Depuis le 22 août 2016, la préfecture de Guyane n’enregistre plus les demandes d’asile qui lui sont présentées. Une violation manifeste de la Constitution française qui garantit à toute personne le droit de solliciter la protection de la France contre des persécutions. Une pratique qui tranche aussi avec la signature par la France de la déclaration des Nations unies du 19 septembre 2016, censée réaffirmer l’impératif de protection des réfugiés et des migrants.
Le 8 septembre, le juge du tribunal administratif de Cayenne examinait les recours en urgence déposés par dix demandeurs d’asile. Ces personnes sollicitaient à juste titre l’enregistrement de leur demande d’asile après avoir trouvé porte close à l’accueil de la Croix-Rouge et à la préfecture. Quelques heures avant l’audience, se sachant dans l’illégalité, la préfecture faisait rouvrir en urgence l’accueil pour convoquer uniquement les dix requérants afin d’enregistrer leur demandes d’asile et obtenir du tribunal qu’il n’y ait plus lieu de statuer. Elle réitérait cette manœuvre le 23 septembre, suite au dépôt de sept autres recours.
Même si la Guyane connaît une hausse importante du nombre de demandeurs d’asile (3900 demandes enregistrées sur les huit premiers mois de 2016, 2700 sur l’année 2015 ce qui qui représentait déjà 159 % de plus que 2014 [*]), la réponse des autorités françaises ne doit pas être celle de l’illégalité.
Les organisations signataires demandent à l’État :
- la réouverture immédiate des structures d’accès à la procédure de demande d’asile, comme l’État y est légalement obligé ;
- l’arrêt des expulsions de personnes privées de la possibilité de solliciter l’asile ; la mise en place et le renforcement des structures existantes pour permettre un accueil digne des demandeurs d’asile (CADA, antenne de l’OFPRA, ...) ;
- le renforcement des dispositifs sanitaires et éducatifs ainsi qu’une réelle concertation avec les acteurs engagés sur ces sujets.
En l’absence d’enregistrement de leur demande d’asile, des centaines de personnes sont de force placées dans une situation d’irrégularité administrative dangereuse. Elles se retrouvent sans autorisation de séjour et peuvent être renvoyées du territoire français en dépit de leur intention de demander l’asile.
Les ressortissants haïtiens, qui fuient la crise que ce pays traverse depuis de nombreuses années, sont les premières victimes. Ces dernières semaines, la préfecture de Guyane a fait procéder à près de cent interpellations ciblant des ressortissants haïtiens, en vue d’organiser leur expulsion. Ceux qui avaient trouvé porte close au service chargé d’enregistrer les demandes d‘asile, ont donc été contraints de déposer leur demande depuis le centre de rétention dans des conditions bien plus défavorables. Cette situation porte directement atteinte à l’interdiction de refouler des personnes vers des pays où elles seraient en danger, un principe pourtant garanti par la Convention de 1951 relative au statut de réfugiés.
Dans le même temps, les conditions d’entrée de ces mêmes ressortissants au Suriname, point d’entrée majeur de la Guyane, viennent d’être renforcées par l’instauration d’un visa spécifiquement à l’encontre de cette nationalité.
Plus globalement, c’est tout le système d’accueil des demandeurs d’asile qui se dégrade en Guyane en raison de la carence des financements de l’État. Ainsi, début septembre deux structures essentielles pour les droits sociaux des primo-arrivants ont dû fermer leurs portes ou restreindre leur activité : d’abord le CASNAV (Centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés) ; puis le centre de prévention santé de la Croix-Rouge à Cayenne qui permettait à tous de se faire vacciner et dépister facilement. Ces événements surviennent dans un contexte où la situation sanitaire guyanaise est déjà très critique, avec des structures de soins de première ligne qui sont saturées, n’arrivant pas à répondre aux besoins.
Il est temps de mettre un terme à cette politique qui prétend tarir la demande d'asile en privilégiant une approche sécuritaire accentuant la précarité des exilés, et d’organiser un accueil digne et respectueux des droits fondamentaux.
Organisations signataires :
AIDES, Amnesty International France, ARDHIS, Collectif Haïti de France, Comede, Dom’asile, FASTI, GISTI, La Cimade, LDH, Médecins du Monde, MRAP
La Coordination française pour le droit d’asile rassemble les organisations suivantes :
ACAT-France (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Amnesty International France, APSR, (Association d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France), Ardhis (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles & transsexuelles à l’immigration et au séjour), CASP (Centre d’action sociale protestant), Comede (Comité médical pour les exilés), Dom’Asile, ELENA FRANCE (Association d’avocats liés au Conseil Européen pour les Réfugiés et Exilés), FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Tous-te-s les Immigré-e-s), GAS (Groupe accueil solidarité), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s), JRS France (Jesuit Refugee Service) La Cimade, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Médecins du Monde – mission France, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), Centre Primo Levi (Centre de soins et soutien aux victimes de la torture et des violences politiques), Secours Catholique (Caritas France), SNPM (Service National de la Pastorale des Migrants).
La représentation du Haut-commissariat pour les Réfugiés en France et la Croix Rouge Français sont associées aux travaux de la CFDA.
Le Collectif Migrants outre-mer (MOM) rassemble les organisations suivantes :
AIDES, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), AIDES, Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), La Cimade, Collectif Haïti de France, comité médical pour les exilés (Comede), Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Les avocats pour le droit d’asile (Elena), Ligue des droits de l’homme (LDH), Médecins du monde, Mouvement français contre le racisme et pour l’amitié entre les peuple (Mrap), Observatoire international des prisons (OIP), Secours Catholique.
[*] Réponse à une question écrite du sénateur Antoine Karam, 27 janvier 2016. Voir aussi le communiqué de La Cimade du 25 juillet 2016.
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