Hier soir, j’ai été agressé comme n’importe quel homme…
Kourou, neuf heures du soir entre la médiathèque et le village . C’est une histoire qui se répète sans cesse. Je ne crie pas à l’injustice, je n’ai pas d’aigreur, je n’ai pas de sentiment de vengeance. Doit on se faire bastonner pour un portable, ce petit signe commun que possède 5 milliards et demi d’humains en ce bas monde ? L’homme m’a assené plusieurs coups. Je me suis retrouvé au sol, ai protégé ma tête. Il dérobe le téléphone et me laisse dans le sang et à demi-conscient. Il n’a rien volé d’autre. La vie d’un individu ne vaut rien… L’homme n’a pas parlé, il s’est enfui. Dans l’incivilité des jours qui se ressemblent, personne ne m’a porté secours. Les voitures ont refusé de s’arrêter sous mes injonctions. J’étais seul, vacillant, incapable de marcher et pourtant j’ai trouvé la force de rebrousser chemin jusqu’au studio de télévision KTV et demander de l’aide. C’est juste un constat, celui d’une ville qui n’a pas d’âme, pas de centre. Vous savez les places dans les villes où se réunissent encore des hommes et des femmes qui parlent entre eux, regardent la vie passer, voient les enfants jouer entre eux. Là, il y a une génération sans but qui erre à la recherche d’un frugale butin, des hommes qui ne caressent même pas un avenir meilleur. Le « No futur » est maintenant. La marginalisation est ce qu’il y a de plus commun autour de nous. Les pouvoirs publics de la ville doivent être interpelés, prendre conscience de ces actes à répétitions, au risque d’une ghettoïsation de son agglomération ? Quel sera l’avenir d’une ville dont sa marque de fabrique devient l’agression permanente en son sein. Lors de mon admission aux urgences, j’ai échangé avec quelques médecins. C’est un fait récurrent que l’agression à Kourou me disent-ils. Derrière moi, un homme venait de recevoir un coup de couteau, un autre avait l’empreinte d’une paire de ciseaux dans l’abdomen. Un homme plus tout jeune venait de se faire tabasser pour son scooter. Une fille, qui s’était fait violenter, avait une crise de larmes. La liste est longue. Les urgences ne comptent plus. Aujourd’hui une arme à feu pour dérober un vélo, demain, la mort donnera rendez vous sur le trottoir dans l’indifférence générale. L’errance est le rendez-vous dans le cœur de la cité, les forces de l’ordre ne sont pas au rendez-vous. Vous pourrez toujours porter plainte, les agresseurs sont déjà loin… Je m’en tire avec une fracture de la mâchoire, des points de suture sur le front, sur l’oreille, une lèvre supérieure comme après un uppercut, des contusions sur le visage, sur les bras et derrière l’oreille. Je suis sonné, mais je suis en vie…
Au moment d’écrire ces mots, des pompiers et des urgentistes font leur boulot. Du bon boulot, mais le sale boulot. La ville doit vivre autre chose que de se barricader, que les faits divers et la crainte du chaland qui passe parce qu'il va se faire dérober dans le meilleur des cas, passer à tabac s’il n’a pas de chance. Parfois même il en gardera des séquelles irréversibles. La nuit ne dort jamais à Kourou. Des hommes, des femmes pansent des plaies, d’autres s’interrogent sur le comment mieux vivre en harmonie. Vite politiciens, l’urgence est un état, la république et ses valeurs un autre…
Jean Déchamps
Auteur réalisateur 1 11 13
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