters in France have shown. The vaccine should therefore be offered first to them.
Vaccination will also be offered to all healthcare workers over the age of 50, regardless of their mode of practice, because they are often in contact with fragile people and are themselves at risk.
Debates on vaccination have been lively for several weeks. Did the nursing home doctors and nurses tell you?
Yes. They perceive a lack of understanding, ignorance or even hostility from certain family circles. And among nursing home staff, there is little enthusiasm for getting vaccinated.
Do you understand this reluctance?
It is the same, as little thought out, as in the whole of the national territory. It’s not unique to French Guiana. This is very much linked to the considerable amount of speech that circulated on social networks, long before the Covid, around vaccination. We hear everything. Some even make associations between vaccination and 5G. All of this has no basis. Obviously, everyone agrees that it is stupid not to vaccinate your child against measles. But measles in France eventually became rare. Here we are dealing with a disease that has a contagiousness that we have not known since the Spanish flu. We are facing an infectious disease which is new and which humans have not yet learned to combat. Globally, one in 45 diagnosed people die. It is enormous. From the age of 65, the proportion of deaths is even higher. However, we have a real weapon, and that is vaccination. We must vaccinate.
Do you also interact with health professionals from French Guiana?
Yes we have many discussions with them, and this is important because they are the ones who are in direct contact with the Guyanese. It is they, with their skills, their habitual practice of vaccination and their understanding of the scientific data that can fight rumors and discuss with each patient. Because professionals who have studied COVID, who have cared for patients day and night, know it. The real responsibility of a healthcare professional is not to vaccinate, it is rather not to.
In the event of a complication, the responsibility of the person who vaccinated cannot be engaged?
No, because it uses a vaccine that is approved, that has a marketing authorization, certainly conditional. There is no more risk than with any vaccine, such as measles or polio. There is no risk for the doctor because he is doing the right thing. Of all the elderly who will be vaccinated worldwide, a proportion will die within three months. Not because of the vaccine, but because they are old. The doctor who assumes his role of vaccinator, after having faithfully informed the person, has no criminal liability.
This information is given during a pre-vaccination consultation and, in the case of nursing home residents, often after a meeting with the family. How is it going ?
Doctors in charge of people living in nursing homes are asked to explain to them or to their family circle why we are vaccinated. There may be some very rare cases of complication. But it is important to vaccinate. This was misinterpreted at first. Doctors believed they should sign a paper on patients that would disclaim liability. This is not the case. There is no question of having papers filled out, it is like the flu vaccination, which is offered in French Guiana every year. The important thing in the pre-vaccination consultation is to allow the person who will be vaccinated or those around him / her to have clear, honest information that the person understands.
How to be sure?
By simply recalling that this disease is there, that at 75, if you catch the Covid, you have a very high risk of dying. You need to be vaccinated because there is no other way to prevent catching it.
Then when we have allowed all the priority people volunteers to be vaccinated, we will be able to gradually extend to the entire population and there we will have a chance to be able to get rid of this virus and the constraints that go with it.
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