Stéphane Houmeau est volontaire de la Réserve sanitaire. Avec douze autres volontaires, il est arrivé vendredi dernier à Camopi pour renforcer les professionnels de santé guyanais (CHC, CDPS) et les médiateurs mobilisés sur place qui mènent une opération de recherche active de cas dans la commune. Le reste de l’année, Stéphane Houmeau est infirmier anesthésiste, cadre supérieur de santé au CHU de Strasbourg. Il relate son expérience dans ce qui fut des premiers foyers de l’épidémie en France.
Pouvez-vous nous relater votre parcours ?
Je suis inscrit à la Réserve sanitaire depuis ses débuts, en 2007. Avant, j’ai participé à des missions avec le Samu mondial. J’ai participé à des missions Ebola, Zika, après le séisme en Haïti, celui au Népal. C’est comme ça que je connais Clara de Bort. Je me suis également rendu au Liban en 2006 pendant la guerre contre le Hezbollah. Je suis aussi intervenu après les attentats de Paris et de Nice.
Comment l’épidémie a-t-elle été vécue au CHU de Strasbourg, dans le Grand Est qui était le premier foyer de Covid-19 ?
Au niveau du CHU de Strasbourg, qui était un gros foyer, nous avons eu jusqu’à 650 patients hospitalisés, dont 200 en réanimation, les 1er et 2 avril. C’était le sommet de notre activité. Un nombre important de soignants a été infecté. Je crois quasiment 600. De façon très heureuse, nous n’avons déploré aucun décès parmi le personnel. Cela nous a donné de l’espoir. Aujourd’hui, nous sommes dans la phase descendante, avec la persistance de quelques cas qui arrivent.
Comment cela se passe-t-il aujourd’hui pour les professionnels du CHU de Strasbourg ?
Nous sommes vraiment dans le déclin du nombre de cas. Cela permet aux équipes de commencer à souffler. L’activité a été très intense. Les retombées sont toujours plus difficiles en post-crise. Il y a eu l’adrénaline, l’envie d’aider. La HAS a d’ailleurs émis des recommandations sur le stress des soignants post-Covid. Le début de l’épidémie a été fulgurant, inattendu. Il y a eu beaucoup de réactivité et d’adaptabilité de la part des équipes. Nous avons ouvert 100 lits de réanimation au CHU de Strasbourg en 2 semaines. Ici, en discutant avec Clara de Bort, j’ai le sentiment que la situation a été bien anticipée. Il faut se préparer au pire et espérer le meilleur.
La Guyane semble véritablement au début de son pic épidémique. Vous souvenez-vous du jour où vous vous êtes dit, à Strasbourg : « Ça y est, on est dedans » ? Comment les professionnels ont-ils réagi ?
Il y a tout un tas de types de réactions, comme en période de fort stress. De la stupeur chez certains, de la réactivité aussi. Il y a eu de l’adrénaline. Tout le monde est monté sur le pont. Certains sont allés au-delà de la fatigue. On oublie de se reposer, de manger. Ce sont des pièges. C’est pourquoi il est important de recevoir de l’aide. Tout le monde veut participer, donner un coup de main.
Comment gérer ce risque sans que certains en fassent trop ?
Globalement, en situation de crise, il faut des choses un peu militaires : donner des ordres simples, donner les moyens et faire confiance aux professionnels. Dans leurs strates opérationnelles, les gens veulent faire du soin. Souvent, ça se passe bien. C’est plus dans les strates décisionnelles que certains peuvent vouloir se mettre en avant. A Strasbourg, il y a eu un élan collectif. Pas de notion de cow-boy où ça peut devenir dangereux. Souvent, on repère assez vite ces profils-là.
Quels conseils donnez-vous aux professionnels guyanais, alors que l’épidémie débute ?
Ce sont ceux que je donne en opération : on mange quand on peut, on dort dès qu’on peut, on fait attention à soi. On ne peut pas donner aux autres si on n’a pas pris soin de soi. Il faut être en bonne santé soi-même. Manger, dormir, prendre le temps de faire le vide, par exemple en jouant de la musique. C’est difficile, parce que quand il y a une crise, on a envie de participer. Il faut savoir accepter le relai, accepter ce moment où il faut lâcher.
D’autant que ça peut être long…
C’est une crise qui dure. On a commencé vers le 10 mars, en montant en puissance très vite. Le plan blanc a été déclenché le 14 mars et après, on n’a pas arrêté jusqu’à il y a deux semaines. Il faut pouvoir tenir sur deux mois, deux mois et demi. Ce n’est pas deux semaines. Cela épuise les organismes parce qu’il y a l’après, le travail du quotidien. C’est pourquoi à Strasbourg, nous n’avons pas pu rouvrir tous les services.
Vous enchaînez avec un vol pour la Guyane et une mission à Camopi, où le nombre de cas augmente chaque jour. Etes-vous un mauvais exemple ?
J’ai bénéficié de 15 jours de congés fin avril, où j’ai vraiment été en repos. Je n’aurais pas proposé ma candidature en mission, si je n’avais pas pu.
Et donc, après deux mois intenses dans le premier cœur de l’épidémie, vous avez souhaité continuer dans un des clusters les plus actifs du territoire national…
Quelque part, la Réserve sanitaire, c’est la solidarité nationale. Strasbourg a bénéficié de l’aide de la Réserve sanitaire au moment où c’était le plus critique. Cela me semble cohérent de proposer mon aide. On a reçu de l’aide à Strasbourg. Donc si je peux proposer la mienne ailleurs… C’est pourquoi j’ai donné mes disponibilités à Santé publique France.
Stéphane Houmeau is a volunteer from the Sanitary Reserve. With twelve other volunteers, he arrived last Friday in Camopi to reinforce the Guyanese health professionals (CHC, CDPS) and the mediators mobilized on the spot who carry out an operation of active search for cases in the commune. The rest of the year, Stéphane Houmeau is a nurse anesthetist, senior health executive at the CHU Strasbourg. He recounts his experience in what was the first outbreak of the epidemic in France.
Can you tell us about your journey?
I have been registered with the Sanitary Reserve since its beginnings in 2007. Before, I participated in missions with the World Samu. I participated in Ebola missions, Zika, after the earthquake in Haiti, the one in Nepal. That's how I know Clara de Bort. I also visited Lebanon in 2006 during the war against Hezbollah. I also intervened after the attacks in Paris and Nice.
How was the epidemic experienced at the Strasbourg University Hospital, in Grand Est which was the first home of Covid-19?
At the Strasbourg CHU, which was a large center, we had up to 650 hospitalized patients, including 200 in intensive care, on April 1 and 2. It was the pinnacle of our business. A significant number of caregivers have been infected. I think almost 600. Very happily, we have had no deaths among the staff. It gave us hope. Today, we are in the downward phase, with the persistence of a few cases that are arriving.
How is it going today for professionals at the Strasbourg University Hospital?
We are really in the decline of the number of cases. This allows the teams to start blowing. The activity was very intense. The fallout is always more difficult in post-crisis. There was adrenaline, the urge to help. HAS has also issued recommendations on the stress of post-Covid caregivers. The start of the epidemic was meteoric, unexpected. There has been a lot of responsiveness and adaptability from the teams. We opened 100 resuscitation beds at the CHU Strasbourg in 2 weeks. Here, speaking with Clara de Bort, I have the feeling that the situation has been well anticipated. You have to prepare for the worst and hope for the best.
French Guiana really seems at the start of its epidemic peak. Do you remember the day when you said to yourself, in Strasbourg: "That's it, we're in it"? How did the professionals react?
There are a lot of types of reactions, like in times of high stress. Astonishment among some, reactivity too. There was adrenaline. Everyone got on the bridge. Some have gone beyond fatigue. We forget to rest, to eat. These are traps. That’s why it’s important to get help. Everyone wants to participate, to lend a hand.
How can we manage this risk without some doing too much?
Overall, in a crisis situation, you have to do a little military things: give simple orders, give the means and trust the professionals. In their operational strata, people want to care. Often it goes well. It is more in the decision-making layers that some may want to put themselves forward. In Strasbourg, there was a collective momentum. No notion of cowboy where it can become dangerous. Often, these profiles are quickly identified.
What advice do you give to Guianese professionals as the epidemic begins?
These are the ones I give in operation: we eat when we can, we sleep as soon as we can, we take care of ourselves. You cannot give to others if you have not taken care of yourself. You have to be healthy yourself. Eat, sleep, take the time to clear your head, for example by playing music. It's difficult, because when there is a crisis, you want to participate. You have to know how to accept the relay, accept this moment when you have to let go.
Especially since it can be long ...
It’s a crisis that lasts. We started around March 10, gaining momentum very quickly. The white plan was launched on March 14, and afterwards we weren't arrested until two weeks ago. It must be able to last two months, two and a half months. It’s not two weeks. It depletes organisms because there is the aftermath of everyday work. This is why in Strasbourg, we have not been able to reopen all the services.
You continue with a flight to Guyana and a mission to Camopi, where the number of cases increases every day. Are you a bad example?
I had 15 days off at the end of April, when I was really at rest. I would not have applied for a mission if I had not been able to.
And so, after two intense months in the first core of the epidemic, you wanted to continue in one of the most active clusters in the national territory ...
Somewhere, the Sanitary Reserve is national solidarity. Strasbourg benefited from the aid of the Sanitary Reserve at the time when it was most critical. It seems coherent to offer my help. We got help in Strasbourg. So if I can offer mine elsewhere ... That’s why I gave my availability to Public Health France.
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