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“ Ecrire ” Haïti…
Frankétienne, Lyonel Trouillot, Gary Victor

Par Dénètem TOUAM BONA

Ces textes ont été initialement publiés dans la revue Drôle d'époque (n°14).

Dénètem30 décembre 2003, 11 heures : j’embarque à bord du vol 3747 d’Air France à destination de Port-au-Prince via Pointe-À-Pitre. Je suis censé enquêter sur le rôle des « Nègres marrons » durant la Révolution haïtienne. A peine atterri à Haïti, je me retrouve déporté loin du silence feutré des bibliothèques et des archives, dans un maelström d’événements, de rencontres et de voyages. Il est encore trop tôt pour faire le récit d’une expérience qui de toute part m’a débordé.

En revanche, j’ai dans la tête et dans des cassettes audio toute une galerie de personnages, et ce sont quelques uns d’entre eux qu’aujourd’hui j’aimerais vous faire découvrir.

De l'existence des chimères…

Haïti est bien la seule région du monde où l’existence de “ chimères ” ne suscite aucun doute, y compris chez les observateurs les plus avisés… Régulièrement, des journalistes occidentaux y rendent compte de violences “ chimériques ” sans percevoir dans cet exercice la moindre contradiction. Pourtant, quiconque se plongera dans un dictionnaire de français découvrira que le terme “ chimère ” renvoie en général soit à un monstre mythologique de la Grèce antique, soit à une vaine imagination : un fantasme, une illusion, un rêve, une utopie…

Certes, ce sont les haïtiens eux-mêmes qui ont commencé à baptiser du nom de “ chimère ” les gangs à la solde d’Aristide. Reprendre ce mot sans le questionner ne peut cependant qu’obscurcir la réalité rapportée au lieu de l’éclairer. “ Chimère ” est devenu en effet un mot fourre-tout, davantage source de confusion que d’information. On l’utilise désormais aussi bien pour désigner un gang organisé, qu’une foule pillant des magasins, ou qu’une bande d’enfants des rues en quête de monnaie… Cet usage intempestif du terme “ chimère ” révèle essentiellement deux choses : d’une part, le dénigrement de tout un mouvement populaire haïtien, celui des “ Organisations Populaires ”[1] (synonyme désormais de chimères) ; d’autre part, la stigmatisation des habitants de “ Cité Soleil ”[2], de “ La Saline ”, de la masse des laissés-pour-compte des “ bidonvilles ” (zones principales de recrutement des dits “ chimères ”).

“ Chimè ” en créole haïtien a un sens très particulier, très différent du terme français dont il dérive : il désigne l’homme qui a de la colère en lui. Et Haïti déborde de colère : vingt-sept mille kilomètres carrés de haine et de désolation, un peu plus en comptant toutes les îles adjacentes, (…) la haine croît plus vite que les arbres[3]. Aristide a su presser les raisins de cette colère et c’est ce qui a fait la force de son populisme : un discours du ressentiment enveloppé dans un éloge constant de la paix et de l’amour chrétiens. On peut se débarrasser d’Aristide en l’expédiant en Afrique, on ne se débarrassera pas aussi facilement des chimères. Car les raisons de la colère et du désespoir sont toujours là. “ Jésus seul peut nous sauver ” lit-on souvent sur les “ tap-tap ” (taxis collectifs). Les haïtiens attendent toujours un Messie, et il n’est pas sûr que la « société civile » (très restreinte dans un pays où la majorité de la population est exclue socialement et politiquement) et les milieux d’affaire soient en mesure de répondre à une telle attente…

Les entretiens rassemblés dans le présent dossier ont tous été réalisés à Port-au-Prince, entre début janvier et mi-février 2004. Depuis, Aristide a été obligé de s’exiler pour d’autres cieux. Ces entretiens n’en gardent pas moins toute leur actualité, car chacun des auteurs rencontrés parle d’Haïti depuis une œuvre littéraire : un territoire qui excède celui des simples faits. “ Ecrire ” Haïti n’est pas la décrire… Etre écrivain en effet, ce n’est pas rapporter fidèlement “ ce qui s’est passé ” ; ça c’est le job des journalistes, toujours scotchés à l’événement, à l’affût du moindre scoop. Etre écrivain, c’est produire des “ visions ” : des mondes “ fictifs ” qui à la fois anticipent, récapitulent, juxtaposent, expérimentent les devenirs possibles d’une situation donnée (une société à la dérive, un huis clos entre deux inconnus, un meurtre dans une communauté…). Et c’est ce que font avec maestria des écrivains tels que Frankétienne, Lyonel Trouillot et Gary Victor.

Qu’est-ce que ces trois auteurs haïtiens partagent-t-ils en commun ?... Ils ont tous choisi de rester vivre en Haïti malgré les difficultés quotidiennes et les intimidations. Ils ont participé au mouvement général de contestation du régime d’Aristide, à travers les actions du collectif “ Non ”, un collectif “ d’intellectuels et d’artistes pour la défense des libertés ”[4]. Mais, surtout, leurs livres, oscillant entre généalogie et anticipation, constituent de véritables radioscopies du chaos haïtien dont ils mettent au jour les mécanismes et les effets les plus subtils. Car ce chaos n’a rien de chaotique…

Frankétienne
“ 1804, un bel accident de l’histoire… ”

Naissance : 1936 à Port-au-Prince

Spirales éditées en France :
L’oiseau schizophone, éd. J-M. Place, 1998
Les affres d’un défi, éd. J-M. Place, 2000

Dézafi
(créole), éd. Vents d’ailleurs, 2002
Ultravocale, éd. Hoëbecke, 200

Vos ouvrages sont de véritables OVNI littéraires, on ne sait comment les définir. La plupart d’entre eux, depuis Ultra-Vocal (1972), portent sur leur couverture la mention “ Spirale ”. Que faut-il entendre par là ?

La spirale c’est l’esthétique du chaos, de l’imprévisible, de l’inattendu, de la diversité… Ce qu’Umberto Eco appelle “ œuvre ouverte ”, ce que Deleuze appelle “ Rhizome ”, ce que Glissant appelle “ Tout-Monde ”, moi je le désigne par le terme “ Spirale ”. Des œuvres comme Finnegans Wake de Joyce, l’Homme sans qualité de Musil, ou Marelle de Cortazar sont des spirales. Le roman correspond à une certaine période socio-historique. On ne peut réduire la complexité de certaines œuvres du 20ème siècle à l’étroitesse d’un genre daté. Alors que sur le plan des technologies, des sciences et des réseaux de communication, on prend de plus en plus en compte le rôle du chaos, au niveau de la littérature on en reste toujours à l’intrigue, à la narration, au portrait psychologique. Comment peut-on continuer à mettre en scène des personnages, des états d’âme, des vies anecdotiques, des coucheries mesquines… Ce n’est pas ça la vie : la vie est chaotique, labyrinthique. Le soleil n’existe pas : la lumière, c’est une quête. Il fait nuit, même en plein midi, même en plein jour ! Parce que la nuit et les ténèbres constituent la texture même de la vie ! En un sens, je suis racinien… Nous portons la nuit en nous, avec tout ce que cela comporte de ténèbres et de douleurs, mais aussi d’aspiration à retrouver ne serait-ce qu’une lueur, ne serait-ce qu’une petite étincelle de lumière.

Comment avez-vous découvert la spirale ?

Comme la dialectique, la spirale se trouve dans la nature. Je ne crois pas qu’Hegel ou Marx, ou que bien avant eux les philosophes antiques aient eu la prétention d’inventer la dialectique. Je n’ai pas inventé la spirale, je n’ai fait que l’exploiter. Comment la spirale se manifeste-t-elle dans la nature ? De manière beaucoup plus concrète que la dialectique : elle se manifeste aussi bien dans le mouvement macro-physique des galaxies que dans celui, micro-physique, des quarks, des gluons, des particules élémentaires de la matière. Elle se manifeste aussi bien dans les cyclones qui ravagent la Caraïbe que dans le siphon qui emporte les eaux sales de votre lavabo. Même dans la boîte noire de la vie, dans l’ADN, on la retrouve sous la forme d’une double hélice. Voici donc une structure universelle, une figure présente dans tous les phénomènes fondamentaux de la vie et de la matière. C’est la structure fondamentale de l’univers…

Bien plus qu’une esthétique, c’est une métaphysique que vous développez…

Oui, comme je le disais, la spirale est une notion beaucoup plus riche que la dialectique ; elle comporte une dimension “ mystique ” qui a été évacuée par les marxistes. Il y a une énorme différence entre le mystique et le religieux. Le religieux tente d’atteindre Dieu par l’intermédiaire d’une institution et met en avant des normes, une morale, des interdits à respecter. La spirale n’est pas une structure statique, elle ne s’actualise qu’à travers une dynamique de l’imaginaire, une dynamique de la diversité, une dynamique de l’invisible. Elle suppose toujours une énergétique, c’est pourquoi j’ai découvert Dieu à travers elle. Bien sûr, il ne s’agit pas du Dieu des catholiques, des protestants, ou des musulmans. Quand nous parlons de Dieu, nous ajoutons souvent “ bon Dieu ” ; et nous disons qu’il est bon parce que nous ne voulons considérer comme divin que la face positive de l’énergie. L’autre versant, la face négative nous l’appelons “ Satan ”. Pourtant, l’envers et l’endroit s’imbriquent, s’interpénètrent… Par “ Dieu ”, j’entends l’énergie cosmique, et l’énergie n’est pas morale ! Voilà pourquoi le mystique n’a rien à voir avec la religion et la morale. Dans le taoïsme et le tantrisme, des pratiques spirituelles où la chair ne suscite pas l’effroi, l’érotisme - c'est-à-dire l’énergie du coït, le tourbillon des sens - constitue le moyen même de l’élévation mystique.

Pourquoi faites-vous si souvent référence aux sciences contemporaines pour parlez de la spirale ?

Parce qu’elles révèlent, à travers leurs théories et leurs expérimentations, la dimension mystique de la spirale, du chaos… Quand je prends le mouvement des particules élémentaires, c’est un mouvement “ occulte ”, imperceptible, à moins de disposer d’un puissant microscope électronique ou d’un cyclotron. Ce domaine “ occulte ”, exploré par la physique quantique, c’est le domaine du chaos. Des avancées scientifiques telles que la géométrie fractale ou la théorie du chaos montrent que le chaos est tout sauf “ chaotique ”. Le chaos est ordonné, c’est la matrice de la lumière, la matrice du monde futur !... 

Vous faites partie du collectif “ Non ” : à quand remonte votre engagement et comment le concevez-vous ?

L’engagement, je ne le dissocie pas de mon activité créatrice, de mon rapport à la langue. Fils illégitime, bâtard d’un multimillionnaire américain et d’une paysanne haïtienne analphabète, j’ai vécu mon enfance dans un quartier très pauvre où on ne parlait que le créole. J’ai appris le français directement dans les dictionnaires, j’avalais les définitions... Ce n’était pas les histoires qui m’intéressaient, c’était l’aventure à travers les mots. Cela a fait de moi, d’emblée, un écrivain moderne, car la modernité littéraire réside avant tout dans le traitement des mots. La modernité, ça n’a jamais été chez moi un jeu gratuit, bien plutôt une nécessité. Pour en revenir à votre question, je suis d’abord engagé esthétiquement. Il faut créer à partir d’exigences d’ordre esthétique. S’il arrive, sans que ce soit le résultat d’une décision de boy scout désireux de faire une bonne action, s’il arrive que mon œuvre produise par elle-même un espace de contestation dans un pays chimérisé comme Haïti, et bien tant mieux. Tant mieux s’il y a cette conjonction entre engagement esthétique et engagement politique.

Dans votre écriture vous faites preuve d’une fabuleuse créativité, vous ne cessez d’inventer des mots, d’en disloquer, d’en ressusciter, de provoquer des déraillements franco-créoles. Dans cette façon très rabelaisienne que vous avez de travailler la langue, de la faire proliférer, il y a déjà une forme de résistance. Armand Gatti dit souvent que la vraie révolution c’est celle du verbe, et vous vous ne cessez de le révolutionner.

C’est vrai, nous avons à résister à l’érosion, à l’usure des mots. Que ce soit dans la vie quotidienne ou dans la politique, les mots ont perdu leur sève. Et avec le langage, c’est aussi la pensée qui s’appauvrit. C’est comme ça qu’on zombifie, qu’on chimèrise les gens !… Comment moi, artiste, puis-je continuer à utiliser les mots “ démocratie ”, “ amitié ”, “ liberté ”, “ amour ”, “ justice ”…, des mots aussi galvaudés, dévitalisés… Il me faut donc créer mes propres matériaux. De ce point de vue L’oiseau schizophone est mon œuvre la plus aboutie. 

C’est quoi la schizophonie ? Une manière de confronter l’art à la folie ?

La schizophonie implique un langage où des mots, des expressions, parfois même des paragraphes entiers exigent du lecteur qu’il aborde l’œuvre au niveau de l’affect, de la vibration vocale. Pourquoi ne pas aborder un texte comme on regarde un tableau, pourquoi toujours être prisonnier de la quête du sens… Le schizophrène a son cerveau coupé en deux : il est coupé de la réalité. S’il voit un hélico, il dira que c’est un nègre qui vole. Il peut aussi se prendre pour Toussaint Louverture ou pour une mouche. Chez lui, l’hypertrophie de l’imaginaire éjecte la réalité de son champ mental. Chez le schizophone, c’est différent, la “ schize ” se produit au niveau des mots. Il s’agit bien sûr d’une schize lucide et créatrice, celle d’un écrivain… Je vous donne une phrase comme ça, au hasard : “ Quand les angoustis revenaient vers la globalune y’avait déjà un carnage bigreux ”. On peut sentir qu’il s’agit d’un lieu où règne un tumulte, un désordre. Qui sait, peut être ai-je décrit l’enfer… Dans L’oiseau schizophone, j’ai dû créer quatre ou cinq mille mots…

Le chaos occupe une place importante dans votre œuvre. Comment voyez-vous celui qui règne actuellement en Haïti ?

Quand on considère Haïti, quand on voit la dégradation de ce pays tant du point de vue du territoire physique, une déforestation et une érosion cataclysmiques, que du point de vue humain, une succession de tyrannies obscurantistes de 1804 à nos jours, quand on voit tout ça, on ne peut parler d’évolution à propos de l’histoire haïtienne. On peut seulement parler d’un parcours en zigzag, en spirale. Aujourd’hui, Haïti symbolise le chaos. A tel point que parfois, par mépris, on la qualifie d’entité chaotique ingouvernable. Cette victoire de 1804, c’est un bel accident de l’histoire, quelque chose qui à l’époque était inconcevable, inimaginable, à contre-courant de l’histoire. Le naufrage actuel n’amoindrit en rien l’éclat de cet événement. Dans une région où l’esclavage était la règle, dans un siècle où les puissances européennes se partageaient le monde au nom de la supériorité raciale du Blanc, Haïti, cette République de Nègres, ne pouvait être qu’une anomalie, qu’un défi. 

Mais ce bel accident de1804 portait déjà en lui tous les germes des dérives à venir. On peut avoir un territoire, on peut avoir un gouvernement, on peut avoir un Etat, et ne pas être une nation. Nous avons raté le projet de fondation nationale : aujourd’hui, l’histoire nous présente la facture, une facture lourde de deux siècles. Misère et analphabétisme sont les denrées favorites de nos dictateurs, l’aliment de leur pouvoir. C’est quoi les chimères ?... Ce sont des individus laissés pour compte, récupérés, “ dénerflés ” et armés par le pouvoir qui servent à la fois d’arme de défense contre les opposants et d’arme de prédation.

Je me demande si Haïti ne symbolise pas ce que je j’appelle l’essence fondamentale de la vie, si elle ne serait pas, quelque part, postmoderne. Ce que nous voyons comme modernité chez les autres n’est qu’artifice. Ailleurs on essaie de contourner le chaos par la technologie, par la science. Nous, nous restons au cœur du chaos, comme si nous portions encore les marques premières de la vie. Enfin, je ne veux pas faire l’éloge de la misère…

Mais le chaos haïtien a tout de même quelque chose de pathologique…

Ce n’est même pas du chaos, c’est de l’obscurantisme. Nous sommes arrivés à un carrefour. Je l’ai déjà dit dans H’éros chimères, et dans Miraculeuse aussi. Dans les prochaines années, soit Haïti sort de l’histoire, soit c’est le saut miraculeux…

Aristide a abandonné Dieu, il a abandonné l’Eglise, il a cessé d’être prêtre pour devenir père de famille, il a rompu avec ses idéaux politiques, avec Charlemagne Péralte[5], il est revenu dans les fourgons des impérialistes américains... Pillage, assassinats, sacrifices d’enfants !… Aristide…, mais c’est l’ “ Homo Maléficus ” ! Il s’est accroché à l’autre versant de la divinité, il s’est accroché au versant diabolique. Mais même Satan l’a abandonné, ça se voit sur son visage ! ...

Lyonel Trouillot
“ Les batailles se poursuivent toujours dans l’imaginaire… 

Naissance : 1956 à Port-au-Prince

Romans édités en France (tous publiés chez Actes Sud) : 
Rue des Pas-Perdus
(1998)

Thérèse en mille morceaux
(2000)

Les enfants des héros
(2002)

Bicentenaire (2004)

Voici une dizaine de jours, juste avant de partir pour Haïti, j’ai lu Rue des Pas-Perdus. Tu as écrit ce roman vers 1995, pourtant il m’a beaucoup plus éclairé sur les événements actuels que tout ce que j’ai pu lire, voir, entendre récemment dans les médias. Quel est ton secret ? Peux-tu revenir sur la genèse de ce récit polyphonique ?

Rue des Pas-Perdus, c’est un petit livre que j’appelle mon livre d’humeur ; je voulais cracher cette violence qui nous étouffe. Mais je ne voulais pas le faire à travers mon “ je ”, mon petit ego. Ce qui m’importait, c’était de construire des voix et de donner à entendre, à travers ces voix, une réalité haïtienne confuse et complexe, qu’on ne saurait saisir par la seule analyse. Dans mon roman, chaque voix parle depuis un lieu, depuis une individualité singulière. Cela permet de porter au langage une violence sociale et politique dont le territoire déborde celui des simples faits : une violence qui se diffracte sur un ensemble de vies. Pour la mise en fiction de la situation que nous vivons depuis une décennie, il me fallait des voix très différentes : celle de la vieille tenancière de bordel, celle du chauffeur de taxi d’âge moyen, celle du jeune fonctionnaire intello. Toute la difficulté, c’était d’éviter de les faire parler de la même façon. La voix la plus facile à rendre fut celle de l’intello : il utilise la langue avec une distance, un retrait, proche de la confidence écrite. Il a fallu trouver une oralité différente pour la tenancière et le taximan, beaucoup plus abrupte. L’autre difficulté, c’était de donner à voir. Quelque part, Rue des pas-perdus est un livre d’images, de photographies. Le taxi joue de ce point de vue un rôle clé : c’est le voyage permanent dans la ville, une sorte de road-movie dans le cloaque de Port-au-Prince.

Il y a d’ailleurs une scène où le taximan est obligé, pour sauver sa peau, de plonger dans une sorte de rivière, de bouillie d’ordures. Ça fout presque la nausée…

C’est la scène de la ravine des Innocents, c’est celle qui m’a value le plus de compliments et le plus de reproches. Dans la réalité, elle se nomme la ravine des Orphelins… On m’a souvent demandé “ mais comment pouvez vous écrire de telles horreurs ? ”. Je répondais “ mais vous pouvez les vivre à Port au Prince, vous vivez là-dedans ! Le cadavre Marassa[6], peut-être l’avez vous croisé… ”. Les listes de personnes à éliminer auxquelles je fais allusion dans le livre, tout le monde sait qu’il en a existé et qu’il en existe encore aujourd’hui. Moi-même, j’ai mon nom sur une des listes Lavalas en circulation, parmi les têtes à couper[7]. J’ai voulu raconter ce que nous vivons quotidiennement, ce en quoi nous nous déshumanisons.

Je trouve que c’est la tenancière de bordel qui, avec sa gouaille mystique, dit le mieux cette déshumanisation…

Mes personnages, je ne les aime pas forcément, à part cette tenancière justement, qui elle sort un peu de l’ordinaire, jusqu’à prendre la dimension d’un oracle, même si cet oracle parle ici à rebours. Toutes les anecdotes de Rue des Pas-Perdus sont vraies, je n’en ai inventées aucune. Bien sûr, elles sont retravaillées par l’écriture et je les replace toutes dans une même temporalité, dans une même nuit, que j’appelle la nuit de l’ “ Abomination ”. Cette nuit représente le moment, fictif, de l’affrontement entre les “ Brigades du grand dictateur Décédé Vivant-Eternellement ”, les Macoutes des Duvalier, et “ les Cohortes du Prophète ”, les OP d’Aristide. Les événements que je replace et concentre dans cette nuit-là s’étendent, en réalité, sur dix ans : de la chute de Duvalier aux dérives de Lavalas. Ce qu’il y avait d’abominable dans cette période, c’est que nous étions pris en tenaille entre les résidus de violence du duvaliérisme finissant et le nouveau populisme montant des lavalassiens qui, déjà, annonçait sa propre violence.

En lisant ton roman, on a souvent un sentiment de confusion, comme si passé, présent, futur ne se distinguaient plus vraiment, comme si une même histoire se répétait à intervalles réguliers…

Peut être que par agacement ou par incapacité théorique, je me suis laissé aller à l’idée que la violence politique revenait dans l’histoire d’Haïti de manière cyclique. Comme si tous les trente ans, un apprenti-dictateur venait dénoncer une société haïtienne fondée sur l’injustice et l’inégalité pour, une fois arrivé au pouvoir, perpétuer toujours les mêmes pratiques de violence, de répression, d’exclusion, de prédation. Il m’a semblé très tôt, dès 1990, que nous étions repartis pour le “ même ”. Politiquement, l’aventure “ Aristide ” ne pouvait être, pour moi, dans ma lecture de la situation à l’époque, que la reprise en pire de François Duvalier. Ce qui a amené Aristide et Duvalier au pouvoir, c’est un discours de contestation porté, dans les deux cas, par des représentants des masses urbaines défavorisées : “ Voyez ce que les autres ont fait de vous, voyez le sort qu’ils ont choisi pour vous, voyez votre misère ! Nous allons vous mettre à leur place... ” Pour pouvoir continuer à tenir ce type de discours, Aristide a délibérément maintenu les gens dans la pauvreté et l’analphabétisme. D’autant que c’est surtout dans la masse des désoeuvrés, dans la plèbe qu’Aristide recrute ses Chimères. Le pouvoir Lavalas est anachronique ! Il continue à penser une société haïtienne en pleine mutation comme une société figée. Aristide a besoin que la société ne progresse pas, c’est pour cela qu’il nous ressort tous nos vieux démons.

Il y a donc une filiation entre Aristide et Duvalier : un même discours populiste…

Ce discours basé sur le ressentiment et le désir de revanche, ce discours qui recourt constamment au “ Peuple ” (contre les bourgeois et les mulâtres), ce discours qui met à profit les frustrations de la masse et les clivages de couleur[8], François Duvalier le produit en 1956 (“ noirisme ”) ; Aristide le ressort en 1990 en y rajoutant des éléments puisés dans la théologie de la libération et dans sa propre expérience de prêtre. Dans le cas d’Aristide, il arrive très vite un moment où ce discours réactif s’épuise, car il n’est fondé sur aucune vision politique. Et puis Aristide ne dispose pas non plus des moyens de contrôle social du duvaliérisme. C’est paradoxal, mais ce pouvoir n’entend pas gouverner, il entend durer… Son seul projet pour la société haïtienne, c’est sa propre perpétuation dans la durée, et tous ses actes visent à s’assurer cette durée. D’où son recours constant à des pratiques d’ordre criminel. Le pouvoir a besoin d’argent, qu’est ce qu’il fait ? Il monte une arnaque, une histoire de coopérative[9] : en deux ans, toutes les épargnes des classes moyennes et défavorisées y passent, des millions de dollars… On ne peut même plus parler de régime populiste, il s’agit tout simplement d’un gang ! ...

Qu’est-ce qui différencie les “ chimères ” d’Aristide des “ tontons macoutes ” de Duvalier ?

C’est quoi les Chimères ? Ce sont des milices qui répondent à un chef de quartier, qui lui répond à un chef officiel du gouvernement, qui lui répond au Président. Une milice avec un minimum de hiérarchie, ce qui lui donne une relative autonomie, contrairement aux milices de Duvalier qui, elles, comportaient des chaînes de commandement, une organisation très stricte, très centralisée. Les milices lavalassiennes fonctionnent donc dans un désordre à la fois réel et apparent : réel de par leur autonomie d’action, apparent puisqu’elles se réfèrent tout de même à un chef ultime, le Président. Aristide est toujours débordé par ses milices, mais c’est lui-même qui choisit d’être débordé. Récemment, en guise d’avertissement à l’opposition, des têtes coupées ont été exposées par des OP (“ Organisations Populaires ”) dans les rues de Port-au-Prince. Duvalier assumait ses mises à mort, Aristide les dissimule à travers les OP. Il y a une rationalité dans ce mode de fonctionnement : cela lui permet de dire “ ce n’est pas moi ”, de se disculper d’avance de ses méfaits. Parce qu’il n’a pas de projet et parce que c’est sa meilleure couverture, ce pouvoir fonctionne au chaos.

J’ai l’impression que François Duvalier, en tant que “ Papa ” Doc, avait surtout recours au vaudou pour asseoir son pouvoir sur l’esprit des haïtiens, tandis qu’Aristide, de par son parcours d’ancien prêtre, me semble recourir surtout à la bible. Ne serait-ce que dans cette manie qu’il a de se présenter comme un prophète…

Que ce soit chez Duvalier ou chez Aristide, on retrouve le même mysticisme[10]. Duvalier écrivait “ Il y a un moment où toutes les aspirations d’un peuple se cristallisent dans un individu ”. Aristide, quand il joue au Messie dans ses discours, n’invente donc pas grand-chose. Dans les deux cas, il y a une violence exercée par le pouvoir sur l’imaginaire social dont les symboles sont travestis. Aristide et Duvalier ont, l’un et l’autre, souvent opéré des renversements de symboles. Qu’est ce que le costume de Tonton Macoute ? C’est la grosse toile bleue avec le col rouge, c’est le vieux costume du paysan haïtien, le costume de Zaka, le dieu de l’agriculture. Duvalier prend ce symbole positif, l’extrait du passé et de l’imaginaire haïtien, et en revêt ses sbires, les Tontons Macoutes. Qu’est-ce que Lavalas ? Dans toute la tradition populaire et littéraire haïtienne, Lavalas a toujours symbolisé quelque chose de négatif : une force de destruction qui emporte tout et charrie le fatras, la merde… Aristide prend lavalas[11] et en donne l’image positive d’une force de régénération. Le symbole de Duvalier c’est la pintade. Pour combattre les duvaliéristes, Aristide va chercher lui aussi son symbole dans la basse-cour : ce sera le coq. Avec le coq, il compte faire fuir la pintade. Les batailles se poursuivent toujours dans l’imaginaire…

Aristide utilise autant le vaudou que Duvalier, du moins un certain aspect du vaudou... Il y a quelques mois, un bébé a disparu de l’hôpital général. Ça a fait un scandale ! Tout le monde sait en effet qu’Aristide a fait sacrifier ce bébé pour obtenir les faveurs des “ Loas ” (esprits et divinités vaudous). C’est du même ordre que les neuf jeunes filles sacrifiées par Duvalier et enterrées sous un calvaire…

Rue des Pas-Perdus est un livre très sombre. Comment pense-tu que la situation va évoluer ?

Je suis optimiste, je pense qu’aujourd’hui, pour la première fois en Haïti, il y a un désir d’humanité qui s’exprime de manière collective. Et je n’ai personnellement, dans ma vie passée et mes lectures, pas mémoire de cela. Ce désir qui se fait jour dans l’ensemble de la société haïtienne pourrait se formuler ainsi : “ Pour être haïtien, pour que moi je puisse être haïtien, il faut que tu le sois aussi ”. Je ne dis pas que tous les haïtiens vont se mettre à s’aimer et qu’il n’y aura plus ni luttes des classes ni différences sociales. Mais il y a enfin l’idée qu’on peut tous être citoyen d’une même Nation…

Gary Victor
“ … perdu dans l’utopie ”

Naissance : 1958 à Port-au-Prince

Romans édités en France (tous publiés chez Vents d’ailleurs)  :
La Piste des sortilèges, 2002
A l’angle des rues parallèles, 2003 (1ère édition en 2000)
Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin, mars 2004

A l’ange des rues parallèles s’ouvre par une allégorie, une sorte de mythe de Sisyphe : en pleine saison des pluies, un “ fou ” se construit une hutte dans le lit même d’une ravine. A chaque averse, un torrent emporte avec lui l’abri du vagabond qui cependant ne cesse de le reconstruire. As-tu voulu placer d’emblée ton récit sous le signe de l’absurde ?

Nous sommes dans une société où tout est absurde, où il faut retrouver de la cohérence dans cette absurdité. Le fou n’est-il pas à la recherche de cette cohérence ?... Je me suis servi d’une image qui m’a frappée : j’ai effectivement connu un fou qui reconstruisait constamment sa cahute dans une ravine. Ce fou s’appelait Apollon, son nom le plaçait déjà dans l’ordre du mythe. Ce qui me fascinait, c’était l’acharnement de cet homme à lutter contre les éléments, alors qu’autour de lui personne ne se souciait de la dégradation de l’environnement. Ce fait particulier illustre une situation d’ensemble : en Haïti, il y a une cécité générale, personne ne veut voir la réalité en face, personne ne veux lutter contre des maux qui pourtant sautent aux yeux… A Port-au-Prince, chaque grande averse est meurtrière, provoque des glissements de terrains, des lavalas, des flots de boue et de fatras, emportant maisons, voitures, habitants… Pourtant, il n’y a jamais rien de fait pour prévenir le prévisible… Lavalas, c’est aussi le mouvement d’Aristide, cette crue, cette inondation qui dévale et emporte tout, toutes les valeurs, toutes les références…

Dans ton roman, tout commence à se dérégler le jour où les miroirs deviennent aveugles : les écrits et les paroles s’inversent, la statue de St Pierre courre les rues, Dieu se fait assassiné… Pourquoi tout part de la cécité des miroirs ?

La fonction d’un miroir c’est de réfléchir notre image. Or nous sommes dans une société où les gens refusent de se regarder, de se questionner, de réfléchir… J’ai voulu traduire ce refus de la réflexion et montrer le chaos qui en résulte. Quand un organe ne sert plus, la fonction disparaît. C’est ce qui arrive aux miroirs dans mon roman : ils ne servent plus à réfléchir donc ils finissent par ne plus rien refléter…

Dans un autre passage de ton livre, tu expliques le succès du film Matrix en Haïti par le fait que les haïtiens vivraient déjà dans “ une sorte de réalité virtuelle construite à partir des données d’un passé prétendument glorieux ”[12]. C’est le vieux thème des ombres de la caverne, des simulacres…

Oui, plutôt que voir la réalité en face, on reste fasciné par son double, par sa représentation idéalisée. Mais il arrive un moment où cette réalité vous rattrape et vous détruit…En Haïti, on vit le présent et le passé, le réel et l’imaginaire en simultané ; c’est le règne de la confusion. Le drame de l’haïtien c’est qu’il s’est perdu dans l’utopie. Avec cette affaire de commémoration de l’indépendance, le risque c’est qu’il s’y perde encore plus…

A l’angle des rues parallèles…, d’où vient donc ce titre énigmatique ?

Un jour, en écoutant la radio, j’ai surpris un journaliste annoncer qu’un meurtre s’était produit à l’angle de deux rues : la rue Pavée et celle du Calvaire. Le problème c’est que ces rues sont parallèles, en tout cas dans la vie quotidienne... Personne ne s’est aperçu de l’erreur. J’ai trouvé ça fabuleux : je me suis rendu compte alors que Port-au-Prince était le seul lieu au monde où des parallèles puissent se croiser…

Pourquoi assassine-t-on Dieu dans ton roman ? Nihilisme, volonté de néant ?...

Dans ce pays, il y a comme un désir de tout détruire, de renverser l’ordre des choses pour le remplacer par quelque chose que l’on n’arrive même pas à définir. La pulsion de mort est très forte en Haïti : un désir d’autodestruction, de purification suprême… Aristide, c’est la quête du chaos, la destruction de toutes les institutions. Le régime d’Aristide ne peut même pas être qualifié de fasciste, son fonctionnement est infra-politique, il est purement mafieux. Il a réduit le pays à un tel état de misère et de délabrement que les cassandres, les prophètes de la fin du monde, les Eglises des derniers jours et autres profiteurs de l’apocalypse pullulent dans tout le pays. Voici quelques années, le passage d’une comète a vidé Port-au-Prince de tous ses habitants : tout le monde était persuadé que la Terre allait être réduite en cendres…

Tu décris une scène très drôle aussi, une cérémonie vaudou organisée par le pouvoir pour conjurer la malédiction des miroirs. Quel est donc le rapport d’Aristide au vaudou ?

Même s’il a utilisé la théologie de la libération, même s’il s’est présenté sous la figure de l’Elu, du Messie, Aristide a autant utilisé le vaudou que Duvalier. Il en a fait notamment un religion officielle au même titre que le catholicisme ou le protestantisme. Le langage apparent du pouvoir a toujours été un langage chrétien, mais, dans la pratique, les despotes haïtiens ont toujours eu recours à des Oungan (prêtres vaudou) ou des Boko (sorciers) pour consolider leur pouvoir. Aristide est perçu dans la population comme un grand sorcier, comme quelqu’un qui maîtrise les Mystères, et plus vraiment comme le “ petit Père des pauvres ”…

En cette année de commémoration de l’indépendance, ta Piste des sortilèges est tout à fait d’actualité. Tu y développes une vision très sombre, très critique de l’histoire d’Haïti. Les luttes émancipatrices y apparaissent constamment bafouées, les trahisons s’y succèdent. Un de tes personnages, le Marron Petit-Noël Prieur, va même jusqu’à traiter Toussaint Louverture de “ traître ”… 

La position de Petit-Noël Prieur illustre celle de la plupart des chefs marrons : ils ont toujours refusé l’autoritarisme et le système de travail forcé[13] imposés par Toussaint et ses généraux. Ces derniers voulaient maintenir, pour leur propre profit, les masses d’anciens esclaves sur les plantations des anciens maîtres blancs. Dans l’histoire haïtienne, on rejette toujours les Nègres marrons au second plan. Pour moi, les seuls “ Justes ”, les seuls hommes libres, ce sont ces Marrons. Ils n’ont jamais accepté l’autorité des généraux, ils savaient que ceux-ci défendaient l’intérêt de leur classe. 1804 leur a donné raison, puisque dès le départ on a bâti une société d’exclusion. L’Etat est passé aux mains des anciens créoles, nègres affranchis et mulâtres, et de quelques généraux noirs. On a toujours eu une élite à deux branches : une élite économique à majorité mulâtre et une minorité noire à qui on accorde le pouvoir, car elle peut faire du populisme, du “ noirisme ”...

Dans La Piste…, tu reviens sur l’élimination systématique des chefs Marrons par les généraux Noirs…

Oui, c’est un épisode occulté de notre mémoire. Quand on l’aborde dans l’histoire officielle, on prétend que l’élimination des groupes de Marrons était nécessaire pour parvenir à l’unité nationale. C’est faux, c’est la première trahison, la première imposture ! … Il n’y a jamais eu de victoire des Noirs en 1804 ! ... Seulement l’émergence d’un Etat au service d’une bourgeoisie mulâtre alliée à des généraux noirs.

Quelle empreinte le marronnage a-t-il laissé dans la société haïtienne ?

Comme l’Etat haïtien s’est bâti sur l’exclusion de la masse des “ nouveaux libres ”, je pense que c’est tout Haïti, en particulier le monde paysan, qui s’est organisée en société marronne. L’expression “ Pays en dehors ” par laquelle on désigne le monde rural exprime bien cette exclusion séculaire. Toute la paysannerie, la majorité de la population haïtienne, s’est organisée en poche de résistance face à un Etat vampire ; elle s’est donc organisée avec sa religion, sa culture, son mode de vie propre. Ce dont témoigne encore des formes d’organisation collective du travail comme le coumbite, la corvée ou l’escouad … Cela se ressent également dans la vie quotidienne : dès qu’un paysan entre en contact avec un citadin, toute son attitude devient une attitude de marron ; de ruse, d’esquive, de dissimulation… C’est pourquoi en Haïti le verbe marronner est un verbe très courant. Toute la culture haïtienne est imprégnée par le marronnage. La société est marronne car depuis sa constitution l’Etat haïtien incarne la nouvelle figure du “ maître ”...

Lexique

“ Domi nan bwa ” : ceux qui dorment dans les bois, les bêtes sauvages. 
“ Gèp panyol ” : guêpes agressives
“ Janl pase li pase ” : “ on se fout de tout ”

Macoute : sacoche du paysan haïtien, un des symboles de Zak

Marassa : jumeaux en créolea

OP : Organisations Populaires détournées de leur objectif initial, la démocratie participative. Véritables gangs armés, elles agissent soit pour leur propre compte, soit pour le compte d’Aristide ou de chefs politiques locaux. Synonyme de chimères

“ Rache kou poul ” : tordre le cou des poules

Ravine : Lit encaissé d’une rivière. Au moment des pluies, les ravines qui parcourent la capitale se transforment en véritables torrents, lavalas, qui emportent tout sur leur passage

Sélection de livres sur Haïti

Fictions

Gouverneurs de la rosée, Jacques Roumain, éd. Le Temps des Cerises, 2002, Pantin 
Compère Général Soleil
, Jacques Stephen Alexis, éd. L’imaginaire, 2000, Paris
Le Royaume de ce monde
, Alejo Carpentier, éd. Gallimard, coll. Folio, 1999, Paris
Les Cacos
, Jean Métellus, éd. Gallimard, coll. NRF, 1989, Paris
Le Cri des oiseaux fous
, Dany Laferrière, éd. Le Serpent à Plumes, coll. Motifs, 2000, Paris
Le mât de cocagne
, René Depestre, éd. Gallimard, coll. Folio, 1998, Paris
Contes diaboliques d'Haïti
, Mimi Barthélemy, éd. Karthala, 1995, Paris

Analyses

Le Barbare imaginaire, Laënnec Hurbon, éd. du Cerf, 1988, Paris
Misère, religion et politique en Haïti : “ Diabolisation et mal politique ”, éd. Karthala, 2001, Paris
1802 : Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises :
“ Aux origines de Haïti ”, dir. Y. Bénot et M. Dorigny, éd. Maisonneuve et Larose, 2003, Paris
A quoi rêve Haïti ?
 : Dossier de la revue Africultures, éd. L’Harmattan, mars 2004, Paris.
Créoles – Bossales :
“ Conflit en Haïti ”, Gérard Barthélemy, éd. Ibis rouge, 2000, Guadeloupe
Haïti, la perle nue
, Gérard et Mimi Barthélemy, éd. Vents d’ailleurs, 1999

Dénètem TOUAM BONA


[1] Bien des groupes de chimères étaient d’anciennes “ Organisations Populaires ” qu’Aristide avait réussi à transformer en milices à son service. A l’origine, ces organisations luttaient pour la justice sociale et la démocratie participative. Associations paysannes, associations ouvrières, associations de femmes, associations d’éducation populaire, associations de quartier… : au lendemain de la chute de Duvalier, une multitude d’espace de parole et d’action en commun avaient surgi en Haïti.

[2] Près de 500 000 hab. à elle seule sur les 3 millions que compte Port-au-Prince

[3] Rue des Pas-Perdus, Lyonel Trouillot, éd. Actes Sud, coll. Babel, Arles, 1998

[4] Dans un communiqué, Lyonel Trouillot, l’un des principaux leaders, résumait ainsi les missions de ce mouvement de contestation d’Aristide : “ La première est de se prononcer sur les violations des libertés que subissent les Haïtiens au quotidien. Est-il possible de continuer à écrire des romans ou, pour un musicien, à donner des concerts, si nous restons silencieux ? La deuxième mission est d’organiser des débats, des spectacles et des réflexions pour essayer de comprendre la cause du mal-être haïtien et redonner de l’espoir à ce peuple. Ce n’est pas une mission directement politique. Je suis écrivain et je veux revenir à mes livres. ”

[5] Un des leader des rebelles “ Cacos ” durant l’occupation américaine (1915-1934)

[6] Un corps d’homme. Non, une moitié. Le corps n’avait ni cou, ni tête, ni bras. On l’avait tranché juste au-dessus du nombril. Mais la coupure n’était pas visible, le bout de torse maigre se perdait dans le ventre d’un gros porc qu’on avait ouvert de toute sa largeur. L’homme et le porc ne faisaient qu’un, entourés d’une aura de fumée. p. 101

[7] Port-au-Prince, 25 nov 2003 (AFP) - Une tête a été découverte mardi gisant sur un tas d’immondices dans le centre de Port-au-Prince, entourée de tracts à caractère politique menaçant de représailles certains membres de la société civile, de l’opposition ou de la presse, a constaté l’AFP.

[8] Haïti demeure une société marquée par l’esclavage. La hiérarchie sociale correspond, en partie, à une hiérarchie des “ couleurs ” qui s’étagent de la peau la plus foncée à la peau la plus claire... Cf. Retour du Maroni (“ Le Nègre n’est pas. Pas plus que le Blanc ”, p. 124), in “ Drôle d’époque ” n°13

[9] La “ faillite ” des coopératives s’est produite début 2002 : 250 millions de dollars se sont volatilisés.

[10] “ Là où François Duvalier recourait aux dieux vodou pour s’identifier à l’ “ âme ” du peuple, Aristide déclare être la voix de Dieu qui se fait entendre par les rumeurs du peuple. ” Pour une sociologie d’Haïti au 21ème siècle, Laënnec Hurbon, éd. Karthala, Paris, 2001, p. 183

[11] Le 18 octobre 90, le Père Jean-Bertrand Aristide déclare sa candidature aux élections présidentielles. Il a pour principal adversaire le macoute Roger Lafontant. Citant la chanson "Nou se lavalas", tube sorti en 1987 (contre la répression), il appelle son mouvement “ Lavalas ”, et en tire le slogan : “ Yon sèl nou fèb, ansanm nou fò, ansanm ansanm nou se lavalas ” (Seuls nous sommes faibles, ensemble nous sommes forts, unis nous sommes le déluge).

[12] P. 23

[13] Ce que les historiens appellent le “ caporalisme agraire ”



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